Les nouveaux avertissements apparaîtront dès décembre

Le Canada demeure le meneur mondial en matière d’avertissements sur les paquets de cigarettes. Dès le 23 décembre 2000, les trois grands fabricants devront livrer la plupart de leurs produits ornés de la nouvelle série de 16 avertissements illustrés en couleur, en alternance, couvrant la moitié supérieure avant et arrière de chaque paquet.

Cette directive, approuvée par le cabinet du premier ministre le 20 juin, vise les marques détenant au moins 2 % du marché, lesquelles représentent plus de 90 % des cigarettes manufacturées au pays. Ces avertissements seront complétés par des explications et conseils sanitaires imprimés sur les tiroirs intérieurs des paquets. Quant aux marques à faibles volumes, elles devront être conformes à la réglementation d’ici juin 2001.

« Il s’agit d’une victoire immense et incroyable, résultat d’un travail acharné livré à travers le pays. Le ministre de la Santé, Allan Rock, son personnel et les fonctionnaires de Santé Canada méritent nos hommages », a commenté Rob Cunningham, de la Société canadienne du cancer, laquelle avait déposé un mémoire de sept volumes, totalisant 480 pages, en appui à cette mesure audacieuse.

Records mondiaux

Les précédents mondiaux, établis par le Canada, sont ainsi énumérés par M. Cunningham :

  • plus grands avertissements sur les paquets, soit la moitié supérieure du devant et du derrière, plus un des côtés;
  • plus grands avertissements sur les cartouches, 50 % de chacune des six faces;
  • premier pays à exiger des images intégrées aux avertissements;
  • premier pays à exiger des avertissements tout en couleur;
  • premier pays à exiger des messages à l’intérieur des paquets;
  • plus grand nombre de messages, 16 à l’extérieur et 16 à l’intérieur, en alternance;
  • premier pays à inclure des conseils de cessation, dont une adresse Internet;
  • record de produits toxiques à être indiqués sur les paquets, six;
  • premier pays à exiger la teneur de formaldéhyde, de benzène et d’acide cyanhydrique;
  • premier pays à exiger que les teneurs soient indiquées selon une échelle, incluant la méthode ISO modifiée (exemple : nicotine 1.5-3.3 mg).

L’enthousiasme de M. Cunningham n’est pas partagé par Marie-Josée Lapointe, porte-parole du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. « C’est plus que probable que nous irons contester cela en cour, croyez-moi », a-t-elle affirmé à l’agence Reuter, après le décret du cabinet. « La Cour suprême du Canada nous a donné une ligne de conduite assez claire, que nous respectons », s’est défendue Lyne Lesage, de Santé Canada.

En effet, le 6 juillet, Imperial Tobacco déposait une demande d’injonction interlocutoire, en Cour supérieure du Québec, pour exiger la suspension des nouveaux règlements sur l’emballage. Le fabricant estime qu’il est injuste de se faire imposer ces avertissements avant que les tribunaux ne se soient prononcés sur la constitutionnalité de la Loi (fédérale) sur le tabac. Dans un contexte similaire, en 1994, l’industrie fut obligée d’apposer l’actuelle série de huit avertissements, sa demande d’injonction ayant été refusée.

Débat vigoureux au Comité

Par l’entremise de ses syndicats, de ses fournisseurs et de ses détaillants, l’industrie du tabac s’était vigoureusement opposée aux nouveaux avertissements lors de l’étude du projet, en mai et juin, au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

Les députés ont patiemment écouté des imprimeurs clamer qu’il leur était impossible d’apposer ces avertissements sur les paquets, alors qu’un petit imprimeur de Toronto avait fabriqué en quelques semaines, pour Santé Canada, une série de paquets, avec les marques canadiennes et les avertissements bien reproduits.

Représentant les syndiqués des manufactures, Henri Massé et Clément Godbout, de la Fédération des travailleurs du Québec, s’étaient présentés à 8h30 du matin devant le Comité, à Ottawa, afin de pourfendre les intentions fédérales. Selon ces messieurs, les avertissements en couleur sont une mesure inutile et improvisée, ne servant qu’à promouvoir la carrière du ministre Rock.

De plus, des porte-parole de dépanneurs ontariens sont venus plaider que les grands avertissements les acculeraient à la faillite, puisque les fabricants ne verraient plus l’opportunité de les rémunérer afin d’exposer des murs de paquets ornés de poumons cancéreux.

Évidemment, le monde de la santé était, lui aussi, bien préparé et bien représenté. Le lobby antitabac n’a pas manqué d’aligner sa brochette d’experts, au nom des organismes de santé les plus réputés.

Approbation unanime

Le 6 juin, le Comité a approuvé unanimement la réglementation proposée par Santé Canada, en ajoutant une série de recommandations, la plupart en faveur de la réduction du tabagisme.

À la suggestion de Réal Ménard, du Bloc Québécois, les députés ont demandé à Santé Canada d’entreprendre un plan décennal pouvant abaisser le taux de nicotine à 0,5 mg par cigarette, de manière à réduire la dépendance. « Le gouvernement fait une erreur en n’allant pas plus rapidement vers la modification des cigarettes. Les avertissements en couleur, c’est bon, mais la réduction de la nicotine serait encore plus efficace », estime M. Ménard.

Entre autres recommandations, Santé Canada est invité à se pencher sur l’opportunité d’obliger les emballages neutres (sans les couleurs attrayantes et autres fantaisies des marques dans le 50 % du bas) et à évaluer une hausse de taxes sur le tabac qui n’entraînerait pas le retour de la contrebande.

Denis Côté