Les taxes montent, les fumeurs écrasent

L’importante hausse de taxes de juin 2002 – 1,14 $ le paquet au Québec – a convaincu bon nombre de fumeurs d’écraser, à en juger d’après le premier d’une série de sondages Crop commandée par le ministère des Finances du Québec, de concert avec le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Afin d’éviter toute résurgence importante de la contrebande, le gouvernement provincial entend vérifier méticuleusement si le recul des livraisons déclarées et taxées des cigarettiers correspond effectivement à une baisse équivalente de la consommation. Durant l’été 2002, 8,5 % des fumeurs auraient abandonné le tabac, ce qui porterait la prévalence de 24,4 à 22,4 %.

Chaque six mois, pendant trois ans, la maison Crop sondera les Québécois sur leur comportement tabagique. Le premier questionnaire, soumis du 5 septembre au 12 octobre 2002 à 3 700 répondants, comportait une centaine de questions axées principalement sur l’achat et la consommation des produits du tabac. Les non-fumeurs étaient seulement interrogés sur ce qu’ils pensent des taxes et des programmes antitabac.

Les fumeurs approchés l’automne dernier seront joints une ou deux autres fois, pour suivre leur évolution. Quant à la prévalence générale, elle sera aussi estimée régulièrement par de courts sondages de type omnibus, tenus en parallèle. Rien n’indique que le faible chiffre de 22,4 % de fumeurs, obtenu à l’automne dernier, sous-estime la prévalence actuelle, assure Louis-Philippe Barbeau, vice-président de Crop. Les différents sondages de Statistique Canada, menés de 6 à 18 mois auparavant, avaient rapporté des taux de 24 à 30 % pour le Québec.

Nouveaux non-fumeurs

La moitié (49 %) des anciens fumeurs de 15-24 ans auraient cessé moins de trois mois avant le sondage, ce qui confirme que le tabagisme des jeunes est très influencé par le prix du tabac. Cette proportion monte même à 54 % chez les étudiants; elle est de 11 % pour l’ensemble des ex-fumeurs. Les nouveaux non-fumeurs mentionnent surtout les raisons suivantes pour avoir rompu : inquiétude au sujet de la santé (42 %), prix des cigarettes (19 %), problèmes actuels de santé (17 %) et saturation personnelle (9 %). En moyenne, ils ont réussi à la quatrième tentative.

Parmi ces 105 nouveaux ex-fumeurs interrogés, pas moins de 26 % ont utilisé les patchs de nicotine pour leur sevrage, 5 % la gomme, et 5 % le Zyban; 66 % y sont parvenus sans support pharmacologique. La plupart (91 %) n’ont pas eu recours à du soutien professionnel, tel le médecin ou la ligne d’écoute (2 % chacun). Seulement 7 % ont consulté de la documentation d’aide. À cause du petit nombre de récents ex-fumeurs retracés, la marge d’erreur est élevée, soit de 10 %. Elle tombe à 3 % lorsque les questions s’adressent aux fumeurs.

Marché volatile

Le ministère des Finances s’intéresse de près aux types de tabac fumé, dont la taxation diffère. Parmi les fumeurs, 77 % achètent des cigarettes usinées, 17 % des cigarettes avec tubes et 10 % des rouleuses (le total dépasse 100 % car certains optent pour plusieurs produits). Pas moins de 93 % des fumeurs affirment consommer chaque jour; ils brûlent 17,3 cigarettes en moyenne, confessent-ils.

Environ 40 % des fumeurs québécois optent pour des cigarettes aux appellations trompeuses. Les termes douces ou légères ont la faveur de 31 % des consommateurs, les extra ou ultra obtiennent 8 %, alors que les cigarettes régulières trônent avec 55 % de la clientèle. Les marques préférées sont les du Maurier, choisies par 23 % des fumeurs, et les Player’s à 20 %. Les Export‘A’ figurent bonnes troisièmes à 17 %; leur cote monte à 28 % parmi les 15-24 ans. Les produits moins chers gagnent du terrain car les Supreme, Smoking et Presto Pack Number 7, recueillent ensemble 12 % de la faveur. En trois mois, 15 % des 1 131 fumeurs interrogés ont changé de marques, surtout pour épargner. La hausse des taxes affecte donc doublement les fabricants : elle entraîne la cessation tout en poussant les derniers acheteurs vers des produits moins chers.

Nos adeptes de la nicotine s’approvisionnent surtout au dépanneur (74 %), au supermarché (22 %) et à la station-service (5 %). Depuis les trois derniers mois, 73 % d’entre eux affirment consommer autant de cigarettes par jour qu’avant, 19 % moins, et 7 % plus.

Forte volonté de cessation

Plus de la moitié des fumeurs, 54 %, envisagent d’écraser au cours des six prochains mois. Ils étaient 29 % à avoir essayé en vain au cours des trois derniers mois. À l’autre bout du spectre de la motivation, on trouve 16 % de fumeurs qui affirment que seule la mort ou une maladie grave mettrait fin à leur dépendance

Le rapport de la firme Crop est disponible sur le site de la Loi sur le tabac du Québec sous forme de 103 diapositives PowerPoint. Ni le ministère de la Santé, ni celui des Finances, n’a émis de communiqué à propos de ce sondage dont les grandes lignes furent dévoilées à la mi-avril par le journaliste Pierre Asselin du quotidien Le Soleil de Québec.

Denis Côté