Fumée d’élections
Décembre 1998 - No 24
Le député péquiste André Boulerice demandant à une fumeuse d’écraser, est-ce possible? Oui, cette scène renversante s’est déroulée le 15 novembre dans un autobus transportant des militants du comté montréalais de Sainte-Marie-St-Jacques à un grand rassemblement du Parti Québécois à Longueuil. Fumeur invétéré, M. Boulerice s’était déjà signalé en recevant à son bureau, tout en fumant plusieurs cigarettes, deux professionnels de la santé venus le sensibiliser aux lois antitabac.
Au cours de la récente campagne électorale, un représentant d’Info-tabac (en l’occurrence, moi) a assisté, de manière anonyme, aux assemblées principales des trois grands partis tenues dans la région de Montréal, et a même voyagé dans l’autobus du candidat Boulerice, dont les locaux électoraux très enfumés étaient voisins des nôtres. Loin d’être une évaluation scientifique des moeurs tabagiques de ces trois partis, cette inspection improvisée a découvert trois assemblées fort différentes, côté protection des non-fumeurs.
PQ : 6 sur 10
L’assemblée du Parti Québécois, tenue sur le plancher de bois franc d’une piste de patin à roulettes, n’était soumise à aucune norme sur l’usage du tabac. Malgré cet oubli des organisateurs, très peu de militants osaient fumer dans les rangées assises. Parmi les candidats installés aux premières rangées, aucune cigarette en vue. Cependant, à l’arrière et sur les côtés, les murs enfumées des années 1970 refaisaient surface. Compte tenu du geste incroyable d’André Boulerice et des origines assez tabagiques du parti souverainiste, accordons 6 sur 10 au PQ pour les progrès accomplis.
PLQ : 10 sur 10
Le 21 novembre, l’assemblée du Parti Libéral s’est mérité un score parfait de 10 sur 10, au centre Pierre Charbonneau de la Ville de Montréal. Mais les libéraux furent aidés par une clause du contrat les liant à la municipalité, spécifiant que le parti devait lui-même faire respecter le règlement antitabac. Ainsi, à l’entrée du centre, des préposés informaient les militants qu’il était interdit du fumer; un rappel fut aussi annoncé au micro au début de l’assemblée. Le respect de ces consignes fut total, même chez les techniciens de la scène et les journalistes.
Le profil sociologique des sympathisants du PLQ explique sans doute en bonne partie le succès de l’interdiction de fumer : les personnes âgées, les gens aisés et les anglophones ont tous des taux de tabagisme inférieurs à la moyenne québécoise. Par contre, même au PQ, qui attire des francophones de toutes les classes sociales, dont des cols bleus assez portés à fumer, il en aurait fallu de peu pour profiter d’un environnement sain. À l’entrée, beaucoup de fumeurs jetaient spontanément leur cigarette, pensant pénétrer dans un lieu sans fumée.
ADQ : 0 sur 10
Qu’en est-il de l’Action démocratique, le parti qui se réclame des jeunes, du progrès et de l’innovation, et qui se dit tellement inquiet de l’avenir des générations à venir? Passablement vieux jeu, l’équipe Dumont, qui se mérite un minable 0 sur 10 pour son assemblée du 22 novembre, tenue en après-midi au cabaret Le Lion d’Or, dans le centre-est de Montréal.
La présence de plusieurs bébés et enfants n’a pas empêché les adéquistes de bien empester la salle d’une abondante fumée, encouragés par des cendriers trônant sur toutes les tables. Après 40 minutes d’asphyxie, le représentant d’Info-tabac a mis fin à son affectation, manquant l’arrivée de Mario Dumont.
Nos lecteurs ne sauront donc pas si le beau Mario a répété son discours d’opposition à la loi québécoise sur le tabac. Rappelons que le chef de l’ADQ avait dénoncé le projet de loi 444 en conférence de presse, au moment de son dépôt, pour ensuite s’absenter de l’Assemblée nationale lors du vote du 17 juin dernier.
Denis Côté