Près d’un an après l’entrée en vigueur de l’interdiction des saveurs dans les produits de vapotage au Québec, où en sommes-nous?

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La vente de produits de vapotage contenant une saveur ou un arome autre que celui du tabac est désormais interdite au Québec. Pourtant, il serait toujours possible de s’en procurer dans la province.  

En octobre dernier, le Québec emboitait le pas à l’Île-du-Prince-Édouard, à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Nunavut et aux Territoires du Nord-Ouest en interdisant les saveurs et aromes différents de celui du tabac dans les produits de vapotage. Ces nouvelles règles, qui faisaient l’objet de discussions depuis 2020, ont depuis fait couler beaucoup d’encre.

De nouvelles dispositions règlementaires

Le 19 avril 2023, le ministre provincial de la Santé, Christian Dubé, déposait un projet de règlement sur l’interdiction des saveurs dans les liquides de vapotage. L’objectif visait notamment à réduire l’attrait des produits de vapotage auprès des jeunes. En effet, selon les résultats d’un sondage financé par Cœur + AVC en 2020, les adolescents et les jeunes adultes étaient nombreux (92 %) à s’initier au vapotage ou à continuer de vapoter en raison des saveurs et aromes contenus dans les liquides destinés aux cigarettes électroniques.

Quelques mois plus tard, le 31 octobre 2023, le Règlement modifiant le règlement d’application de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme entrait en vigueur au Québec. En voici les grandes lignes :

  • La vente de liquides de vapotage contenant une saveur ou un arome autre que ceux du tabac est désormais interdite au Québec.
  • L’emballage des produits de vapotage doit indiquer certaines informations, entre autres la concentration en nicotine (en mg/ml) et le volume de liquide (en ml) contenu dans le dispositif ou la recharge. La présence d’une mention selon laquelle le liquide possède ou non une saveur ou un arome de tabac est aussi requise.
  • La concentration en nicotine de tout produit de vapotage ne peut dépasser 20 mg/ml.
  • Le réservoir et les capsules des produits de vapotage ne peuvent contenir un volume de liquide de plus de 2 ml. Les recharges, quant à elles, doivent contenir un maximum de 30 ml de liquide.

De plus, le règlement interdit aux fabricants de modifier la forme, l’apparence ou les fonctions des produits de vapotage dans le but de les rendre plus attrayants pour les personnes de moins de 18 ans.

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Des fabricants et des commerçants contournent les règles

Près d’un an après l’entrée en vigueur du règlement interdisant les saveurs dans les produits de vapotage au Québec, force est de constater que les fabricants et les commerçants sont nombreux à contourner les règles et utilisent différents stratagèmes pour y arriver.

D’abord, de nombreux produits vendus dans les dépanneurs ou commerces spécialisés dans le vapotage déguisent les saveurs qu’ils contiennent à l’intérieur d’un emballage neutre portant la mention « saveur de tabac » ou « sans saveur ». Dans une lettre adressée aux ministres Christian Dubé et Éric Girard, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) révèle que « bon nombre de vapoteries ou de commerces nouvellement transformés en commerces soi-disant “ordinaires” offrent une immense gamme de saveurs dont les bouteilles sont étiquetées “Tabac/Tobacco”, mais dont la saveur et l’odeur s’apparentent douteusement à la gamme de saveurs en vente avant leur interdiction ».

L’arrivée, sur le marché québécois, des « rehausseurs de saveur » constitue une autre manière pour les commerçants et les fabricants de produits de vapotage de contourner la loi. La tactique a depuis quelques mois été décriée par plusieurs médias, par exemple par TVA Nouvelles et le quotidien La Presse. Les rehausseurs de saveur sont des liquides prétendument vendus pour aromatiser l’eau ou les boissons. Ils contiennent généralement les mêmes ingrédients que les liquides de vapotage, c’est-à-dire du propylène glycol et des aromes artificiels, et sont vendus dans les commerces offrant des produits de vapotage. On les retrouve le plus souvent tout près de ceux-ci, souvent à la vue de tous.

Même s’ils ne sont pas vendus explicitement dans le but d’être ajoutés aux liquides de vapotage, plusieurs de ces nouveaux rehausseurs de saveur se présentent dans de petits contenants munis d’un embout, lequel s’insère parfaitement dans les bouteilles de liquides de vapotage. Après les avoir achetés, le consommateur ou la consommatrice n’a qu’à mélanger les deux produits pour obtenir un liquide de vapotage aromatisé. En mars dernier, 90 % des vapoteries vendaient ces liquides aromatiques, selon le quotidien Le Soleil.

