Nouvelle étude accablante sur les effets de la FTE

La santé cardio-vasculaire des non-fumeurs est encore plus menacée par la boucane des autres qu’on le pensait jusqu’ici, indique une nouvelle étude réalisée par une équipe de recherche de l’université Harvard.

L’exposition régulière à la fumée de tabac dans l’environnement (FTE) pourrait doubler le risque d’une maladie coronarienne (et accroître de 155 p. 100 les chances d’une maladie coronarienne mortelle). Jusqu’ici, on évaluait le risque accru de ce genre de maladies à environ 30 p. 100 chez les non-fumeurs exposés, ce qui serait déjà énorme.

Les nouveaux estimés découlent de l’analyse des résultats de la Nurses’ Health Study, une étude de cohorte de grande échelle qui a commencé en 1976 et pour laquelle on a recruté 121 700 infirmières.

De ce nombre, 32 046 n’avaient jamais fumé et n’avaient pas eu de maladies cardio-vasculaires ou de cancers au point de départ de l’analyse, c’est-à-dire en 1982. Dix ans plus tard, 152 femmes avaient eu une maladie coronarienne, et 25 en étaient mortes.

À cause du nombre relativement faible de décès, la marge d’erreur pour les estimés du risque relatif de maladies coronariennes mortelles est relativement élevée. (Voir tableau.) Par contre, pour l’ensemble des maladies coronariennes, l’échantillon est assez grand pour permettre des conclusions plus définitives.

Risques relatifs de maladies coronariennes selon la fréquence de l’exposition à la FTE à la maison ou au travail
Exposition à la FTE à la maison ou au travail
Résultat
jamais
 
nombre : 6087
parfois
 
nombre : 15 407
régulièrement
 
nombre : 10 552
Infarctus du myocarde non mortel
nombre de cas
14
83
50
risque relatif ajusté à l’âge
1,00
1,81
(1,02-3,21)*
2,55
(1,28-4,06)
risque relatif multivarié
1,00
1,64
(0,92-3,21)
1,88
(1,04-3,42)
Maladies coronariennes mortelles
nombre de cas
3
11
11
risque relatif ajusté à l’âge
1,00
1,80
(0,42-5,36)
2,55
(0,71-9,12)
Maladies coronariennes, au total
nombre de cas
17
74
61
risque relatif ajusté à l’âge
1,00
1,76
(1,04-2,96)
2,33
(1,36-3,93)
risque relatif multivarié
1,00
1,58
(0,93-2,68)
1,91
(1,11-3,26)
* intervalles de confiance 95 % entre parenthèses

 

Plusieurs études ont déjà permis de constater que les non-fumeurs qui acceptent d’être exposés à la fumée secondaire sont en moyenne plus exposés à d’autres facteurs de risque pour les maladies cardio-vasculaires. Ainsi, les femmes qui épousent des fumeurs sont en moyenne plus pauvres que celles qui épousent des non-fumeurs; elles mangent moins bien; elles sont moins portées à l’activité physique.

L’équipe de Harvard a donc procédé à toute une série de calculs statistiques pour éliminer ce genre d’interférence venant de facteurs de risque autre que l’exposition à la FTE, dont le statut socio-économique, la consommation d’alcool, et le diabète. (Dans le tableau, la rangée intitulée « risque relatif multivarié » donne le risque relatif « épuré » des facteurs confondants.)

L’exposition en milieu de travail

Un autre grand avantage de cette étude, c’est qu’elle tient compte de l’exposition à la FTE tant en milieu de travail qu’à la maison. On ne se contente plus de demander si le conjoint est fumeur ou non-fumeur, puisqu’on sait maintenant que les concentrations de FTE sont souvent aussi élevées dans les milieux de travail où la cigarette est permise que dans les logements où vivent des fumeurs.

Il reste que les risques relatifs calculés par l’équipe de Harvard sont probablement un peu en deçà de la réalité : un grand nombre d’autres recherches ont indiqué que beaucoup de gens qui sont exposés à la FTE n’en sont pas conscients et viennent donc « contaminer » la catégorie des non-fumeurs non exposés dans des études comme celles-ci, basées sur des questionnaires auprès des sujets plutôt que sur des analyses sanguines ou d’autres moyens « objectifs ».

L’équipe de Harvard rappelle aussi l’importance de faire attention lorsqu’on tente de comparer le risque encouru par les non-fumeurs exposés à la FTE au risque auquel font face les fumeurs.

Ainsi, dans une autre analyse des résultats de la Nurses’ Health Study, la même équipe avait calculé que les infirmières qui fumaient de 1 à 4 cigarettes par jour avaient un risque relatif de 1,94 d’une maladie coronarienne, soit en apparence le même niveau de risque que les non-fumeuses exposées à la fumée secondaire.

Le hic, c’est qu’on avait comparé cette catégorie de fumeuses à l’ensemble des non-fumeuses, y compris celles qui étaient exposées à la FTE. Lorsqu’on les compare aux non-fumeuses qui ne rapportent aucune exposition, on en arrive à un risque relatif de 2,61.

On peut donc conclure (comme nous suggère le gros bon sens!) que fumer activement, même en petites quantités, reste plus dangereux que l’exposition à la fumée secondaire.

Pour des résultats plus complets, consulter le numéro du 20 mai de la revue Circulation: Ichiro Kawachi et al., « A Prospective Study of Passive Smoking and Coronary Heart Disease », pp. 2374-2379.

Francis Thompson