Une première en France : la cour force un employeur public à respecter la loi sur la protection des non-fumeurs

Après cinq ans de démarches et de procédures, une employée de la Sécurité sociale vient d’obtenir gain de cause devant un tribunal français. La décision oblige son employeur à créer, sur les lieux de travail, des sections pour les fumeurs séparées par des cloisons.

Martine Peschang est entrée à l’emploi de la Sécurité sociale il y a plus de 10 ans. Fortement incommodée par la fumée de tabac – violents maux de tête, irritation aux yeux – elle a accueilli avec joie la loi Évin, votée en 1991, qui restreint l’usage du tabac sur les lieux de travail, dans des fumoirs séparés. Malheureusement, son employeur n’a pas vu les choses de la même façon, de telle sorte que son environnement est resté enfumé comme avant.

Au fil des ans, Mme Peschang a demandé aux fumeurs qui l’entouraient de s’abstenir, puis à ses supérieurs immédiats de voir au respect de la loi. Devant l’indifférence suscitée par ses requêtes, elle s’est adressée par écrit aux responsables locaux, puis régionaux, mais sans plus de résultats.

Son insistance lui a valu le boycott et la mise à l’écart de la part de ses collègues de travail. Son employeur, de son côté, lui a infligé des blâmes officiels, un conseil de discipline et même une mutation loin de son domicile.

Devant tant d’hostilité, elle a appelé son syndicat à la rescousse. La Confédération générale du travail (CGT) l’a aidée à mettre de la pression sur son employeur et à faire constater le conflit de travail. La Sécurité sociale ne souhaitant manifestement pas de règlement à cette situation, Mme Peschang n’a eu d’autre choix que de recourir aux tribunaux, qui lui ont donné raison.

Sa victoire est la première remportée devant les tribunaux français en ce qui a trait à la protection de la santé des non-fumeurs. Et elle est significative à plusieurs égards. D’abord, la Sécurité sociale est l’un des plus importants employeurs de France et compte quelque 20 000 employés répartis dans 118 points de service. Ensuite, il s’agit d’un organisme qui finance plusieurs programmes importants de prévention et de promotion de la santé.

Enfin, la Sécurité sociale est surtout une caisse gigantesque qui gère les cotisations de tous les employeurs et travailleurs français (des dizaines de milliards de francs) et dont le rôle englobe une bonne partie des fonctions qu’on confie chez nous à la Régie de l’assurance-maladie (RAMQ), au Régime des rentes du Québec (RRQ) et à la Commission de santé et de sécurité au travail (CSST) : assurance-maladie, médicaments, maternité, invalidité-décès, accidents du travail, allocations familiales, pensions de vieillesse, etc.

La décision de la cour a donné des ailes à Martine Peschang. Son cas fait jurisprudence. Aujourd’hui, elle apporte conseils et support à d’autres collègues de travail aux prises avec la même situation dans d’autres points de service de la Sécurité sociale.

Louis Gauvin, coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, récemment de passage en France pour le 8e Congrès international sur le traitement du cancer.