Succès des lois antitabac au Vermont

L’État du Vermont est sans doute, parmi les voisins du Québec, l’endroit ayant les meilleures législations antitabac. C’est presque le paradis. Depuis 1995, le tabac y est interdit dans la quasi-totalité des lieux publics, y compris les restaurants. Quant aux employeurs privés, ils sont tenus d’interdire le tabac au travail depuis 1988.

À la fin d’août, Info-tabac a constaté sur place que ces lois audacieuses étaient bien respectées. Cela ne faisait guère de doute puisque déjà en 1995, à la mise en place du Clean Indoor Air Act, les fumeurs rebelles se faisaient rares. Certains restaurateurs avaient cependant mis des affiches de sympathie envers les adeptes de la nicotine, du genre : « Défense de fumer depuis le 1er juillet. Ce n’est pas notre décision. »

Pour Caroline Swope, actuelle responsable de cette loi au ministère de la Santé du Vermont, le Clean Indoor Air Act est un grand succès. « Cela fonctionne très bien. Le nombre de problèmes d’application est très bas. » En effet, seulement trois cas en trois ans ont dû aboutir en cour. C’est ce que confirme l’agent Greg Knight qui, avec 13 collègues, revolver à la ceinture, veillent à l’application des règlements sur l’alcool et le tabac au Vermont. « Après un premier avertissement écrit, tout rentre dans l’ordre », explique-t-il. Pour une première infraction, un commerce peut écoper d’une amende allant jusqu’à 10 000 $.

Le patron de l’agent Knight, Albert Elwell, directeur du service de contrôle à la Régie des alcools du Vermont, se souvient que plusieurs restaurateurs avaient protesté au début. Mais tout s’est arrangé lorsqu’ils ont constaté que les fumeurs revenaient au restaurant et que les affaires allaient bien. « Actuellement, les restaurateurs sont enchantés de ne plus avoir à diviser leurs clientèles en sections fumeurs ou non-fumeurs, ajoute-t-il. L’aération est meilleure pour tous. »

Jason Waethers, gérant au Bourbon Street Grill, à Burlington, indique que le chiffre d’affaires de sa section bar avait baissé, surtout dans les quelques mois suivant l’entrée en vigueur de la loi. Mais que, côté restauration, cela s’était amélioré. Accueillant de nombreux touristes, il signale qu’environ deux fois par semaine, des Européens ou des Québécois se disent contrariés de ne pouvoir fumer, mais que très rares sont ceux qui quittent l’endroit en guise de protestation.

Deux autres gérants de restaurants avec bars sans fumée, du genre Cage aux sports, témoignent dans le même sens. L’industrie de la restauration semble très bien aller au Vermont. On voit souvent des files d’attente aux entrées, de même que de nombreuses affiches « Now Hiring », pour engager des employés.

Domaine de consommation
Avant l’adoption du Clean Indoor Air Act Après l’adoption du Clean Indoor Air Act Écart entre 1993-95 et 1995-97 (moyennes)
État du Vermont
1993-94
1994-95
1995-96
1996-97
Repas au restaurant (en millions $ U.S.)
472
491
505
515
+6 %
Location de chambres, hôtels / motels (en millions $ U.S.)
217
218
229
235
+7 %
Boissons alcoolisées dans bars et restaurants (en millions $ U.S.)
88
89
87
89
0 %
Cigarettes vendues (en milliards)
1,339
1,387
1,161
1,046
-19 %
Seules les ventes de cigarettes ont baissé

Dans l’ensemble de l’État, les dépenses en repas au restaurant se sont accrues de 3 % dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi, passant de 491 à 505 millions $. L’industrie touristique ne s’est pas davantage écroulée, les revenus de location des chambres passant de 218 à 229 millions $, une hausse de 5 %. Les ventes de boissons alcoolisées des bars et des restaurants ont quelque peu baissées, de 89 à 87 millions $. La seule industrie ayant perdu des clients semble être celle du tabac; le nombre de cigarettes vendues ayant chuté de 1,387 milliard à 1,161 milliard en un an, soit de 16 %. Ces statistiques proviennent du Ministère du Revenu du Vermont pour les années fiscales 1995 et 1996, dont la fin et le début coïncident exactement avec l’entrée en vigueur du Clean Indoor Air Act.

