Bannir les « douces » et « légères », premier pas vers un meilleur contrôle de l’étiquetage
Septembre 2005 - No 59
Dans son dernier numéro, Info-tabac vous a invité à vous exprimer sur des solutions possibles à l’utilisation des descriptifs et éléments visuels trompeurs. Vos réponses font état d’un consensus clair sur l’importance de bloquer les stratégies de marketing qui ciblent des marchés réduits de manière personnalisée. La prolifération des termes et du graphisme qui figurent sur les emballages y contribue et entretient l’illusion du choix. Toutefois, les opinions diffèrent quant aux façons d’éliminer ce phénomène.
Voici ce que vous aviez à dire :
« Les légères ou les ultra-super-méga-légères, c’est du pareil au même : un pur mensonge des compagnies de tabac. Ces descriptifs ont un effet trompeur prouvé, il faut donc les bannir. Les fumeurs repèrent en un clin d’oeil leur marque préférée par ses couleurs et logos, ce qui influence leurs habitudes d’achat et de consommation. Est-ce que les jeunes choisissent des Player’s, par exemple, parce que leur design est plus cool que celui des Matinée? La plupart des fumeurs ne prennent pas le temps de lire les quantités de produits toxiques indiquées sur les paquets. Même en comparant les marques, ils n’ont pas idée de l’impact chimique réel que cela signifie. Or, il faut que ces informations demeurent inscrites, question de laisser moins de place pour le graphisme… »
Elisabeth Lessard, chargée de projets en lutte contre le tabagisme
« En principe, la loi fédérale interdit actuellement toute promotion trompeuse. Les éléments d’emballage laissant entendre une différence de nocivité sont donc déjà illégaux. Il faut renverser le fardeau de la preuve et obliger les fabricants à démontrer qu’un emballage donné n’induit PAS les consommateurs en erreur. Il serait difficile de carrément bannir les extensions de marque, puisqu’il existe des distinctions – paquet de 25 ou 20, format king size ou régulier – qui n’ont rien à voir avec la fraude des légères.
Il existe une autre possibilité, beaucoup plus prometteuse : les emballages génériques. Les indications actuelles de la toxicité sont incompréhensibles – existe-t-il un autre produit qui contient entre 4 et 24 mg d’une substance toxique? Au Brésil, on indique en petits caractères les niveaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone, selon la méthode ISO, avec un avertissement en gros caractères indiquant qu’il n’existe aucun niveau sécuritaire pour la consommation de ces substances. En Australie, on s’en tient à un système strictement qualitatif, ce qui est encore mieux. »
Francis Thompson, analyste des politiques, Association pour les droits des non-fumeurs
« Il faut bannir tout ce qui peut contribuer à tromper les gens, que ce soient les mots, les couleurs ou les extensions de marque. Ils n’existent que pour donner bonne conscience aux consommateurs, qui croient que c’est moins nocif pour leur santé. La plupart des gens ignorent que la quantité de produits chimiques inhalés dépend du comportement de chaque fumeur. »
Isabelle Tremblay, spécialiste en santé et sécurité au travail
« Tous les produits du tabac devraient faire l’objet d’une préautorisation par une entité qui octroie des permis pour la mise en marché et la vente. La présence d’éléments trompeurs sur les paquets résulterait alors en l’interdiction de les distribuer. Il faudrait en venir à un modèle de paquet neutre et universel, qui emploie toujours la même typologie, et placé hors de vue dans les points de vente. »
Boris Savoie-Doyer, juriste
Propos recueillis et compilés par Julie Cameron