Santé Canada étend au Québec son programme de contributions

Avec un délai d’une année par rapport au reste du pays, le ministère fédéral de la Santé vient d’étendre au Québec son programme régional de subventions antitabac à l’intention des organismes sans but lucratif.

Six projets sont actuellement en cours, totalisant des contributions de 780 000 $ sur trois ans, dont la moitié va à des groupes combattant les toxicomanies. D’autres récipiendaires seront connus d’ici peu puisqu’un deuxième appel de propositions a eu lieu en novembre dernier.

Entente avec le Québec

Contrairement aux autres provinces, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSSQ) avait refusé de produire une lettre générale de consentement permettant à Santé Canada d’octroyer des subventions antitabac sur son territoire. Devant cet obstacle, les fonctionnaires fédéraux ont finalement concédé à leurs vis-à-vis provinciaux la moitié des places au comité d’évaluation des projets. À cause de ce délai, les organismes québécois furent privés d’environ 400 000 $ d’aide fédérale en 2002-2003. Ne pouvant être reportée à une année ultérieure, cette somme est restée à Ottawa.

Consultation

Avant de lancer ses appels de propositions au Québec, Santé Canada avait commandé à une firme de recherche un portrait de la situation du tabagisme dans la belle province. Des consultations sur les priorités à retenir dans l’évaluation des demandes ont ensuite été effectuées. Toutefois, ces démarches ont eu peu d’incidence sur le programme fédéral, puisque ses conditions générales sont les mêmes que celles déjà en vigueur dans le reste du pays.

Santé Canada a donc reçu du Groupe Recherche Focus, en novembre 2002, un rapport de 72 pages intitulé État de la situation sur le tabagisme au Québec. Les chercheurs avaient notamment interrogé sept dirigeants d’organismes impliqués dans la lutte antitabac québécoise. Mais l’attente principale de ces dirigeants, soit l’obtention de financement de base, ne peut être comblée par le présent programme de contributions fédérale. « Nous recommandons donc, avaient conclu les chercheurs indépendants de Focus, que plus de latitude soit offerte aux organismes qui ont fait leurs preuves. Celle-ci pourrait notamment se traduire par l’octroi de fonds discrétionnaires pouvant être alloués au fonctionnement ou au financement de recherches jugées nécessaires par les organismes. » Le programme fédéral n’est destiné qu’à des projets ponctuels détaillés, et non récurrents.

En revanche, le « Programme de contributions de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme » répond bien à deux requêtes des groupes. Les subventions sont accordées pour plusieurs années, jusqu’en mars 2006 en l’occurrence. Le processus décisionnel du gouvernement étant parfois ardu, cette amélioration va rentabiliser les étapes de lancement des projets et rendre plus intéressants les emplois temporaires créés. Enfin, il est heureux qu’un budget antitabac fédéral soit consacré spécifiquement au Québec, ses organismes et ses besoins étant souvent distincts, non seulement à cause de la langue, mais aussi de notre retard concernant la protection des non-fumeurs.

Priorité à la fumée secondaire

Pour fixer les priorités du programme, Santé Canada a organisé un atelier à Montréal, en novembre 2002. Il regroupait une quinzaine de personnes impliquées dans la lutte antitabac au Québec. Un consensus a été retenu en faveur de projets « au grand rayonnement, traitant de la fumée secondaire, en continuité avec des opportunités, et qui interviennent dans des secteurs sous financés. » Ces normes furent ensuite endossées par le Service de lutte contre le tabagisme du MSSSQ, qui avait pour sa part consulté des répondants tabac régionaux.

La mise en route du programme s’est avérée laborieuse, compte-tenu de la relative minceur du budget en jeu – moins d’un demi million $ par année. En comparaison, la somme des budgets antitabac des gouvernements fédéral (au prorata de la population québécoise) et provincial atteint quelque 60 millions $.

De manière à faciliter le démarrage et le suivi des projets, deux conseillères, Marlène Dallaire et Françoise Lavoie, accompagnent les organismes dans l’élaboration des propositions et la rédaction des différents rapports requis. Elles ont leur bureau à Longueuil, tout comme les inspecteurs de la vente aux mineurs de Santé Canada.

