La palme des non-fumeurs revient à la région Chaudière-Appalaches

C’est dans la région Chaudière-Appalaches que l’on fume le moins au Québec, si l’on se fie aux données de 2000-2001 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), que Statistique Canada a dévoilées au début de mai. La proportion de fumeurs y serait de 26,3 %, comparativement à 29,5 % pour l’ensemble du Québec. L’Île de Montréal suit de près avec 26,9%, talonnée par Laval à 27,7% et par la région de Québec à 27,8%.

Intervenant en tabagisme à la Direction de la santé publique de Chaudière-Appalaches, André Secours est agréablement surpris de ce résultat. Modestement, il considère que sa région a simplement suivi la baisse du tabagisme québécois, redevable à la stratégie globale antitabac. Il donne aussi crédit aux CLSC locaux qui ont offert d’excellents programmes de cessation. Située au sud de Québec, entre le fleuve Saint-Laurent et la frontière américaine, cette région de 400 000 personnes, à 99,4 % francophone, comprend entre autres les villes de Lévis, St-Georges, Ste-Marie, Thetford Mines et Montmagny.

Par contre, les autorités sanitaires de l’Outaouais seront préoccupées de constater que leur population occupent le dernier rang sur le plan des poumons roses. L’enquête estime sa proportion de fumeurs quotidiens à 34,5 % et de fumeurs occasionnels à 4,8 %, pour un total accablant de 39,3%. Par ailleurs, pour ajouter à ce triste constat régional, les restaurants et les bars de Gatineau ont été adoptés comme fumoirs par de nombreux Ontariens, leur habitude n’étant plus tolérée dans les établissements d’Ottawa en vertu d’un règlement municipal en vigueur depuis l’été 2001.

Financée par Santé Canada au coût de 16 millions, cette enquête repose sur 22 700 entrevues individuelles juste pour le Québec, dont 800 à 3 100 dans chaque région. Dans l’entrevue d’une heure portant sur une cinquantaine de sujets sanitaires, les Canadiens ont aussi été questionnés sur leur exposition à la fumée de tabac. Les données furent recueillies de septembre 2000 à novembre 2001.

Les proportions de fumeurs sont sensiblement plus élevées que celles rapportées par l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC), elle aussi réalisée par Statistique Canada. Par exemple, pour le début de 2001, soit en plein milieu de l’enquête des collectivités, l’ESUTC estimait la prévalence du tabagisme à 26 % pour le Québec, donc à 3,5 % de moins. À l’échelle du pays, la différence entre les deux sondages est de 2,9 % (prévalence de 25,9 %, comparativement à 23 % pour l’ESUTC). De surcroît, l’Enquête de surveillance investigue chez les 15 ans et plus, au lieu des 12 ans et plus, ce qui devrait occasionner une prévalence majorée d’environ 1 %. Les deux sondages diffèrent donc de près de 4% pour le Canada.

Marc Hamel, de Statistique Canada, a indiqué que cet écart important faisait justement l’objet d’une étude spécifique pour l’élucider. Il fait valoir que les méthodologies employées dans les deux sondages n’étaient pas identiques. Par exemple, l’ESUTC se base uniquement sur des entrevues téléphoniques et est limitée au domaine du tabac, alors que l’ESCC est menée surtout à domicile. Des recherches étrangères ont conclu que les fumeurs sont moins enclins à collaborer aux sondages dédiés à leur habitude discréditée; d’autre part, les personnes ne disposant pas de téléphone fument davantage, étant plus pauvres, fait remarquer M. Hamel. Ces arguments portent à croire que l’Enquête de surveillance sous-estime la prévalence. De plus, l’ESUTC a une marge d’erreur de 3 % pour le Québec, comparativement à 0,6 % pour la vaste enquête. Le statisticien signale que, nonobstant leurs méthodologies, les deux sondages révèlent d’importantes baisses du tabagisme, tant au Québec et que dans l’ensemble du Canada.