L’industrie du vapotage emploie aussi d’autres tactiques pour détourner la loi québécoise. Par exemple, certaines boutiques ayant pignon sur rue à l’extérieur du Québec vendent en ligne des liquides de vapotage aromatisés à des Québécoises et à des Québécois. La transformation de magasins spécialisés dans la vente de produits de vapotage en commerces plus ordinaires tels que des dépanneurs s’est également accentuée depuis octobre 2023. Ce stratagème, dénoncé par la CQCT, permet aux commerçants d’offrir à leur clientèle des produits de vapotage et d’autres items, comme des bonbons, tout en accueillant les personnes mineures.

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Des solutions pour renforcer la loi

Avec l’entrée en vigueur de l’interdiction des saveurs et aromes dans les produits de vapotage, le ministère de la Santé et des Services sociaux a déployé des inspecteurs dans les points de vente de produits de vapotage afin de s’assurer de leur conformité aux nouvelles règles.

Un reportage de TVA Nouvelles révélait récemment qu’en mai 2024, plus de 1 000 inspections avaient été effectuées dans les commerces ciblés, lesquelles ont entrainé l’émission de 42 avertissements de non-respect et de 45 constats d’infraction déposés au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Ces poursuites prennent cependant du temps à se conclure, ce qui nuit à l’application de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.

Afin de renforcer la loi et ainsi réduire davantage l’accessibilité des produits de vapotage aromatisés en sol québécois, plusieurs avenues sont proposées par la CQCT. En voici quelques-unes :

  • La modification de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme afin d’empêcher la vente des rehausseurs de saveur dans les commerces offrant des articles de vapotage limiterait l’accessibilité de ces produits visant officieusement à aromatiser les liquides de vapotage.
  • L’obligation, pour les fabricants, de présenter leurs produits de vapotage dans un emballage neutre, rendrait plus difficile la transmission d’informations concernant les saveurs aux consommateurs et consommatrices, par exemple par le biais de couleurs associées à la saveur contenue dans un liquide de vapotage soi-disant sans saveur ou à la saveur de tabac.
  • L’inclusion du commerce des produits de vapotage à la Loi concernant l’impôt sur le tabac forcerait les divers acteurs qui œuvrent dans le commerce des produits de vapotage au Québec à détenir certaines licences qui pourraient être révoquées en cas de non-conformité. Dans un communiqué émis le 28 juin dernier, soit avant l’entrée en vigueur de la taxe d’accise harmonisée sur les liquides de vapotage, la CQCT recommandait au ministre québécois des Finances, Éric Girard, « de profiter de l’occasion pour renforcer les outils de surveillance et d’application des règles québécoises concernant les produits de vapotage ». La CQCT signalait que de nouvelles mesures permettraient « de décourager le commerce illégal provenant des autres provinces, de combattre la distribution des produits de contrebande et de favoriser le respect de l’ensemble des règles québécoises ».
  • L’adoption du projet de règlement du gouvernement fédéral visant à restreindre l’aromatisation des produits de vapotage faciliterait évidemment l’application des règles en place au Québec. En effet, une fois adopté, le règlement fédéral proscrirait « la plupart des ingrédients aromatisants, à l’exception d’un nombre limité d’ingrédients pour conférer un arome de tabac ou de menthe/menthol », peut-on lire dans le résumé de l’étude d’impact de la règlementation du gouvernement du Canada. Or, le projet de règlement, déposé en 2021, devait être adopté et publié dans la Gazette du Canada au printemps 2024, mais demeurait toujours en suspens au moment d’écrire ces lignes.

En somme, la règlementation interdisant des saveurs et aromes dans les liquides de vapotage représente une première étape pour diminuer l’attrait de ces produits chez les jeunes. L’industrie continue cependant de s’y opposer. Même si des démarches règlementaires concertées des gouvernements fédéral et provinciaux s’imposent pour sanctionner efficacement les commerçants et fabricants de produits de vapotage aromatisés récalcitrants, la législation québécoise constitue tout de même un pas dans la bonne direction.

Katia Vermette, réd. a.