Tabac et pauvreté : un cercle vicieux

Dans le cadre de la Journée mondiale sans tabac 2004, qui se tient le 31 mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénonce la responsabilité du tabac dans l’aggravation de la pauvreté. Tandis que le nombre de fumeurs diminue constamment dans le monde industrialisé, les pays pauvres constituent une cible de choix pour les multinationales du tabac.

Du 1,3 milliard de fumeurs actuellement estimés sur la planète, 84 % vivent dans des régions en développement. Dans ces pays peu industrialisés, plusieurs facteurs incitent les gens à fumer, explique la brochure de la Journée mondiale 2004. « L’inaction des pouvoirs publics, les difficultés d’accès à l’information concernant des modes de vie sains, les publicités alléchantes favorisant l’usage du tabac ainsi que la dépendance à l’égard de la nicotine, font en sorte que les personnes défavorisées dépensent leur argent pour des produits du tabac plutôt que pour satisfaire leurs besoins essentiels », peut-on lire dans Tabac et pauvreté : un cercle vicieux, disponible en français sur le site de l’OMS.

Malheureusement, les utilisateurs de tabac ne sont pas les seuls à être affectés par le tabagisme, poursuit le pamphlet. Alors que les familles de fumeurs doivent composer avec une source de revenu en moins lors du décès prématuré d’un de leurs proches, les pays assument, pour leur part, les dépenses liées aux soins de santé et à la perte de productivité des personnes qui souffrent de maladies attribuées à l’usage du tabac.

Les cultivateurs de tabac

C’est surtout dans les pays économiquement défavorisés que les grands cigarettiers s’approvisionnent en tabac. Le salaire moyen y est souvent dérisoire et les normes environnementales sont très accommodantes, sinon inexistantes.

En plus d’être exposés à de grandes quantités de pesticides hautement toxiques, bon nombre de cultivateurs souffrent de la « maladie du tabac vert », une affection liée à l’absorption cutanée de la nicotine.

« Alors que la plupart des gens qui triment dans les champs de tabac et dans les usines ont du mal à joindre les deux bouts, les patrons de l’industrie du tabac, eux, sont grassement rémunérés », déplore le guide de sensibilisation produit par l’OMS.

D’après l’organisme caritatif britannique Christian Aid, un cultivateur de tabac brésilien moyen devrait travailler environ six ans pour égaler la rémunération quotidienne des dirigeants des grandes compagnies de tabac. Afin d’encaisser leur salaire annuel, il lui faudrait 2 140 années de travail. En 2002, le directeur général de la plus grande multinationale de tabac au monde, Philip Morris/Altria, a reçu plus de 3,2 millions $ US en salaire et primes.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, qui s’est appuyée sur un rapport de la Banque mondiale, il ne fait aucun doute que l’industrie du tabac exagère les avantages économiques reliés à la fabrication de ses produits, tant dans les pays riches que dans les pays pauvres. En créant l’illusion que de nombreux emplois dépendent de la consommation de tabac, les compagnies peuvent agiter le spectre du chômage, lorsque les gouvernements tentent d’adopter des politiques antitabac pour protéger la santé publique. L’industrie préfère affirmer que la lutte antitabac génère des pertes d’emplois. Elle semble oublier que la mécanisation de la production permet aujourd’hui de fabriquer jusqu’à 840 000 cigarettes par heure, à l’aide d’une seule machine, précisent les auteurs de Tabac et pauvreté : un cercle vicieux.

Lutter : une nécessité

Afin de mettre un terme aux effets dévastateurs de l’épidémie mondiale de tabagisme, l’OMS demande aux pays de ratifier la Convention-cadre pour la lutte antitabac. Une fois en vigueur, ce traité international encouragera le partage des connaissances entre les nations qui possèdent des réglementations antitabac efficaces et celles qui n’en n’ont pas. « La lutte antitabac n’est pas un luxe que seuls les pays riches peuvent s’offrir, indique l’OMS, elle est une nécessité pour tous les pays du monde. »

Josée Hamelin