Imperial Tobacco tente de commercialiser le snus

Puisqu’il n’existe pas de cigarette sécuritaire et qu’une grande partie des méfaits sont causés par la combustion, le premier fabricant canadien se lancera bientôt dans le marché du tabac sans fumée. Son président, Benjamin Kemball, en a fait l’annonce le 7 mai, alors qu’il s’exprimait sur la « responsabilité sociale » de son entreprise devant près de 800 convives du Cercle canadien.

Dans un discours qui ressemblait à s’y méprendre à une allocution prononcée devant le Club économique de Toronto à la mi-octobre, le chef de la direction d’Imperial Tobacco Canada (ITC) a dressé un bilan, évidemment positif, de sa campagne « Parlons-en » à laquelle 80 participants ont pris part. Cette campagne a d’ailleurs mené à l’élaboration d’un Rapport social (rendu public le 16 mai sur le site Web d’ITC), qui devait démontrer à quel point l’entreprise veut : « prévenir le tabagisme chez les jeunes », « éliminer le commerce illicite » et « réduire les risques liés à l’usage du tabac […] chez les 5,4 millions de fumeurs adultes […] qui choisissent de ne pas arrêter [sic] ».

Doutant des possibilités de réhabilitation de cette industrie, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac trouve « déplorable que la communauté des affaires continue à offrir une tribune d’honneur à une entreprise dont les produits tuent un consommateur sur deux ». Elle souligne que « Parlons-en » (voir Info-tabac no 67) a été boycottée par la plupart des groupes de santé canadiens et soutient que cet exercice de relations publiques résulte d’une prise de conscience à l’effet que la mauvaise réputation de l’industrie du tabac pouvait nuire à ses profits.

Les vertus du snus, selon The Lancet

La publicité en faveur des produits du tabac étant interdite, le président d’Imperial Tobacco Canada n’aurait pu espérer un meilleur moment pour faire l’annonce de son nouveau produit à l’essai : le snus, puisque la prestigieuse revue médicale The Lancet a récemment publié deux études qui soutiennent que son usage serait moins dommageable que le fait de fumer…

Conduite par des chercheurs australiens, la première affirme qu’en remplaçant leur consommation de cigarettes par celle de snus, les fumeurs pourraient considérablement améliorer leur santé, tandis que la seconde, menée par des Suédois, conclut que s’ils ont deux fois plus de risques de cancers du pancréas, les utilisateurs du snus ne seraient pas plus susceptibles de souffrir de cancers du poumon ou de la bouche que les non-fumeurs.

Toutefois, malgré ces percées scientifiques, l’usage de produits du tabac administrés par voie orale ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté de la santé. Le Center for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis maintient que le tabac sans fumée, qui contient plus de 28 cancérigènes, est une cause connue de cancer chez l’humain et qu’il augmente les risques de développer de graves lésions de la bouche. Il rappelle aussi que, tout comme la cigarette, ce tabac peut entraîner une dépendance, et spécifie que les adolescents qui en consomment sont plus nombreux à devenir fumeurs. Rappelons qu’en 2005, la compagnie-mère d’ITC (British American Tobacco) a mis en marché du snus sous le nom d’une de ses marques de cigarette bien connue, les Lucky Strike. Ce geste avait été critiqué par certains groupes antitabac qui voyaient dans ce marketing croisé une façon d’inciter les consommateurs de snus à opter pour les cigarettes du même nom.

Le modèle suédois

Seul pays de l’Union européenne à permettre le snus, la Suède compte aujourd’hui plus d’adeptes de ce type de tabac (22 % des hommes) que de fumeurs (14 % des hommes). Chez la gent masculine, la prévalence de l’usage de la cigarette, qui était de 43 % en 1976, a diminué au fur et à mesure que la popularité du tabac sans fumée augmentait.

Qu’est-ce que le snus?

Ressemblant à de minuscules poches de thé, le snus (prononcé « snousse ») est un tabac en poudre humide et parfumé que les utilisateurs s’insèrent entre la lèvre et la gencive, sans le mastiquer et sans avoir à cracher, comme c’est le cas avec le traditionnel tabac à chiquer en vrac.

Selon Catherine Doyle, porte-parole d’ITC, la principale différence entre le snus d’inspiration suédoise (que son entreprise est en train de tester dans quelques villes canadiennes) et les sachets de tabac que l’on retrouve déjà sur le marché réside dans la pasteurisation qui rendrait le produit moins nocif.

Josée Hamelin