Une polyvalente sans fumée?

Mona Thibodeau et Nancy Jacob, de l’école secondaire du Rocher.
Une école en Mauricie s’est engagée à devenir un lieu où tout le monde est libéré du tabac. Et cela concerne autant les élèves que le personnel!

Une école secondaire où aucun élève ni membre du personnel ne fume, préférant profiter de ses pauses pour prendre l’air ou pour manger une collation santé. Certains diraient que cela est utopique. C’est pourtant ce que propose depuis 2016 le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) aux 430 écoles secondaires publiques francophones du Québec. Cette démarche vise à réduire considérablement le tabagisme des élèves et des employés, voire à l’éliminer complètement, en particulier dans les écoles défavorisées. L’école secondaire du Rocher, à Shawinigan, est la première qui s’est engagée à relever le défi. Zoom sur la décision inspirante de cet établissement et sur le pari audacieux du CQTS.

Vers une génération sans tabac

C’est depuis 2006 que la loi québécoise interdit de fumer sur le terrain des écoles primaires et secondaires lorsque les élèves sont présents. Depuis 2016, cette interdiction est valide même en dehors des heures de classe. Malgré cela, on voit souvent, sur les terrains des écoles, des jeunes ou des membres du personnel allumer leur vapoteuse ou griller une cigarette. Pour aider ces établissements à réellement devenir sans fumée, le CQTS les invite à instaurer une Politique pour une génération sans tabac (PGST). L’objectif? Faciliter d’ici 2025 l’avènement d’une première génération de Québécois qui n’ont jamais fumé ou vapoté ni à l’école ni ailleurs.

« Il y a un véritable intérêt de la part des écoles, affirme Sylvain Quidot, agent de développement régional au CQTS et responsable par intérim du projet. Les directions scolaires connaissent le problème et sont reconnaissantes qu’un organisme leur propose une solution. » Même si certaines directions d’école peinent à faire respecter la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, il leur semble naturel que les abords de leur établissement restent sans fumée. La proposition du CQTS leur convient donc, d’autant plus que celle-ci inclut un accompagnement personnalisé, 2500 $ pour lancer la politique ainsi que deux formations : une sur les enjeux du tabagisme et une autre sur les meilleures pratiques. « Douze écoles cheminent actuellement vers l’adoption d’une PGST, dit l’agent de développement. D’ici la fin de 2018, deux ou trois d’entre elles devraient l’annoncer officiellement. »

L’école secondaire du Rocher : aucun fumeur d’ici 2020

L’école secondaire du Rocher a été la première à adopter sa PGST, en janvier 2018. « C’est une question de qualité de vie », dit Nancy Jacob, directrice adjointe de l’école et coresponsable de la PGST. Il faut dire que l’école connaissait déjà le CQTS par la voie de La gang allumée, un programme où des élèves sensibilisent leurs camarades aux enjeux de la lutte contre le tabagisme à l’aide d’activités ludiques. À l’école secondaire du Rocher, la PGST ne compte que quatre pages, mais comporte un objectif très ambitieux : un taux de tabagisme de 0 % parmi ses élèves et employés d’ici 2020. En 2017-2018, 15 des quelque 500 élèves fumaient tous les jours, ainsi qu’un membre du personnel. En 2018, 12 de ces 15 élèves se sont engagés à se libérer du tabac. À ce jour, cinq ont réussi. Cela représente un taux de cessation de 40 %! Pour l’instant, l’école espère réduire son taux de tabagisme de 50 % en 2018-2019, puis de 50 % de plus en 2019-2020. « À partir de 2020, nous viserons à conserver nos acquis et à prévenir l’initiation au tabac », dit Nancy Jacob.

Appels aux parents, mentors et crudités

Pour arriver à ses fins, le comité d’élimination du tabagisme de l’école a d’abord embauché une nouvelle ressource qui, en plus d’assurer la surveillance le midi, coordonne la mise en place de la nouvelle politique. Le comité a aussi prévu une quinzaine d’activités ou initiatives pour prévenir l’initiation au tabagisme, soutenir la cessation et encourager le respect de la Loi. Par exemple, le montant des amendes pour usage du tabac sur le terrain de l’école est désormais affiché. De plus, l’école appelle les parents des jeunes qui sont aperçus avec un produit du tabac au bec. « On ne veut pas le dénoncer, mais plutôt inviter ses parents à en parler avec lui », précise Mme Jacob.

