Faut-il oublier le laser, l’hypnose ou l’acupuncture comme méthodes de cessation?

Loupe sur une cigarette thérapie au laser

Fait étonnant : l’article d’Info-tabac publié en 2007 sur la thérapie au laser pour arrêter de fumer demeure l’un des plus lus du site. Presque 15 ans plus tard, où en sont les connaissances sur le sujet? Info-tabac a de nouveau mené son enquête, et examiné l’efficacité de l’hypnose et de l’acupuncture.

La dépendance à la nicotine est une dépendance physique, mais également psychologique et sociale pouvant engendrer d’importants symptômes de sevrage. C’est pourquoi une grande proportion de fumeurs a besoin de plusieurs tentatives pour cesser de fumer. Par conséquent, certains en viennent à être séduits par des méthodes n’exigeant aucun effort particulier. C’est le cas de la lasérothérapie ou de la thérapie par le laser.

Le laser est une technique dérivée de l’acupuncture et dite aussi efficace, voire plus efficace qu’elle. Selon les deux compagnies jointes par Info-tabac, soit Stop Laser Plus et Thérapie Laser, le rayon laser, qui remplace les aiguilles, atténuerait le besoin de nicotine du fumeur en stimulant certains points d’acupuncture situés près de l’oreille, où il y aurait sécrétion d’endorphines et de dopamines par le cerveau. Elle serait en outre si efficace qu’un seul traitement d’une durée d’environ une heure suffirait pour dire adieu à la cigarette… Tout ceci, sans symptômes de sevrage (ou presque!).

Trop beau pour être vrai?

Le hic, c’est l’absence de données scientifiques qui pourraient valider la lasérothérapie. En 2013, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec publiait d’ailleurs un rapport signalant le manque d’études rigoureuses et dénuées de biais sur l’efficacité de cette thérapie ainsi que celle de l’acupuncture et de l’hypnose.

Pourtant, Stop Laser Plus et Thérapie Laser se targuent d’avoir des taux de réussite d’arrêt tabagique variant entre 70 et 95 %. Sans expliquer les calculs derrière de tels pourcentages (bien qu’Info-tabac ait tenté de les connaître!), elles vantent l’efficacité de leur approche en se basant sur une seule et même étude dont la rigueur scientifique laisse à désirer.

Une étude aux nombreuses lacunes

Tout d’abord, l’étude en question a été publiée en 2008 dans le Journal of Chinese Medicine, une revue scientifique qui, dix ans plus tard, avait un facteur d’impact de 0,00… Rappelons que le facteur d’impact indique la visibilité et l’importance d’une revue scientifique. En règle générale, plus il est haut, mieux il vaut.

Mais le plus important se trouve ici : l’étude comporte de nombreuses limites.

Premièrement, le groupe contrôle a perdu davantage de participants en cours de route que les autres groupes, créant un problème d’échantillonnage. En effet, 117 participants appartenaient au groupe A (trois traitements au laser et un placebo), 125 au groupe B (quatre traitements au laser) et seulement 89 au groupe C (groupe contrôle, donc quatre placebos). Non seulement les auteurs n’expliquent pas les raisons derrière le taux plus élevé d’abandon dans le groupe contrôle, mais ils pallient cette faiblesse d’échantillonnage en manipulant les analyses statistiques.

Deuxièmement, l’étude comporte un problème méthodologique en omettant de décrire certains outils d’évaluation. Par exemple, les auteurs écrivent que « des données subjectives sur le tabagisme actuel et le sentiment de bien-être ou autre ont été accumulées » (notre traduction). Quelles sont ces données? Comment ont-elles été accumulées? Mystère. Or, les auteurs s’appuient ensuite sur ces mystérieuses données subjectives – ne pouvant donc être observées directement de l’extérieur – pour signaler une diminution des symptômes de sevrage après un traitement au laser.

Statistiques étude traitement laser tabac

Il y a aussi lieu de s’interroger sur les conclusions « optimistes » de l’étude, selon lesquelles le laser permettrait de mettre fin au tabagisme. Ainsi, sur les 340 participants, seulement 40 ont répondu au questionnaire de cessation tabagique 18 mois après le traitement. Sur les 40, 32 se disaient toujours abstinents. Il est certes possible d’applaudir ce résultat, mais… qu’en est-il des 300 autres participants? Ont-ils omis de répondre parce qu’ils avaient recommencé à fumer et n’osaient pas l’avouer?

Finalement, il existe un écart entre ce que disent les auteurs de l’étude et ce qu’annoncent les deux compagnies de laser concernées. Alors que les auteurs affirment qu’il est plus efficace d’avoir quatre traitements ou davantage pour cesser de fumer, Stop Laser Plus et Thérapie Laser vendent l’idée qu’un ou deux traitements suffisent…

La motivation : une variable cruciale

Au nombre des faits intéressants, les auteurs de l’étude expliquent que le laser modifie les symptômes physiques de sevrage et rend possible l’arrêt tabagique pour les personnes motivées à cesser de fumer. La variable de la motivation jouerait ici un rôle d’importance. Il en serait de même pour l’hypnose et l’acupuncture.

