Le médecin : un élément-clé dans la prévention et l’abandon du tabagisme au Québec

Après plusieurs années de travail en journalisme à Paris, Fabrice Pierrebourg est venu s’installer au Québec, où il écrit pour plusieurs revues.

De nombreuses études menées principalement aux États-Unis l’ont démontré : le corps médical joue un rôle capital dans l’abandon du tabagisme et dans la prévention vis à vis de ceux qui ne fument pas encore, c’est à dire des plus jeunes. D’ailleurs plusieurs initiatives ont vu le jour depuis les dix dernières années pour impliquer les médecins dans la lutte contre ce fléau.

En 1998, le Collège des médecins du Québec et la Direction de la santé publique de la Régie régionale de la Santé et des Services sociaux de Montréal-centre s’associaient pour rédiger des lignes directrices intitulées « La prévention et l’abandon du tabagisme » pour aider les médecins à mieux conseiller leurs patients fumeurs et aussi pour sensibiliser ceux qui semblent réticents à intervenir…

« Au Québec, remarque le Dr François Goulet, porte-parole du Collège des médecins du Québec, la majorité des fumeurs qui consultent ne se voient pas encouragés par nos confrères à cesser de fumer. Pourtant, le médecin est vraiment un élément-clé dans la prévention et la cessation du tabagisme et les Lignes directrices qui leur ont été envoyées récemment, devraient leur fournir tous les outils nécessaires pour mieux conseiller leurs patients fumeurs. De plus, comme nous le conseillons à la fin du document, quelques minutes suffisent pour entamer une discussion sur le tabagisme et pour que le médecin soit considéré comme une personne ressource essentielle sur laquelle le fumeur pourra compter le moment choisi. »

Le tabagisme tel qu’il devrait être abordé dans le cabinet du médecin

Distribuée à la fin janvier à tous les médecins du Québec, la brochure en question aborde en une vingtaine de pages la problématique du tabagisme et propose au médecin une démarche simple et respectueuse des besoins de chaque patient fumeur.

On suggère au médecin d’identifier le statut tabagique de chaque patient qui le consulte en lui demandant tout simplement s’il fume. Cette courte étape franchie, le médecin détermine à quelle « étape de changement » (modèle de J. Prochaska) se situe son patient fumeur :

  • Fumeur en préréflexion : fumeur qui ne perçoit pas son tabagisme comme un problème et qui ne songe à pas cesser de fumer au cours des six prochains mois;
  • Fumeur en réflexion : fumeur qui est conscient que son tabagisme est un problème et qui pense arrêter de fumer au cours des six prochains mois;
  • Fumeur en préparation : fumeur qui se prépare à cesser de fumer au cours du prochain mois;
  • Fumeur en action : fumeur qui a cessé de fumer depuis moins de six mois et qui est aux prises avec les difficultés inhérentes à l’arrêt tabagique;
  • Fumeur en suivi : fumeur qui a cessé de fumer depuis plus de six mois et qui poursuit ses efforts pour maintenir son nouveau statut.

Par la suite, le document propose au médecin d’adapter son intervention selon l’étape de changement qu’il aura identifiée. Par exemple, avec un patient fumeur en préréflexion ou réflexion, on suggère au médecin de discuter des avantages et des inconvénients que celui-ci retire de son tabagisme. Une telle intervention permettra au médecin d’identifier les principales barrières qui empêchent son patient de prendre la décision de cesser de fumer.

Les différentes étapes de changement sont abordées à tour de rôle en insistant sur les éléments d’intervention propres à chacune de ces étapes. De plus, on discute brièvement du tabagisme et de quelques groupes spécifiques comme les femmes enceintes qui fument, les adolescents qui fument et les fumeurs préoccupés par la prise de poids associée à l’arrêt tabagique.

Le médecin et la pharmacothérapie

Pour faciliter la cessation en diminuant la présence et l’intensité des symptômes de sevrage, le médecin est appelé à employer la thérapie de remplacement de la nicotine, à base de timbres ou de gommes, de même que des médicaments comme le Zyban. En les utilisant séparément ou même en les combinant, il est possible de doubler ou même de tripler les chances de succès à six mois ou un an, mentionne le Dr André Gervais, pneumologue rattaché au CHUM et à la Direction de la santé publique de Montréal-centre.

Le médecin, un maillon essentiel dans la lutte au tabagisme au Québec

Plusieurs médecins semblent découragés du peu d’impact de leur intervention en counselling tabagique. Pourtant, il a été démontré à maintes reprises que lorsque les médecins interviennent auprès de leurs patients fumeurs, entre 5 et 35 % d’entre eux ne fumeront plus de 6 à 12 mois plus tard.

Selon Michèle Tremblay, médecin-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal-centre, « bien que ces taux de succès peuvent sembler faibles pour un médecin dans sa pratique de tous les jours, il ne faut pas oublier que si tous les médecins intervenaient avec leurs patients fumeurs, et qu’ils obtenaient un taux de succès de 5 %, il y aurait environ 60 000 fumeurs de moins par année au Québec ».

Le Dr Gervais rappelle également l’importance d’intervenir sur cette toxicomanie comparable à celle causée par l’héroïne ou la cocaïne, quand l’on sait qu’un fumeur a une chance sur deux de mourir d’une maladie reliée au tabac.

Le message est clair : avec ces lignes directrices, en misant sur la relation de confiance que le médecin établit avec son patient, en utilisant l’arsenal thérapeutique et toutes les ressources à sa disposition, le médecin a désormais toutes les cartes entre ses mains pour s’impliquer dans la lutte au tabagisme menée présentement au Québec.

Fabrice Pierrebourg