« Le programme de mentorat entre élèves est l’un des éléments de la politique qui fonctionne le mieux », dit Mona Thibodeau, responsable de la question du tabac de l’école. Sous sa supervision, des élèves agissent comme mentors auprès de leurs camarades qui fument encore : ils leur tiennent compagnie lors des pauses ou du dîner en leur proposant des crudités et des activités. Avant la semaine de relâche, Mme Thibodeau a aussi rencontré la majorité des fumeurs quotidiens de l’école, individuellement ou par groupe de deux, en compagnie d’une pharmacienne. « L’objectif était d’établir une stratégie avec eux pour qu’ils tiennent tête à leurs éventuelles envies de fumer », dit-elle. L’école secondaire du Rocher a aussi enrôlé des gens de la communauté. « Pendant un peu plus de deux mois, Alimentation Gauthier et frères nous a donné chaque semaine un plateau de crudités, de la trempette et des bouteilles d’eau; Grand’Mère Nature nous a offert 600 chocolats noirs emballés individuellement, avec un petit mot personnel; et le Groupe Jean Coutu nous a fourni des trousses du Défi J’arrête, j’y gagne! », dit Nancy Jacob. Elle est reconnaissante de ces soutiens et de celui de nombreux autres commerces, dont Place Biermans, Subway Grand-Mère et les Rôtisseries Fusée.

Un accompagnement sur mesure

Le plus beau d’une PGST est qu’elle s’adapte au milieu et qu’elle est conçue pour durer. « Les formations données à l’ensemble du personnel permettent aux établissements de développer des activités qui collent à leur réalité et à leurs moyens tout en garantissant une certaine pérennité », dit Sylvain Quidot. Dans l’ensemble, la route vers une PGST est assez simple. D’abord, l’école crée un comité d’élimination du tabagisme où siègent des employés, des élèves et des parents. Sa première tâche est de dresser le portrait tabagique de l’établissement, en collaboration avec le CQTS. Ce portrait indique combien de personnes fument dans l’établissement, où et à quel moment, et à quel type d’aide elles souhaitent accéder pour se libérer du tabac. Ce sont ces informations qui, par la suite, guident le comité pour le choix des actions à mettre en œuvre. « Les meilleures pratiques recommandent d’arrimer ces actions à des structures déjà en place, qu’il s’agisse d’événements sportifs, culturels ou communautaires », dit Sylvain Quidot. S’il cherche un modèle de politique duquel s’inspirer, le comité peut toujours se tourner vers les politiques d’environnement sans fumée adoptées en 2017 par les cégeps et les universités. Histoire de ne pas réinventer la roue dans la lutte contre la première cause évitable de décès.

Des projets pour les jeunes avec #MTLsansTabac
Grâce à une subvention de #MTLsansTabac, une exposition sur les manipulations de l’industrie du tabac sera organisée par le Cégep du Vieux Montréal puis présentée dans les écoles secondaires du quartier.

Depuis 2016, 15 projets de lutte contre le tabagisme chez les jeunes de 11 à 24 ans ont été mis en œuvre grâce aux subventions #MTLsansTabac de la Direction régionale de santé publique (DSP) du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Est-de-l’Île-de Montréal. Les projets soutenus sont aussi variés qu’engageants pour les jeunes. Mentionnons des élèves qui sensibilisent leurs camarades aux manipulations de l’industrie du tabac, une semaine d’actions pour souligner l’entrée en vigueur d’une politique d’environnement sans fumée ou la formation d’intervenants dans une maison de jeunes.

En janvier, le dernier appel de projets de #MTLsansTabac a retenu huit initiatives. Au Cégep Marie-Victorin, la subvention aide l’équipe psychosociale à intégrer le tabac à son offre de service. Cela inclut plusieurs mesures, dont la création d’un groupe de soutien à la cessation qui compte un volet d’activités physiques. L’équipe a aussi prévu un atelier destiné aux jeunes conçu en collaboration avec Brigitte Fortier, conseillère en prévention et soutien à la cessation tabagique au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal. Au Cégep du Vieux Montréal, la subvention de #MTLsansTabac soutient la mise sur pied d’une exposition d’œuvres étudiantes traitant des manipulations de l’industrie du tabac. Le vernissage aura lieu en janvier 2019, au Cégep, afin de souligner la mise en place d’un environnement 100 % sans fumée. L’exposition sera ensuite présentée dans les écoles secondaires du quartier.

Les subventions #MTLsansTabac offrent jusqu’à 20 000 $ aux projets comportant un volet scolaire. Pour s’assurer que ceux-ci collent aussi aux meilleures pratiques, les organismes sont invités à faire appel au Conseil québécois sur le tabac et la santé. Concrètement, une bonne pratique peut prendre plusieurs formes, par exemple, offrir une formation sur les manipulations de l’industrie ou prévoir comment le projet sera maintenu à long terme et partagé. « Lorsque les subventions de #MTLsansTabac fêteront leur cinq ans, en 2020-2021, nous pourrions évaluer l’ensemble des projets pour voir à quel point ils ont été durables et constater leur impact sur la prévention du tabagisme », dit Adrian Gould, conseiller en promotion de la santé à la DSP du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de Montréal qui accompagne les établissements. À suivre!

Anick Labelle