Second Cup : « Seul le café fume »

Au 1er mai, la succursale Second Cup située au coin des rues De Maisonneuve et St-Denis, à Montréal, a fêté le premier anniversaire de sa politique sans fumée.

Il s’agissait d’une décision très courageuse de la part de la franchisée, Mme Nathalie Romanesky, puisque, comptés méthodiquement pendant une semaine au printemps 1996, 90% des clients fumaient au moins une cigarette lors de leur arrêt au Second Cup.

Cette statistique étonnante s’explique en partie du fait que cette succursale était devenue en quelque sorte un des fumoirs de l’Université du Québec, située de l’autre côté de la rue et ayant politique antitabac assez complète.

Chez Second Cup, chaîne nord-américaine ayant 520 emplacements dont 275 au Canada, on s’attable pour philosopher et refaire le monde à l’aide d’un café et d’une pâtisserie. Depuis le 1er septembre 1996, tous les nouveaux franchisés doivent respecter la politique sans tabac du groupe. Les anciens sont invités à le faire, mais ce n’est pas obligatoire. Parmi les 20 succursales du Québec, la moitié sont actuellement sans fumée.

C’est une bataille entre un non-fumeur et un fumeur (lequel fumait dans la section non-fumeur) qui a finalement décidé Mme Romanesky à révolutionner son commerce. Avec 90 p 100 de fumeurs, l’air ambiant était assez désagréable pour le personnel, a-t-elle expliqué. Le tabac étant toujours permis sur la terrasse, la clientèle a eu tout l’été 1996 pour s’habituer au règlement intérieur. À l’arrivée de l’automne, les temps froids ont obligé les fumeurs à abandonner soit leur cigarette, soit leur café…

Onze mois plus tard, la franchisée se dit très satisfaite de sa nouvelle politique. « Notre chiffre d’affaires n’a pas baissé, au contraire. Notre clientèle s’est diversifiée. Nous avons moins de jeunes de 15-16 ans, qui sont de gros fumeurs, mais davantage de familles et de gens de 22-23 ans plus fortunés. Des clients se déplacent de loin pour profiter de notre ambiance sans fumée », d’expliquer Mme Romanesky.

Heureuse d’être la seule commerçante du quartier à offrir un tel avantage, elle ne tient pas pour autant à ce que le concept se développe aux alentours : « Même si pour moi et ma famille, je préfère les endroits sans fumée, j’avoue craindre de perdre des clients si mes proches concurrents interdisent le tabac à leur tour. »

Les habitués du Quartier Latin semblent bien apprécier ce Second Cup sans fumée qui, toujours plein, permet un usage maximal du goût et de l’odorat, deux sens très utiles pour la dégustation du café et des pâtisseries. Seulement un fumeur à chaque deux semaines, environ, fait une scène parce qu’on lui interdit de fumer.

Pour ne pas choquer les fumeurs, Second Cup n’a pas installé de sigles internationaux d’interdiction de fumer (la cigarette barrée dans un cercle rouge) mais plutôt ce message discret, en brun et noir : « Bienvenue dans notre environnement sans fumée. » Sur les menus, l’humour est aussi utilisé : « Chez Second Cup, seul le café fume. »

Denis Côté