Aider ses proches à arrêter de fumer avec de petits billets doux

Selon l’Institut de la statistique du Québec, 44 % des élèves du secondaire encore mineurs et qui fument déclarent consommer habituellement des cigarettes achetées à leur demande par d’autres personnes. Un autre 33% de ces fumeurs adolescents déclarent acheter eux-mêmes leurs cigarettes dans des points de vente légaux, même s’il est interdit aux commerçants et à quiconque de leur en vendre. Les autres fumeurs adolescents se font offrir gratuitement leurs cigarettes, notamment par des camarades de classe.

Toute cette vaste complicité d’une trop grande part de la population dans l’intoxication de la jeunesse continue de préoccuper le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), qui se fait aussi du souci pour les adultes fumeurs et leur famille. C’est pourquoi, en 2010 comme par les années passées, le CQTS a voulu trouver des voix éloquentes pour répéter… qu’on ne peut pas se taire. Se taire n’est pas une option parce que ces enfants, ces proches, que l’on voit ou que l’on a vu ingérer volontairement la sournoise et mutilante fumée du tabac, ou la répandre autour d’eux, sont des êtres chers à nos coeurs.

La promotion de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac 2010 exposait des messages écrits sur des feuillets adhésifs, une idée de l’agence publicitaire Pub point com.

Les voix de cette année étaient celles de la comédienne Mireille Deyglun et de douze autres visages bien connus du petit écran au Québec, apparaissant dans autant d’émouvants films de 30 secondes, qui ont été réalisés par Jack Hackel et Janette Bertrand, et ont été diffusés du 9 au 24 janvier, sur six chaînes de télévision. S’adressant à un interlocuteur absent, qui est tantôt un parent décédé, tantôt un proche bien vivant, mais toujours une personne réelle et aimée, chacune des treize personnalités formule un tendre reproche ou une demande pressante à l’être cher, ou le louange pour son comportement exemplaire. Quelques touches de piano ponctuent en arrière-fond ces messages en faveur de la vie et de la santé et contre le tabagisme.

Pour bien marquer la pertinence des gestes d’encouragement dans la vie de tous les jours, le message de chacune des vedettes aboutit aussi sur un feuillet adhésif de couleur, comme on en colle dans les agendas, et en bien d’autres endroits. Se trouve ainsi suggérée l’idée que n’importe quel téléspectateur pourrait livrer un message du même genre durant la prochaine année, aussi souvent que nécessaire, par différents moyens (feuillets adhésifs, courriels, réseau Facebook, etc.).

Lutter contre une épidémie sans vaccin

En dehors des écrans de télévision, la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac donne notamment lieu à la production d’affiches et de dépliants, de textes pour un journal d’entreprise, de cartes de voeux, de modèles de courriels et d’un bandeau promotionnel animé pour un portail internautique. En 2010, sur le site www.mondeSANSfumee.ca, on a aussi pu lire le blogue à Mario (Bujold), le directeur du CQTS.

En plus de jouir du soutien financier du ministère de la Santé et des Services sociaux, la campagne annuelle du CQTS reçoit l’appui de sept ordres professionnels du monde de la santé, de trois fondations charitables associées à la prévention des maladies et au financement de la recherche scientifique, ainsi que d’onze chaînes de pharmacies.

Parler de l’aide offerte aux fumeurs

Lors du lancement de la campagne de 2010, le directeur du CQTS a tenu à souligner qu’un fumeur qui veut rompre avec sa dépendance au tabac dispose d’un grand soutien au Québec. Le fumeur qui veut arrêter peut trouver sur le site internautique www.jarrete.qc.ca des renseignements utiles à la réussite de sa tentative, ainsi que des adresses et des numéros de téléphone. S’il n’a pas accès à Internet, ce même fumeur peut obtenir des conseils et les mêmes renseignements pratiques en téléphonant au 1 866 JARRETE. S’il sent le besoin de rencontrer une personne en chair et en os pour apprendre comment renoncer au tabac, le fumeur peut téléphoner au Centre de santé et de services sociaux le plus proche de chez lui, et il obtiendra en quelques jours un rendez-vous avec un ou une professionnelle d’un Centre d’abandon du tabagisme (CAT), qui s’occupera de son cas. Tout cela sans frais pour lui, puisque c’est un service public.