La cigarette demeure permise dans les bars ou les cabarets dont le chiffre d’affaires est constitué à plus de 50 % de produits alcoolisés ou de frais d’entrée. Si les revenus de restauration dépassent 50 %, il y est alors interdit de fumer. L’âge minimum d’accès aux bars, vérifié très sévèrement, est de 21 ans.

Pour les loisirs, l’autorisation de fumer va avec la boisson. La cigarette est permise dans une salle de billard si elle détient un permis d’alcool; les moins de 21 ans y sont alors interdits. Les bingos sont sans fumée. La gérante du Bowling d’Essex Junction, Lori Bruce, affirme ne pas avoir perdu de clients. « Les joueurs de quilles ou de billard qui tiennent à fumer le font dans le bar. La loi n’a pas nui à notre commerce puisque c’est la même chose partout. »

Ne pouvant fumer nulle part à l’intérieur sauf, pour certains, à la maison, les adolescents sont nombreux à fumer sur le trottoir. Tristement, beaucoup de jeunes aux allures négligées semblent avoir adopté la cigarette pour amie. Tout de même, on remarque dans l’ensemble beaucoup moins de fumeurs à l’extérieur qu’au Québec, qu’il s’agisse d’adolescents ou d’adultes. Aux États-Unis, fumer est de plus en plus perçu comme une activité de déviance ou de rébellion.

Vérification faite, aucune fumée de tabac ne semble émaner des lieux visés par la loi de 1995 : restaurants, lieux de loisir, magasins, centres d’achats, etc. Les employés de restaurant vont fumer dehors. À l’exposition agricole Champlain Valley Fair, personne ne fume dans les pavillons. Les vaches du Vermont sont mieux protégées de la FTE que les enfants du Québec.

Responsable de la loi interdisant la fumée au travail, celle-là en vigueur depuis 1988, John Mazzucco affirme que très rares sont les citoyens du Vermont encore incommodés par la fumée du tabac à leur emploi. Il existe peu d’exceptions à la loi. Les employeurs peuvent aménager des fumoirs à ventilation indépendante si aucun non-fumeur n’est tenu de s’y rendre. De surcroît, la pression atmosphérique du fumoir doit être inférieure à celle du reste de l’établissement, de manière à ce que la fumée n’en sorte pas. Quant aux ateliers industriels à hauts plafonds, la cigarette y est tolérée si c’est le voeu d’au moins 75 % des employés. « Ce n’est pas ce que nous recommandons », insiste M. Mazzucco.

Publicité

L’État du Vermont n’a pas interdit la publicité du tabac, laissant le soin de réglementer ce secteur à d’autres paliers de gouvernement. Peu importe le sujet, les panneaux publicitaires géants sont déjà interdits, étant considérés depuis longtemps comme de la pollution visuelle!

Pour sa part, le Burlington Board of Health (Régie de santé de Burlington) a adopté à l’unanimité, le 25 août, un projet de réglementation antitabac, lequel est maintenant à l’étude au conseil municipal. Ce projet interdirait les ventes libre-service, la publicité à moins de 500 pieds des écoles, les primes à l’achat de cigarettes, de même que les commandites associées aux marques. Appuyant ce projet, la sénatrice Jean Ankeney a déploré que certains petits commerçants aient faussement l’impression d’en être la cible.

Si vous souhaitez prendre quelques bons repas sans fumée et constater par vous-même le succès de législations antitabac d’envergure, le déplacement au Vermont en vaut la peine. C’est juste à côté!

Denis Côté