Les premiers jours de l’application de la Loi sur le tabac se déroulent plutôt bien

En mettant en place les dispositions de la Loi sur le tabac, le gouvernement du Québec posait un geste concret pour protéger l’ensemble de la population contre les méfaits du tabagisme. Les dernières dispositions de la loi entraient en vigueur le 17 décembre.

Malgré la frénésie du temps des fêtes et les réceptions de bureau, une volonté générale et une bonne collaboration de la part des Québécois à respecter la loi est palpable. Les premiers jours de l’application de ces nouvelles mesures se sont déroulés sans cris ni grincements de dents.

La population a été sensibilisée à ces nouvelles restrictions concernant l’interdiction de fumer dans les milieux de travail et dans certains lieux publics. Elle a, en effet, bénéficié de la campagne de communication du ministère de la Santé et des Services sociaux diffusée dans les médias écrits et électroniques. En outre, une belle couverture de toute la presse, axée sur la cessation et les efforts des employeurs, a facilité ce changement. Les pires craintes ont aussi été exprimées tout comme les meilleurs appuis.

Après un tour d’horizon, il semble que dans la plupart des lieux publics, les fumeurs ne contestent pas la loi mais pour plusieurs d’entre eux, la confusion règne : ils ne savent pas exactement où ils ont le droit de fumer, surtout lorsqu’ils voient des cendriers et des affiches d’interdiction dans un même lieu. Comme pour tout changement, une période de transition est à prévoir et s’accompagne souvent de ce genre d’incohérence.

De l’air dans les centres commerciaux

Plusieurs gestionnaires d’endroits publics en donnent plus que ce qu’exige la loi. À titre d’exemple, beaucoup de centres commerciaux interdisent désormais totalement l’usage du tabac.

Néanmoins, des restaurateurs estiment que cette loi est difficilement applicable. Ils ont l’obligation de réserver au moins 60 % de places non-fumeurs et devront ériger des cloisons entre la zone fumeur et la zone non-fumeur d’ici 10 ans. Cette construction de cloisons ne s’applique que pour les établissements de 35 places et plus. Selon notre évaluation, il y a lieu de croire que les restaurateurs, pour la plupart, attendront l’application des sanctions avant d’aménager l’espace conformément à la loi.

Les entreprises prêtes à se conformer

Dans les milieux de travail, malgré l’annonce du ministre délégué à la Santé, Gilles Baril, de reporter les sanctions prévues pour une période de six à douze mois, la plupart des entreprises étaient prêtes à se conformer à la loi, d’après un sondage de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI).

« La presque totalité (92,2 %) des propriétaires d’entreprise connaissaient la date d’entrée en vigueur de la loi. Dans la majorité des cas (63,3 %) on estimait disposer d’assez de temps pour se conformer. Des chefs d’entreprises interrogés, 15,6 % ne croyaient pas pouvoir respecter l’échéance alors que 4,2 % d’entre eux ne pouvaient dire si leur entreprise serait conforme lors de l’entrée en vigueur de la loi », a mentionné leur communiqué du 15 décembre. Or, si l’on additionne le 16,8 % des répondants qui travaillent déjà dans des lieux sans fumée, c’est quelque 80 % qui étaient prêts à se conformer à la loi.

Les entrepreneurs sont en accord avec la loi et ont adopté des politiques antitabac au sein de leur entreprise, a indiqué la FCEI. Le bémol est de définir qui est responsable de faire respecter la loi? Sur ce point et dans une large proportion (73,6 %), les dirigeants interrogés ne souhaitent pas avoir à assumer la responsabilité de faire appliquer la loi. « Ils veulent bien faire leur part mais ne revient-il pas au gouvernement d’assumer la sienne? » se demande la FCEI.

Concrètement, la plupart des employeurs ont décidé de ne pas construire de fumoirs par faute de place ou à cause des coûts d’une telle installation. C’est dire que les employés iront fumer dehors. Ce changement social demandera une saine gestion des relations de travail afin que l’adaptation se fasse harmonieusement. Car la  » loi est là pour rester « , a affirmé le ministre Baril au mois de novembre dernier à la presse : « Elle entre en vigueur à partir du 17 décembre et il n’y a pas d’exception pour personne. Ça va être la même loi pour tout le monde. »

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac salue avec enthousiasme l’entrée en vigueur de la loi et estime qu’elle « va enfin permettre à la société québécoise de s’attaquer au problème du tabagisme. À court terme, elle protégera les non-fumeurs et réduira le nombre de fumeurs, mais mieux encore, à plus long terme, elle réduira le nombre de maladies et de décès liés à l’usage du tabac. »

Cinq mesures demandées

Toutefois, le report de l’application des sanctions a amené la Coalition et les groupes de santé à proposer au gouvernement cinq mesures pour assurer le respect de la loi : « L’adoption d’une date ferme pour l’entrée en vigueur des sanctions de la Loi, soit le 17 juillet 2000; l’embauche d’un nombre suffisant d’inspecteurs pour veiller au respect de la Loi; un mécanisme de recours à l’intention des employés dont les employeurs ignorent la Loi; un renforcement de la campagne d’information à l’intention des entreprises et des citoyens afin de faire connaître ces trois mesures, les caractéristiques nocives de la fumée de tabac dans l’environnement et le droit des non-fumeurs de travailler dans un environnement sans fumée; une aide aux fumeurs qui désirent cesser de fumer. »

Dans un éditorial du quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières du 17 décembre, Ginette Gagnon a souligné qu’il était temps que la Loi sur le tabac s’applique. Par ailleurs, fait-elle remarquer « À ceux, encore là, qui voient cette mesure comme la fin du monde, il est bon de rappeler que cette situation prévaut dans nombre d’entreprises américaines et européennes. Le Québec n’invente absolument rien et ne prend personne de vitesse. Il ne fait que rattraper le courant montant en faveur d’un environnement exempt de substances cancérigènes. »

Lucie Desjardins