Ça se passe dans un hôpital près de chez vous

Semaine québécoise pour un avenir sans tabac les dégâts
Les experts en santé publique ont beau parler depuis plusieurs années, à grands renforts de statistiques, de l’épidémie de tabagisme qui déferle sur le monde, il est difficile au commun des mortels de s’en représenter concrètement les conséquences ultimes, avant de les vivre.

Pour la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac (SQAST) de 2012, tenue du 15 au 21 janvier, le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) a remplacé les témoignages personnels servis aux téléspectateurs et internautes lors des huit dernières campagnes annuelles de sensibilisation, par une illustration stridente et sinistre de certains effets du tabagisme. En bout de ligne de cette pandémie aussi authentique que presque complètement ignorée des bulletins de nouvelles, on trouve comme toujours l’hôpital, théâtre moderne de nos derniers soupirs, des séparations définitives et de bien des angoisses. 

La publicité télédiffusée en janvier, réalisée par le cinéaste Jack Hackel, donne donc à voir et à entendre ce qui a d’abord toutes les apparences de la bande-annonce d’un film-catastrophe mettant en scène des gens ordinaires souffrants et un personnel hospitalier dévoué mais presque impuissant devant une épidémie soudaine. Cette entrée en matière « à couper le souffle », et la suite aussi fébrile, ont été tournées, montées et tramées musicalement sur le modèle de ces téléséries qui prennent l’urgence de l’hôpital ou le laboratoire de police comme décor, et captivent les auditoires du 21e siècle.

28 morts par jour au Québec

Ces images et cette bande sonore servent de prétexte (après 17 secondes) à des constats barrant de temps en temps l’écran, des constats énoncés simultanément par le narrateur ou une comédienne personnifiant une médecin: « Plus de 100000 jeunes touchés par le fléau…  Au moins 10 000 morts en un an … 28 morts par jour au Québec… une personne sur deux meurt de sa consommation de tabac ». La vidéo d’une durée totale d’une minute se termine sur un appel : « Agissons ensemble pour changer les choses ».

Dans les cinq jours précédant le lancement du message télévisé officiel le 13 janvier, le CQTS, préparant secrètement son coup, avait diffusé un clip de 30 secondes imitant fidèlement l’annonce d’une tragédie bientôt à l’affiche des cinémas, avec le narrateur-présentateur allant jusqu’à nommer deux actrices et un acteur en vedette dans le film. La référence au tabac avait cependant été soigneusement gommée de cette version. 

Le but de cette première phase était d’intriguer le téléspectateur ou l’internaute. Au CQTS, on a remarqué que l’amorce du début janvier avait attiré l’attention, avec plus de 5000 visionnements en quelques jours. Quant à la pub officielle elle-même, son lancement le 13 janvier a tout de suite généré de l’achalandage sur le site mondesansfumee.ca et la page Facebook de la campagne, ainsi que de nombreux commentaires appréciatifs. Il ne reste plus qu’à espérer que la population veuille agir toute l’année « pour changer les choses… »

M. Mario Bujold, directeur général du CQTS, fier de la porte-parole de la Semaine, la comédienne Mme Mireille Deyglun
Mobilisation et échos

Au lancement de la SQAST, sa fidèle porte-parole, la comédienne Mireille Deyglun, et le directeur général du CQTS, Mario Bujold, étaient flanqués de trois médecins : Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal; Alain Poirier, sous-ministre adjoint à la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui commandite la SQAST; et Luc Boileau, patron de l’Institut national de santé publique du Québec.

M. Bujold et Mme Deyglun ont éloquemment parlé des ravages que le tabagisme continue de faire dans notre société, et du besoin de continuer la lutte. Le Dr Juneau a apporté sa touche au portrait en rappelant que les infarctus qui frappent les fumeuses et les fumeurs se produisent plusieurs années avant ceux qui affectent les non-fumeurs, et contribuent à engorger l’urgence des hôpitaux. Le Dr Poirier a énuméré les progrès récents de la lutte contre le tabagisme au Québec, et souligné tout le chemin encore à parcourir pour atteindre une proportion de 5 % de fumeurs jugée atteignable par l’Organisation mondiale de la santé. Le Dr Boileau a entre autres remarqué que les fumeurs ont deux fois plus de chances de réussir leurs tentatives de renoncer au tabac quand des professionnels de la santé les accompagnent dans leur démarche. Assistaient d’ailleurs à la conférence de presse des porte-parole de six ordres professionnels.

Du Saguenay-Lac-St-Jean jusqu’en Outaouais, en passant par les régions du Bas-Saint-Laurent, de Chaudière-Appalaches, de la Capitale nationale, de la Mauricie, de l’Estrie, de Montréal et des Laurentides, entre autres, les lecteurs de la presse régionale autant que nationale, et les auditoires de certaines émissions de radio et de télévision, ont reçu des nouvelles de la SQAST et du problème numéro 1 de la santé publique au Québec.

Diminution des tentatives de décrocher

Les fumeurs québécois ont fait moins de tentatives d’arrêter de fumer en 2009 qu’en 2000, selon des données que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a tirées de l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC) réalisée chaque année par Statistique Canada auprès de la population de 15 ans et plus. Parmi les fumeurs et anciens fumeurs récents, le pourcentage de ceux qui n’avaient fait, durant l’année précédant l’entrevue téléphonique, aucune tentative d’arrêter de fumer, était de 47,2 % en 2000 et de 60,1 % en 2009, des proportions significativement différentes selon l’INSPQ.

Au Canada dans son ensemble, selon l’ESUTC, la proportion des fumeurs qui n’ont fait aucune tentative d’arrêter est passée était de 52 % en 2000 à 54,8 % en 2009, puis à 53,8 % en 2010, des variations non significatives selon Santé Canada.

Pierre Croteau