La popularité des cigarillos a un peu diminué chez les écoliers

À l’automne 2008, 17,6 % des élèves des écoles secondaires québécoises, lesquels ont ordinairement entre 12 et 17 ans, avaient fumé au moins un cigarillo dans les trente jours précédant le coup de sonde de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Deux ans plus tôt, lors de la précédente collecte de données de l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire (ETADJES) de l’ISQ, les consommateurs de cigarillos comptaient pour 21,6 % des élèves observés, un pic qui avait alarmé les citoyens et les organismes préoccupés de santé publique. La baisse de prévalence de la consommation de cigarillos révélée par les résultats de 2008 de l’ETADJES est la première à être détectée depuis l’année 2000. En 2000, 13,4 % des élèves du secondaire avaient fumé un cigarillo au cours des trente jours précédant le sondage.

Pour Monique Bordeleau, agente de recherche à l’ISQ et auteure avec Gaëtane Dubé du chapitre de l’ETADJES sur l’usage du tabac, l’obligation d’un achat minimal de 5 $ de produits du tabac (autres que les cigarettes), en vigueur depuis le 24 juillet 2008, pourrait en partie expliquer la baisse de prévalence dans l’usage du cigarillo chez les élèves du secondaire. (Le montant d’achat minimum a été porté à 10 $ le 1er juin 2009.) Cette mesure mettait fin, en pratique, à la vente de cigarillos à l’unité.

De son côté, Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, estime que la disparition des présentoirs de produits du tabac dans les épiceries, dépanneurs et autres points de vente au Québec, le 31 mai 2008, est la principale cause de la baisse substantielle du nombre de jeunes qui consomment le cigarillo. Dès lors que les cigarillos sont soustraits à la vue du public, leurs emballages chatoyants sont moins visibles, et il était prévisible que se produise une diminution des achats impulsifs. Générer des achats impulsifs et l’« expérimentation » : c’était mot pour mot ce que les fabricants promettaient aux commerçants pour les convaincre de mettre des cigarillos sur leur comptoir.

Parmi les élèves du secondaire qui sont demeurés adeptes du cigarillo, 74,1 % en avait fumé deux ou moins par jour, dans la période de 30 jours qui précédait leur réponse au questionnaire de l’ISQ. Seulement 9,9 % des jeunes fumeurs de cigarillos en consommaient quotidiennement six ou plus.

Par comparaison, l’ETADJES montre que seulement 55,1 % des adeptes de la cigarette n’en fument quotidiennement que deux ou moins, contre 36 % qui en fument quotidiennement six ou plus.

Maintien de l’usage de la cigarette

La diminution de popularité des cigarillos n’a pas été compensée entre 2006 et 2008 par une augmentation de la proportion des élèves du secondaire qui fument la cigarette, une proportion qui a atteint 14,7 % en 2008, soit son plus bas niveau depuis 1998, quand l’ISQ a commencé à recueillir des données sur le phénomène tabagique dans nos écoles.

En revanche, après les chutes substantielles de la proportion des fumeurs de cigarette chez les écoliers observées par l’agence québécoise de statistique entre 1998 et 2006, la baisse de 0,2 point survenue entre 2006 et 2008 fait pâle figure. Cette quasi-stagnation de la popularité de la cigarette chez les adolescents fréquentant l’école secondaire au Québec concorde avec ce qui a été observé en parallèle par Statistique Canada auprès des adolescents québécois en général.

Les efforts que la société québécoise a faits auprès des jeunes pour combattre l’épidémie de tabagisme paraissent plus fructueux quand on regarde l’évolution du phénomène tabagique sur une décennie, celle qui a suivi l’adoption de la Loi sur le tabac par l’Assemblée nationale.

À partir de leurs réponses recueillies tous les deux ans, les élèves du secondaire sont classés selon leur comporte­ment par les statisticiens : fumeur quotidien, fumeur occasionnel, fumeur débutant, ancien fumeur, ancien expérimentateur et non-fumeur depuis toujours. Or, cette dernière catégorie, dans laquelle se retrouvait moins de la moitié (48 %) des élèves du secondaire en 1998, comprend trois élèves sur quatre (74,6 %) en 2008. Les non-fumeurs depuis toujours et les anciens fumeurs forment aujourd’hui 85,3 % des élèves du secondaire. Comme toujours, ces jeunes non-fumeurs sont un peu plus nombreux en première secondaire (91,6 %) que chez les finissants (78,9 %). La proportion des non-fumeurs a toutefois augmenté dans chacun des cinq niveaux, au cours de la dernière décennie.