« Si quelqu’un arrive dans mon bureau en me disant qu’il faut qu’il arrête de fumer et non qu’il veut arrêter de fumer, je lui demande de réfléchir à sa motivation, note Michel Landry, psychologue spécialisé en hypnose clinique. La motivation influence beaucoup le succès d’un traitement, quel qu’il soit. » L’expérience de Sébastien Charbonneau, qui a consulté un hypnothérapeute pour cesser de fumer, en témoigne : « J’ai commencé à fumer la cigarette à 18 ans. J’ai essayé d’arrêter à huit reprises, mais je rechutais chaque fois. Il y a sept mois, j’ai essayé l’hypnose. J’ai eu un traitement d’une durée d’environ 1 h 30 et je n’ai pas fumé depuis. Ceci dit, le traitement n’est pas magique : la motivation joue pour beaucoup. »

« Magique est un mot à proscrire, renchérit le Dr Denis Houde, psychologue et expert en hypnose clinique. L’hypnothérapie est tout sauf magique! Pour qu’elle fonctionne, il faut notamment que le client soit prêt à faire des efforts comme éviter les événements déclencheurs du tabagisme et adopter de saines habitudes de vie. » Pour lui conférer encore plus de succès, le spécialiste n’hésite pas à combiner l’hypnose à d’autres méthodes reconnues, telles qu’une thérapie cognitive et comportementale, des thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) ou des médicaments. « L’important est d’adapter le traitement aux besoins et aux capacités de chaque client. »

Le Dr Houde rappelle d’ailleurs que, bien qu’elles soient rares, les études sur l’efficacité de l’hypnose existent. Selon lui, l’individualité des clients explique en partie la difficulté de prouver scientifiquement cette efficacité. « En recherche, tous les participants reçoivent le même traitement selon un protocole standardisé. Pourtant, c’est la personnalisation du traitement et du suivi qui en fait la force. »

Le scénario serait le même pour l’acupuncture, aux dires de l’acupuncteur Patrick Des Marais, qui est aussi président de l’Association des acupuncteurs du Québec. « L’acupuncture est particulièrement efficace pour traiter les symptômes du sevrage tabagique (maux de tête, irritabilité, anxiété, etc.), permettant ainsi d’éviter les rechutes. Comme chaque personne présente des symptômes différents, les traitements et les techniques thérapeutiques le sont tout autant. »

Cette diversité de techniques comprend notamment des aiguilles, des ventouses, des billes et même le laser! « Pour traiter le tabagisme, certains acupuncteurs ont également recours au protocole de la National Acupuncutre Detoxification Association (NADA), qui vise cinq points d’acupuncture auriculaire, et qui est reconnu pour le traitement des dépendances », explique Patrick Des Marais.

Cependant, à l’instar de l’hypnose, l’acupuncture n’agit pas magiquement ni de manière isolée. « Chez un patient en traitement qui réussit à arrêter de fumer, il est difficile de savoir quelle part du succès est due à l’acupuncture, à l’effet placebo, à la volonté de la personne et à toutes les autres variables possibles, telles que de meilleures habitudes de vie. Quoi qu’il en soit, un traitement d’acupuncture ne peut pas nuire. »

Et l’argent, dans l’équation?

Le traitement de Thérapie Laser coûte 275 $. Celui de Stop Laser Plus, 290 $. Pour sa part, Sébastien Charbonneau indique avoir déboursé un peu plus de 220 $ pour son hypnothérapie. Patrick Des Marais dit, quant à lui, que chaque séance d’acupuncture coûte généralement entre 70 $ et 100 $.

Le montant investi dans ces méthodes influence-t-il leur succès? Selon Michel Landry, la réponse est non. « Outre la motivation, ce sont plutôt des facteurs comme la qualité du lien entre le thérapeute et le client, l’effet placebo et la souffrance que vit le client en raison du tabac (maladies, problèmes relationnels, etc.) qui pèsent dans la balance. D’ailleurs, face à cette souffrance, le client doit comprendre que son but n’est pas d’arrêter de fumer, mais souvent de retrouver la santé. »

En revanche, le Dr Houde croit que le montant investi peut influencer l’engagement du client et, donc, le succès du traitement. « Si c’était gratuit, je suis certain que les gens accorderaient moins de valeur au processus thérapeutique et feraient moins d’efforts pour atteindre leur objectif de cessation tabagique ».

Méthodes d’arrêt tabagique éprouvées

Ainsi, même si les études se font encore rares sur l’efficacité du laser, de l’acupuncture et de l’hypnose pour arrêter de fumer, il semble que ces méthodes alternatives fonctionnent pour certaines personnes. Cela dit, il faut rester vigilant face aux compagnies et aux thérapeutes qui vendent des traitements prétendus magiques à des prix faramineux!

Pour éviter ce genre de risque, pourquoi ne pas se tourner vers des méthodes éprouvées? Surtout qu’elles ne manquent pas! Mentionnons d’abord les TRN comme les timbres, l’inhalateur, les gommes et les pastilles, qui sont généralement remboursés par les régimes d’assurance publique et privée. Il y a également des médicaments à prendre oralement tels que la varénicline (Champix) et le bupropion (Zyban), qui agissent respectivement sur les récepteurs nicotiniques du cerveau et les symptômes de dépression. Finalement, il existe des professionnels formés expressément pour le traitement de la dépendance à la nicotine, qu’on peut consulter gratuitement en faisant appel aux services J’ARRÊTE.

À ce propos, Ariane Allaire-Loiselle, spécialiste principale des programmes d’abandon tabagique à la Société canadienne du cancer, explique qu’il est possible d’utiliser une seule méthode ou de les combiner. Selon elle, il est également judicieux de consulter un professionnel de la santé (médecin, pharmacien, etc.) afin de recevoir le meilleur traitement possible. Enfin, pour éviter les rechutes et s’assurer de réussir, il faut se préparer, être disposé au changement, avoir confiance en soi et en la démarche. Et surtout, on doit se rappeler que le seul échec, c’est cesser de vouloir cesser de fumer!

Catherine Courchesne