Six projets soumis

Seulement six organismes avaient répondu à l’appel de propositions lancé en décembre 2002, le total des demandes atteignant grosso modo le budget disponible. Les six projets furent acceptés, même si la plupart ne concernent guère le problème de la fumée de tabac ambiante, priorité retenue au Québec.

Sans doute bien aguerries aux démarches de financement, ou simplement plus nombreuses, les associations impliquées en toxicomanie ont obtenu la moitié des subventions confirmées à date. Leur intérêt pour la lutte antitabac est prometteur. Bien que perçu comme porte d’entrée vers les autres drogues, le tabac était souvent considéré comme un moindre mal dans les groupes oeuvrant auprès des toxicomanes.

Voici la liste des six projets en cours (les résumés ont été fournis par Santé Canada):

Organisme : Maison l’Alcôve
Projet : Programme de cessation tabagique
Subvention sur trois ans : 181 465 $
Fondée en 1985, la Maison l’Alcôve de Saint-Hyacinthe vient en aide aux personnes alcooliques, aux toxicomanes et aux joueurs pathologiques qui veulent cesser de consommer et/ou de jouer. L’objectif du projet consiste à offrir à la clientèle hébergée au Centre, très consommatrice de tabac, la possibilité de cesser de fumer.

Organisme : Conseil québécois sur le tabac et la santé
Projet : Commando théâtral à l’air libre
Budget sur 24 mois : 156 000 $ *
Fondé il y a 27 ans, le CQTS est connu notamment pour la coordination de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac et pour les activités de la Gang allumée dans les écoles. Le but du projet est de réduire le nombre de personnes exposées à la fumée secondaire. Les objectifs sont d’accroître les connaissances sur la fumée secondaire chez les jeunes par la présentation d’une intervention théâtrale brève dans divers établissements.

Organisme : Info-tabac
Projet : Doubler la fréquence et le tirage
du bulletin Info-tabac
Subvention sur 28 mois : 148 000 $ *
Fondé en 1994, Info-tabac a pour mission d’encourager et de soutenir la diffusion de renseignements sur la lutte contre le tabagisme, principalement par la publication d’un bulletin appelé Info-tabac. Le but du projet est d’accroître la capacité de l’organisme par le développement et la mise en oeuvre d’une stratégie visant à diversifier ses sources de financement, notamment en sollicitant le secteur non gouvernemental. Le projet permettra aussi d’accroître le tirage du bulletin et d’augmenter sa fréquence.

Organisme : Centre Option-Prévention T.V.D.S.
Projet : PEP – Programme d’éducation par les pairs
Subvention sur trois ans : 109 842 $
Fondé en 1996, le Centre situé dans l’arrondissement Lachine, à Montréal, a pour mission de prévenir les toxicomanies (y compris le tabagisme), la violence, la délinquance et le sida. Le projet vise à développer un réseau d’intervenants bénévoles et à mettre sur pied des comités qui réaliseront des activités de prévention de la fumée secondaire dans des centres de traitement des toxicomanes.

Organisme : Groupe de recherche et d’intervention en promotion de la santé
Projet : Mission TNT.06
Subvention jusqu’en mars 2004 : 90 000 $
Associé à Acti-Menu et incorporé en 2002, le Groupe vise à promouvoir la santé auprès du grand public, notamment par la mise en oeuvre de programmes de prévention et de cessation du tabagisme. Le projet a pour but de prévenir le tabagisme chez les élèves de 6e année par le biais d’un engagement collectif des élèves à demeurer non-fumeurs. L’approche est basée sur les concours-classes, un concept très développé en Europe.

Organisme : Association des intervenants en toxicomanie du Québec
Projet : PAST – Pour un avenir sans tabac
Subvention sur trois ans : 93 700 $
Fondée en 1977, l’Association regroupe des professionnels et des bénévoles oeuvrant dans le domaine de la toxicomanie. Le projet vise à diminuer le nombre de fumeurs et de fumeuses chez les personnes toxicomanes en thérapie ou en suivi postcure, en outillant le personnel des centres de traitement des toxicomanes au soutien à la cessation tabagique.

* À la mi-décembre, les montants des subventions à Info-tabac et au CQTS restaient à confirmer.

Denis Côté