Initiation au tabagisme et facteurs propices

L’enquête de l’ISQ permet aussi d’observer que les écoliers québécois s’initient à la cigarette un petit peu moins tôt qu’il y a dix ans, c’est-à-dire en moyenne à 12,7 ans plutôt qu’à 12,1 ans. L’âge moyen d’initiation mesuré parmi les garçons ne diffère pas signifi­cati­vement de celui des filles.

Une fois de plus en 2008, l’ETADJES montre une relation entre l’usage du tabac et l’argent de poche à la disposition d’un adolescent, argent de poche provenant d’un emploi rémunéré ou d’une allocation parentale. Reste à savoir si les écoliers qui possèdent plus d’argent de poche sont proportionnellement plus nombreux à fumer pour cette raison-là en tant que telle et uniquement, ou plus nombreux parce qu’ils sont aussi moins jeunes…

Comme par les années passées, l’ISQ a voulu vérifier si la structure familiale dans laquelle grandit un élève avait une influence sur son tabagisme. Elle en a une. Les élèves du secondaire qui vivent dans une famille biparentale, ce qui inclut les nombreux cas de familles reconstituées et de gardes partagées, sont plus massivement des non-fumeurs (88,1 %) que leurs camarades de classe vivant dans une famille monoparentale (77,6 %). Au cours de la dernière décennie, la proportion de non-fumeurs chez ces derniers s’est cependant accrue davantage (1,29 fois) que chez les jeunes vivant avec plus d’un parent (1,22 fois).

Le tabagisme du père ou de la mère est un autre facteur d’influence sur le comportement d’une jeune personne. Chez les élèves du secondaire dont au moins un parent fume, l’ISQ a observé 78,2 % de non-fumeurs en 2008, contre 89,0 % chez les élèves dont aucun parent ne fume. Le tabagisme d’un frère ou d’une sœur a aussi une influence.

Sources d’approvisionnement et renoncement

En 2008, plus de 47 % des fumeurs quotidiens chez les élèves du secondaire au Québec achetaient leurs cigarettes directement dans un commerce.

La proportion des élèves qui se procurent leurs cigarettes dans les commerces est plus faible chez les fumeurs occasionnels (36 %) et les fumeurs débutants (23 %). Ces deux derniers groupes sont donc, plus massivement que les fumeurs quotidiens, approvisionnés par des tiers, au premier rang desquels il faut mentionner les amis. L’histoire de santé publique racontée par l’ETADJES ne dit pas si les « amis », la parenté et les autres tiers dont il est question s’approvisionnent à leur tour sur le marché des cigarettes taxées ou sur le marché noir. Chose sûre, les lois québécoise et fédérale interdisent à quiconque de vendre du tabac à un mineur, ou de lui en fournir dans un endroit public, que ce tabac ait été taxé ou non.

De façon générale, environ 49 % des élèves mineurs qui fument n’ont jamais essuyé de refus de leur vie lors de l’achat de cigarettes dans un commerce. Les autres n’ont pas forcément échoué à chaque tentative.

Lorsque l’ISQ a interrogé sur leur capacité personnelle d’arrêter de fumer des élèves du secondaire qui ont déjà fumé, ces derniers ont été 85,8 % à répondre par l’affirmative, en 2008. Seulement 70,4 % des fumeurs quotidiens partageaient cependant cet optimisme, particulièrement fort chez les débutants. Monique Borde­leau de l’ISQ fait remarquer à Info-tabac que parmi les élèves du secondaire qui ont fumé pendant les douze mois précédant l’enquête de 2008, 56 % ont tenté au moins une fois d’arrêter. Ce constat répété d’une grande proportion d’adolescents qui voudraient arrêter de fumer et échouent apporte de l’eau au moulin des tenants, telle l’épidémiologiste québécoise Jennifer O’Loughlin, d’un élargissement des aides à la désaccoutumance en direction des fumeurs adolescents.

Tabagisme passif

En 2008, 21,0 % des élèves du secondaire non-fumeurs ont déclaré à l’ISQ être exposés quotidiennement ou presque à la fumée de tabac des autres personnes dans leur domicile, et 16,6 % le sont entre une fois par semaine et moins d’une fois par mois, alors que 62,4 % ne le sont jamais.

C’est donc dire que le nombre des jeunes du secondaire qui respirent de la fumée de tabac malgré leur volonté (37,6 %) correspond, en 2008, à plus du double du nombre des jeunes adeptes du cigarillo (17,6 %) ou de la cigarette (14,7 %). La proportion des élèves du secondaire qui ne sont jamais exposés à la fumée secondaire dans leur domicile n’a cependant jamais été aussi élevée depuis 1998. Il y a encore de la fumée dans l’air, qu’un rayon d’espoir perce.

Pierre Croteau