« Un monde sans fumée, c’est plus beau »

Semaine québécoise pour un avenir sans tabac
À l’hiver 2006, L’Barouf était un de ces milliers de bars du Québec où un non-fumeur ne pouvait pas aller boire un verre avec des amis non-fumeurs sans ressortir avec les vêtements imprégnés de l’odeur du tabac brûlé, voire avec les voies respiratoires encombrées et en plein grand ménage.

De quoi écoeurer définitivement de passer du temps dans un bar. Personne n’aurait alors spontanément imaginé que le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) tienne un jour en un pareil endroit sa conférence de presse annuelle de lancement de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac (SQAST).

Observer l’évolution

Cinq ans après l’interdiction – massivement respectée – de fumer dans les endroits publics (31 mai 2006), des milliers de bars prospèrent encore, des hommes et des femmes y cherchent encore l’âme sœur ou une aventure, et même les fumeurs sont loin d’avoir déserté les lieux, plusieurs d’entre eux ayant même diminué significativement leur consommation moyenne de cigarettes par sortie, selon une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publiée en novembre 2010. C’est à partir d’un bar que la porte-parole de la SQAST, la comédienne Mireille Deyglun, et le directeur général du CQTS, Mario Bujold, ont pu, le 13 janvier, faire part de leur espoir que le gouvernement interdise de fumer dans les véhicules privés où une personne de moins de 16 ans prend place, et la presse n’a pas sursauté. Que le gouvernement veuille introduire bientôt cette interdiction dans la Loi sur le tabac ne semble pas non plus une invraisemblance, pour qui a écouté parler le directeur national de la santé publique, le Dr Alain Poirier, lors de ce même point de presse du CQTS, lequel a eu un écho dans plusieurs bulletins de nouvelles. Même les fumeurs seraient à 85 % favorables à l’interdiction du tabagisme dans un véhicule privé avec une personne de moins de 16 ans à bord, d’après ce que révèle l’étude mentionnée de l’INSPQ mentionnée plus haut.

Des fumeurs, il en existe toutefois encore près de 1,5 million au Québec, selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada sortie à la fin de juin 2010. Sur 100 Québécois de 12 ans et plus, il s’en trouve encore entre 22 et 23 qui fument. Au Canada dans son ensemble, cette proportion est d’environ 20 sur 100. 

Avec ces adeptes du tabac, dans encore trop de cas, l’entourage familial, incluant des enfants, respire aussi de la fumée, s’inquiètent Mireille Deyglun et Mario Bujold.

43 % des familles québécoises interdisent l’usage du tabac à la maison, contre 64 % de l’ensemble des familles canadiennes, selon des données de l’ESCC de 2005.

Selon l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada, 11,3 % des enfants de 0 à 11 ans au Québec en 2009 étaient exposés régulièrement à la fumée secondaire de tabac à leur domicile, soit 2,5 fois plus que dans l’ensemble du pays (4,6 %). La proportion de fumeurs chez les Québécois est pourtant très loin de représenter le double de celle mesurée chez l’ensemble des Canadiens.

La différence québécoise semble encore plus marquée sur la route. Selon l’ESCC sortie en juin 2010, 21,9 % des adolescents de 12 à 19 ans au Québec avaient été exposés au cours du dernier mois à la fumée secondaire dans des véhicules, contre 7,1 % dans l’ensemble du Canada.

Faire reculer le tabagisme

Dans le cadre de la SQAST de 2011, du 16 au 22 janvier, le vénérable CQTS, fondé en 1976, a donc voulu remettre l’accent sur la nécessité de ne pas soumettre les non-fumeurs à un tabagisme involontaire, sans pour autant négliger de rappeler aux fumeurs qui nous entourent combien leur auto-intoxication désole le reste de la collectivité et engendre des maladies et des deuils hâtifs. Dans un communiqué émis le 13 janvier, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Yves Bolduc, a lui-même tenu à saluer « l’effort de celles et ceux qui sont en processus d’arrêt tabagique, qui ont cessé de fumer ou qui essaient de ne pas exposer leurs proches à la fumée secondaire ».

Le réseau V offrait, entre autres, un témoignage de Mme Tammy Verge, que l’on peut voir dans Atomes crochus et dans Un gars le soir. Elle révèle être comblée que son amoureux Antoine ait écrasé il y a un an et demi. Ce dernier sent et goûte bon maintenant.

Le CQTS procède en 2011 selon sa recette éprouvée depuis plusieurs années, en recourant à d’émouvants témoignages de Mireille Deyglun et de dix autres personnalités de la télévision québécoise, concentrés dans des capsules de 30 ou de 60 secondes, capsules concoctées une fois de plus par les bons soins de la metteure en scène Janette Bertrand et du réalisateur Jack Hackel. La Réseau TVA, le réseau de Radio-Canada, la station CFCF, le Canal Vie, V Télé et RDS s’occupent de faire voir et entendre les messages par leur vaste auditoire.  En parallèle, sur des affiches murales et le matériel promotionnel, de même qu’en ligne, la 35e SQAST claironne : « UN MONDE SANS FUMÉE – J’y crois ». Ou « UN MONDE SANS FUMÉE – C’est plus beau », « Ça m’inspire », etc.

Chaque jour au Québec, environ 10 femmes et 18 hommes décèdent de maladies causées par l’usage du tabac. Et «il n’y a pas de vaccin » contre l’épidémie du tabagisme, a souligné le Dr Alain Poirier, conscrit l’an dernier dans une guerre au virus A(H1N1), et toujours heureux de canaliser des ressources publiques vers la promotion de saines habitudes de vie.

« Cessez-le-feu » de 24 heures

En matière de fumée, qu’ont en commun les 16 municipalités québécoises de Témiscaming, Rimouski, Lévis, Baie-Comeau, Sherbrooke, Gaspé, Saint-Lin-Laurentides, Mirabel, Shawinigan, Laval, Gatineau, Saint-Hyacinthe, Lebel-sur-Quévillon, L’Ancienne-Lorette, Saguenay et Montréal?

Réponse : dans le cadre de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac, lors de conférences de presse simultanées à 10 h le lundi 17 janvier 2011, leurs maires respectifs (ou dans quelques cas un autre membre du conseil municipal) ont exhorté leurs concitoyens à ne pas fumer dans les véhicules avec un enfant de moins de 16 ans. L’appel au public ne concernait que les 24 heures de la journée du 18 janvier, mais il avait aussi fait l’objet de résolutions en conseil municipal où tous les membres du conseil, tous partis politiques confondus, s’engageaient personnellement à respecter la trêve de 24 heures.

L’initiative est une réalisation du Réseau conseil de la gang allumée, formé de 16 garçons et filles de 13 à 16 ans, présents dans autant de régions du Québec, et associés aux activités de sensibilisation du CQTS et du MSSS.

La couverture des 16 conférences de presse par les médias régionaux a donné lieu à une ou des interviews du jeune porte-parole sur place, très souvent complétées par une entrevue à distance du directeur du CQTS Mario Bujold.

Pierre Croteau