Pour l’aider à vaincre sa dépendance physique à la nicotine, en plus de sa dépendance psychologique à la cigarette, notre fumeur peut obtenir de la nicotine médicinale dans toutes les pharmacies, comme l’a rappelé le président du CQTS, le Dr Marcel Boulanger. Puisque c’est en vente libre, on pourrait se contenter de laisser le fumeur faire l’achat avec les sous épargnés sur le tabac. Le Québec fait toutefois mieux : la Régie de l’assurance maladie et les assureurs-santé privés sont tenus de rembourser une cure de douze semaines par douze mois avec des timbres de nicotine ou avec de la gomme de nicotine, du moment que ces cures sont l’objet d’une ordonnance médicale. Et pour obtenir cette ordonnance de nicotine médicinale, il n’est pas nécessaire de rencontrer un médecin. L’intervenante du CAT remet au fumeur un papier attestant de son admissibilité à l’ordonnance collective signée par le directeur régional de la santé publique (voir note 1). Tous les assureurs-santé au Québec sont aussi tenus de rembourser au fumeur le Champix ou le Zyban, des médicaments d’ordonnance qui aident à arrêter de fumer.

Malgré cela, certains animateurs de la télévision s’indignent du manque de « compassion » envers les fumeurs, curieusement parce que la société ne cesse d’exiger de ces derniers qu’ils s’abstiennent de répandre leur fumée dans les lieux publics et au travail, ou parce que cette même abstinence est recommandée dans un véhicule où un enfant prend place.

Étendre la protection des non-fumeurs

Le simple appel au respect du non-fumeur n’est pas forcément suivi de gestes conséquents. Le CQTS a donc aussi profité de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac de 2010 pour souhaiter une interdiction de fumer dans une automobile où un enfant prend place, joignant sa voix à celle de l’Association pulmonaire du Québec, qui réclame depuis 2008 une telle loi, déjà appliquée dans plusieurs provinces. Mario Bujold a aussi fait allusion aux terrasses de restaurant ou de brasserie, dont les non-fumeurs ne peuvent pas jouir en toute tranquillité, car on peut aussi y fumer.

Le CQTS croit les effets du tabagisme passif sous-estimés par le public. Des études du California Air Resources Board montrent qu’à moins d’un mètre d’une personne en train de fumer, la densité de particules toxiques de la fumée du tabac peut être aussi forte dans un lieu extérieur qu’à l’intérieur d’un édifice. Un mètre, c’est plus que la distance entre deux chaises sur bien des terrasses. Quant à la personne fréquemment exposée à la fumée secondaire du tabac, son risque d’être frappée par un cancer est 57 fois plus grand que le risque que posent tous les autres polluants contenus dans l’air.

En vertu de l’article 77 de la Loi sur le tabac, le ministre de la Santé doit, avant le 16 octobre 2010, déposer un rapport sur la mise en oeuvre de la Loi à l’Assemblée nationale, dont une commission doit faire l’examen. C’est par un pareil processus que la loi de 1998 a été modifiée en 2005, notamment en ce qui concerne les lieux sans fumée. Une fois le rapport de 2010 examiné, la Loi sera peut-être modifiée.

Le voeu du Conseil québécois sur le tabac et la santé de bannir le tabagisme sur les terrasses a causé quelques réactions immédiates. Le président de l’Union des tenanciers de bars du Québec, Peter Sergakis, a déclaré à l’agence de presse QMI que « le Conseil exagère. C’est inacceptable. Assez, c’est assez. À ce point, pourquoi ne pas demander au gouvernement d’interdire de produire des cigarettes? » Rappelons que l’organisation de M. Sergakis a mis fin en mars 2009 à sa contestation judiciaire de la Loi sur le tabac de 2005. Renaud Poulin, le pdg de l’importante Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, une organisation qui avait combattu le projet de loi de 2005 mais collaboré loyalement à l’application de la législation, a affirmé que « les non-fumeurs ne sont pas incommodés. Personne ne se plaint de la fumée sur les terrasses, mis à part un ou deux extrémistes ».

Pierre Croteau

Note [1] : Dans plusieurs régions, le fumeur n’a pas besoin de passer par le CAT car l’ordonnance collective est déjà rendue à la pharmacie. À Montréal, cette ordonnance prévoit l’option d’une cure combinant les timbres ET la gomme, en parallèle.