La Coalition québécoise déplore le peu d’action du ministre Yves Bolduc contre le tabagisme

« Pas grand-chose à célébrer » lors de la Journée mondiale sans tabac
Flory Doucas n’a pas mâché ses mots lors de la Journée mondiale sans tabac qui a eu lieu le 31 mai dernier. « Dans un passé pas si lointain, […] le Québec figurait parmi les leaders mondiaux de la lutte contre le tabac, grâce à [des] ministres de la Santé qui se sont distingués en adoptant des mesures législatives d’envergure, dont plusieurs précédents mondiaux.

[…] [Mais] cette année, le 31 mai, il n’y aura rien à célébrer. C’est l’industrie du tabac qui sort gagnante », écrit la codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) dans une opinion publiée par plusieurs quotidiens canadiens.

En effet, « aucune mesure d’envergure n’a été introduite depuis le renforcement de la loi [sur le tabac] en 2005 », poursuit la lettre de Mme Doucas. Or, même si le Québec se conforme déjà largement aux exigences de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, il n’a pas encore gagné sa bataille contre le tabagisme. « Les gens croient que tout est réglé dans la lutte au tabac parce que le nombre de fumeurs a diminué d’environ 30 % depuis 1999, constate Mme Doucas en entrevue. Ils oublient que, maintenant, ce nombre stagne : cela signifie que, pour chaque fumeur qui arrête ou qui meurt, un autre commence! »

Depuis son arrivée en poste, en juin 2008, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, le Dr Yves Bolduc, s’est surtout intéressé à la lutte à la contrebande lorsqu’il a abordé le dossier du tabac. Il a voulu créer un registre des cigarettes légales pour identifier plus rapidement celles qui ne le sont pas. Mais ce registre ne s’est jamais réalisé, peut-être parce qu’il empiétait sur les attributions du ministère du Revenu (voir le no 87 d’Info-tabac).

« La contrebande est un problème, mais ce n’est pas le plus important : huit cigarettes fumées sur dix proviennent du marché légal! », rappelle Flory Doucas. Pour elle, il est plus urgent de s’attaquer au marketing des produits du tabac, dont les paquets attrayants.

La SCC : trois recommandations-clés

La Société canadienne du cancer (SCC) tient un discours très similaire. Cela est visible dans les trois recommandations qu’elle a soumises au gouvernement québécois à l’occasion du 31 mai 2011. La première recommandation est de renforcer le programme VITAL afin de mieux lutter contre la distribution du tabac de contrebande.

« Mais notre recommandation la plus importante est l’interdiction de nouveaux produits de tabac », précise Mélanie Champagne, analyste des politiques, Affaires publiques à la SCC – division du Québec. Comme on l’a vu avec les cigares aromatisés, les compagnies de tabac n’hésitent pas à introduire de nouveaux produits pour contourner l’esprit – voire la lettre – des plus récentes lois.

Dans presque tout le Canada, les enfants bénéficient d’une protection légale contre la fumée de tabac en voiture.

Enfin, la SCC recommande au gouvernement Charest d’interdire la cigarette dans les véhicules transportant un mineur. « Les enfants sont captifs lorsqu’ils sont dans un véhicule; ils ne peuvent pas s’éloigner de la fumée, rappelle Mme Champagne. Ensuite, leurs poumons sont plus sensibles que ceux des adultes aux contaminants. Enfin, plus de la moitié des provinces et des territoires ont désormais une loi à ce sujet; il ne manque que l’Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Québec. » Pour elle, il est incompréhensible que le gouvernement québécois n’agisse pas à ce propos.

La fin de la lutte au tabac?

Bref, selon la CQCT et la SCC, le Dr Yves Bolduc tarde à agir dans le dossier du tabac, contrairement à ses prédécesseurs au poste de ministre de la Santé et des Services sociaux, les Drs Jean Rochon et Philippe Couillard. En effet, Jean Rochon est le père de la Loi sur le tabac québécoise, adoptée en 1998. En 2005, Philippe Couillard a fait amender celle-ci pour interdire à la fois les étalages de cigarettes et l’usage du tabac dans tous les lieux publics fermés. « Ces deux hommes ont été des champions politiques qui ont su s’opposer aux intérêts de l’industrie du tabac », rappelle Flory Doucas. Le Dr Yves Bolduc, lui, n’a pas saisi la balle au bond. « L’article 77 de la Loi sur le tabac prévoit que le ministre fasse rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de cette loi, dit Flory Doucas. Cela se voulait un outil pour améliorer et renforcer la loi, mais Yves Bolduc n’en a pas profité, contrairement à Philippe Couillard. »

Anick Perreault-Labelle