Une mobilisation réussie d’adolescents québécois

À 15 ans, on se moque pas mal des effets de santé que peut entraîner la cigarette dans quelques décennies, et on croit de toute façon que la dépendance à la nicotine n’arrive qu’aux autres.

C’est pourquoi il faut trouver autre chose que les campagnes de sensibilisation traditionnelles si l’on veut prévenir le tabagisme chez les adolescents. Avec La gang allumée pour une vie sans fumée, un programme du Conseil québécois sur le tabac et la santé subventionné par Santé Canada, on semble enfin avoir trouvé le truc. De 63 écoles secondaires et deux maisons de jeunes inscrites au projet en 1995’96, on est déjà passé à 212 cette année.

Cette progression quantitative est impressionnante. Mais le bilan qualitatif est encore plus positif, selon un rapport de recherche sur la première année de la Gang allumée qu’ont présenté récemment les sociologues Monique Caron Bouchard et Sylvie Beaulieu à une vingtaine d’intervenants en santé. Mme Caron Bouchard a même avoué, un peu à la blague, qu’elle est un peu gênée de soumettre une évaluation aussi positive, qui risque de donner l’impression qu’elle a perdu son objectivité scientifique.

S’il y a une leçon à tirer de la Gang allumée, c’est l’importance pour les jeunes de faire des choses plutôt que de se faire dire des choses. Les adolescents passent leurs journées à l’école à écouter. Lorsqu’on leur donne la possibilité de créer, d’échanger, et de choisir eux mêmes, ils détruisent rapidement tous les stéréotypes qu’on entend si souvent à propos de la « passivité » des « jeunes d’aujourd’hui ».

Ainsi, dans le cadre de la Gang allumée, on a écrit et enregistré des chansons et des vidéos, monté un site Internet, réalisé une chorégraphie sur les méfaits du tabac, présenté des sketches dans des écoles primaires et bien d’autres choses encore.

L’adolescence n’est pas forcément l’âge pour parler en termes abstraits de la politique ou de la responsabilité sociale, mais le rapport sur la Gang allumée révèle que l’altruisme est tout de même un facteur de motivation important pour les adolescents qui s’impliquent dans les projets antitabac. Ainsi, plusieurs jeunes fumeurs trouvaient très important de faire leur possible pour que les plus jeunes autour d’eux ne fassent pas la même gaffe qu’eux en commençant à fumer.

Un autre facteur important : la quête de liberté. Pour rejoindre les jeunes, constate l’équipe de recherche, il faut « mettre en relief dans les propos non pas la cigarette, mais la question de la dépendance, de l’absence de liberté ».

Une autre clé de la réussite a été l’organisation de forums régionaux où les différentes écoles pouvaient présenter leurs projets. Pour ne pas manquer ce rendez-vous, plusieurs groupes de jeunes ont mis les bouchées doubles pour aboutir à temps.

Et les parents?

Cette année on note une nouvelle tendance inattendue et fort intéressante : de plus en plus d’adolescents s’impliquent dans l’espoir de convaincre leurs parents d’arrêter de fumer.

Stéphane Bossé, agent régional de la Gang allumée pour la région de Richelieu, raconte que dans une des écoles où il a été invité à discuter avec un groupe de jeunes, presque tous ont dit avoir au moins un parent qui fumait. Beaucoup d’étudiants cherchaient un moyen d’expliquer à leurs parents que la fumée les gênait sans que cela déclenche une dispute familiale.

Une élève qui s’était entendue avec sa mère pour que celle-ci ne fume que dans la salle de bains est même venue demander à M. Bossé des conseils pour acheter un purificateur d’air.

D’ailleurs, selon un sondage réalisé par l’équipe de recherche, les conséquences de la fumée ambiante sur les non-fumeurs est le sujet qui intéresse le plus les jeunes en ce qui a trait au tabagisme – bien plus que les lois réglementant le tabac, par exemple.

Ce résultat à prime abord étonnant confirme peut-être l’importance pour les adolescents de se faire respecter, que ce soit par leurs parents fumeurs ou par les professionnels de la santé qui veulent les convaincre de ne pas fumer.

Pour en savoir plus sur La gang allumée pour une vie sans fumée, appeler le Conseil québécois sur le tabac et la santé au (514) 948-4087. Vous pouvez aussi demander un exemplaire du bulletin de liaison de la Gang allumée.

Francis Thompson