L’ESUTC, fort médiatisée, mène ses sondages chaque six mois ; un rapport des entrevues de la fin de 2001 sera dévoilé le 31 mai, a-t-on appris. Quant à l’Enquête dans les collectivités, elle est planifiée pour chaque deux ans; la prochaine collecte de données se tiendra de janvier à décembre 2003.

Cette nouvelle enquête aux résultats discordants – quant au tabagisme – n’a pas déçu le directeur du Conseil québécois sur le tabac et la santé, Mario Bujold. À son avis, la chute du tabagisme demeure tangible, même avec 30 % de fumeurs québécois, et il reste simplement bien du travail à faire. M. Bujold souligne que les entrevues furent effectuées avant ou durant l’introduction de mesures antitabac importantes, comme les avertissements illustrés, les hausses de taxes, les campagnes de la Semaine québécoise et du Défi, de même que le remboursement étatique des aides pharmacologiques. Toutes ces mesures portent fruit progressivement, opine-t-il.

L’optimisme de M. Bujold semble justifié, à en juger par la toute dernière évaluation de la prévalence au Québec. Selon un sondage omnibus de Léger Marketing, tenu au début de mai 2002, on ne dénombrerait plus que 24 % de fumeurs, pour 75 % de non-fumeurs et… 1 % de refus de réponse. Basé sur 1 000 répondants, ce sondage téléphonique a une marge d’erreur de 3,4 %, 19 fois sur 20.

Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) 2000/01, Statistique Canada
Basée sur 22 700 entrevues au Québec (de 800 à 3100 par région)

Régions

Hommes

Femmes

H+F

Rang

Quot. Occ. Actuel Quot. Occ. Actuel Quot. Occ. Actuel
Abitibi-Témiscaminque 30,1 3,8 33,9 25,4 4,6 30,0 27,8 4,2 32,0 10
Bas-St-Laurent 25,9 5,1 31,0 22,6 5,1 27,7 24,3 5,1 29,4 6
Chaudière-Appalaches 22,7 5,4 28,1 19,7 4,8 24,5 21,2 5,1 26,3 1
Côte-Nord 32,5 2,9 35,4 30,1 6,2 36,3 31,3 4,5 35,8 15
Estrie 27,6 5,0 32,6 23,1 3,6 26,7 25,3 4,3 29,6 7
Gaspésie – Î.-de-la-Mad. 31,0 3,8 34,8 28,1 2,5 30,6 29,6 3,1 32,7 12
Lanaudière 32,5 3,2 35,7 27,3 3,6 30,9 29,9 3,4 33,3 13
Laurentides 26,4 4,6 31,0 28,8 2,4 31,2 27,6 3,5 31,1 9
Laval 23,5 5,8 29,3 21,0 5,2 26,2 22,2 5,5 27,7 3
Mauricie – Centre-du-Québec 28,1 3,4 31,5 26,2 4,1 30,3 27,1 3,8 30,9 8
Montérégie 25,5 3,5 29,0 24,6 4,5 29,1 25,0 4,0 29,0 5
Montréal (Île de) 24,5 5,2 29,7 18,9 5,3 24,2 21,6 5,3 26,9 2
Nord-du-Québec 28,5 8,1 36,6 26,9 6,3 33,2 27,7 7,2 34,9 14
Outaouais 37,3 4,2 41,5 31,7 5,4 37,1 34,5 4,8 39,3 16
Québec (région) 25,0 4,2 29,2 21,0 5,5 26,5 22,9 4,9 27,8 4
Saguenay – Lac-Saint-Jean 29,4 6,4 35,8 26,0 2,8 28,8 27,7 4,6 32,3 11
QUÉBEC (province) 26,6 4,5 31,1 23,3 4,6 27,9 24,9 4,6 29,5
  • Quot. : Fumeur quotidien (a fumé au moins une cigarette par jour, durant les 30 derniers jours)
  • Occ. : Fumeur occasionnel (a fumé au moins une cigarette durant les 30 derniers jours, mais pas à chaque jour)
  • Actuel : Fumeur actuel (quotidien ou occasionnel)

Denis Côté