Cigarette électronique : quels risques pour la santé?

encadre-e-cigarette

La cigarette électronique semble plus sécuritaire que le tabac combustible. Reste à savoir à quel point.

De plus en plus de recherches sont publiées sur les risques potentiels de la cigarette électronique pour la santé. Certaines données sont inquiétantes alors que d’autres sont plutôt rassurantes. À l’heure actuelle, que peut-on raisonnablement conclure sur les dangers potentiels des cigarettes électroniques (ou e-cigarettes) pour ses utilisateurs et leurs proches?

Précisons-le d’emblée : ces appareils semblent beaucoup moins dangereux que les cigarettes combustibles. Par contre, cela ne signifie pas qu’ils soient parfaitement sécuritaires. Les promoteurs de la cigarette électronique rappellent souvent qu’elle ne contient que trois à quatre ingrédients : glycérine végétale, propylène glycol, saveurs et, parfois, de la nicotine liquide. Or, les saveurs ne sont pas un ingrédient, mais un assemblage d’ingrédients. Quant à la nicotine, il s’agit d’un poison lorsqu’elle est avalée ou absorbée par la peau. Enfin, même si ces trois ou quatre ingrédients n’étaient pas nocifs en soi, personne n’a étudié leurs effets lorsqu’ils sont inhalés de manière régulière sur une longue période.

Beaucoup de soupçons, mais peu de preuves
cig_electronique_fumeur
Crédit photo : http://vaping360.com/

Bref, l’impact des e-cigarettes sur la santé est mal documenté. Dans la quinzaine d’études à ce sujet consultées par Info-tabac, l’élément qui revient le plus fréquemment est une irritation des voies respiratoires. D’autres études détectent des métaux lourds dans la vapeur des cigarettes électroniques. Enfin, les médias ont rapporté quelques cas d’explosion de batteries. Il est toutefois bien difficile d’arriver à une conclusion solide sur les dangers potentiels de ces appareils. C’est ce que constatent Charlotta Pisinger et Martin Døssing dans Preventive Medecine après avoir examiné 76 études. Ces études trouvent dans les cigarettes électroniques ou leur vapeur « des particules fines et ultrafines, des métaux nuisibles, des nitrosamines carcinogènes spécifiques au tabac, des composés organiques volatils, des carbonyles carcinogènes […], de la cytotoxicité et des expressions génétiques modifiées. » Les deux auteurs ne concluent pas pour autant que ces appareils sont dangereux. En effet, « à cause des nombreux problèmes méthodologiques, de sévères conflits d’intérêts, des études relativement peu nombreuses et avec peu de sujets, des inconsistances et des contradictions dans les résultats et de l’absence de suivi à long terme, aucune conclusion ferme ne peut être tirée », écrivent-ils. Cependant, ces appareils « peuvent difficilement être qualifiés d’inoffensifs. » (notre traduction)

Nombreuses variables à considérer

Une part de l’incertitude provient de la grande diversité des e-cigarettes. Il en existe plus de 450 modèles à travers le monde. Sans compter les quelque 7000 saveurs d’e-liquide! Les études basées sur quelques dizaines de modèles peuvent donc rarement être généralisées à tous les autres. La sécurité des e-cigarettes dépendrait aussi de leurs conditions d’utilisation : voltage utilisé, qualité des composants, saveur d’e-liquide, etc. Paul Jensen et ses collègues, par exemple, écrivent dans le New England Journal of Medicine avoir détecté, dans les vapeurs des cigarettes électroniques utilisées avec un haut voltage, des composés (les formaldéhydes hémiacétals) pouvant relâcher des molécules carcinogènes (le formaldéhyde). Par la suite, des chercheurs leur ont toutefois répondu – toujours dans le New England Journal of Medicine – que les conditions d’utilisation qu’ils avaient testées ne correspondaient pas à un usage normal. Ce débat entre savants démontre surtout une chose : sans un encadrement définissant un « usage normal », les e-cigarettes peuvent entraîner des situations problématiques.

L’élément qui revient le plus fréquemment dans les études portant sur la sécurité des e-cigarettes est une irritation des voies respiratoires.

La nicotine des e-liquides est également dangereuse à certaines conditions. Avec la hausse des vapoteurs, les cas d’empoisonnement à la nicotine augmentent, notamment chez les enfants. La dose nécessaire pour tuer quelqu’un est cependant variable. Souvent fixée entre 0,5 et 1 mg de nicotine liquide par kilogramme de poids, elle pourrait aller jusqu’à 13 mg par kilogramme, rapporte Science et avenir. La Food and Drug Administration (FDA), enfin, récolte des données sur les effets secondaires dus à la cigarette électronique : mal de tête, crise d’asthme, saignements de nez, étourdissements, etc. Cette recension n’est toutefois pas systématique puisque ce sont des vapoteurs ou des professionnels de la santé qui les rapportent volontairement. La FDA note aussi que ces incidents pourraient être causés par autre chose que l’e-cigarette, comme une condition médicale préexistante. En somme, il existe encore plus de questions que de réponses sur la cigarette électronique. Face à des études partielles, voire contradictoires, le mieux est encore de faire attention à ce qu’on lit!

Encadrement de l’e-cigarette : le Comité permanent sur la santé rend son rapport

En mars, le Comité permanent de la santé du Parlement canadien a déposé un rapport sur l’établissement d’un cadre réglementaire pour les cigarettes électroniques. Celui-ci fait suite à des audiences publiques à l’occasion desquelles une trentaine d’individus et de groupes ont témoigné. Le rapport note d’abord l’accord de tous sur deux points : le besoin de renforcer la législation actuelle et le manque flagrant d’informations sur cette nouvelle technologie, qu’il s’agisse des composants de la vapeur secondaire ou de l’impact de la cigarette électronique sur la cessation tabagique ou le tabagisme des jeunes. Le comité souligne aussi que ces nouveaux produits pourraient être encadrés par la loi sur les produits du tabac, la loi sur les produits thérapeutiques ou celle sur les produits de consommation. Ottawa pourrait aussi créer une toute nouvelle loi.Au final, le comité soumet 14 recommandations à la ministre de la Santé, Mme Rona Ambrose, lesquelles demandent notamment :

  • que Santé Canada réalise ou commande des recherches sur les effets des cigarettes électroniques et sur leur impact sur l’initiation des jeunes aux produits nicotiniques;
  • que le gouvernement fédéral, en consultation avec les provinces et la population, réglemente les cigarettes électroniques en établissant un cadre législatif sous le régime de la Loi sur le tabac ou d’autres lois;
  • qu’entre autres cette nouvelle réglementation :
    • touche à la fois aux cigarettes électroniques avec et sans nicotine;
    • distingue les cigarettes électroniques des autres produits du tabac;
    • limite la quantité de nicotine dans les e-liquides et les vapeurs d’e-cigarettes;
    • interdise des allégations santé non démontrées sur les e-cigarettes;
    • interdise la vente de ces appareils aux mineurs;
    • interdise les saveurs d’e-liquide susceptibles de plaire aux jeunes;
    • restreigne la publicité et les activités promotionnelles entourant ces produits.

Anick Perreault-Labelle