Réduire sa consommation peut aider à cesser de fumer

En réduisant leur consommation de tabac, les fumeurs augmentent-ils leurs chances de cessation? Les docteurs John R. Hughes, de l’University of Vermont, et Matthew J. Carpenter, de la Medical University of South Carolina, ont tenté d’y répondre par une étude publiée dans l’édition de décembre 2006 de la revue Nicotine & Tobacco Research. Bien que la réduction puisse aider les fumeurs qui ne cherchent pas à cesser de fumer, ils concluent que de sérieux doutes demeurent par rapport à l’impact de la promotion de cette méthode chez les fumeurs qui tentent activement d’arrêter.

Pour leurs recherches, les docteurs Hughes et Carpenter ont analysé 19 études de langue anglaise qu’ils ont divisées en trois catégories. La première comparait des fumeurs ayant diminué leur consommation de cigarettes d’au moins 50 % à d’autres l’ayant maintenue. Sur six analyses, quatre ont noté une plus grande proportion d’abstinence parmi ceux qui avaient réduit leur consommation. Les auteurs mettent cependant un bémol à ce constat en supposant que les participants qui ont fumé moins ont pu être motivés par le désir d’arrêter. Par contre, ils suggèrent aussi que sans la diminution, ces derniers auraient pu se considérer incapables d’arrêter.

Dans la deuxième catégorie, tous les participants étaient encouragés à restreindre leur consommation. Ceux-ci étaient divisés en deux groupes : un dans lequel la diminution était accompagnée de thérapies de remplacement de la nicotine (gomme, inhalateur ou traitements multiples) et un groupe témoin. Toutes les études ont démontré un ratio de non-fumeurs égal ou supérieur chez les participants qui ont reçu une thérapie, ainsi qu’une plus grande réduction de la consommation dans ce même groupe.

Enfin, la dernière catégorie portait sur des fumeurs qui ne cherchaient pas à arrêter de fumer. Une partie d’entre eux avait pour directive de réduire leur consommation, et l’autre, de la maintenir. Des conseils de renoncement au tabac étaient dispensés à certains participants du deuxième groupe. Les études analysées concluent non seulement que les personnes ayant consommé moins de cigarettes étaient plus nombreuses à avoir cessé de fumer, mais aussi qu’elles avaient plus de chances de devenir non-fumeuses – en réduisant leur consommation – que celles qui avaient bénéficié de soutien à la cessation.

L’article des docteurs Hughes et Carpenter révèle que les personnes ayant reçu un message de réduction plutôt que d’abandon étaient plus motivées à arrêter de fumer. Il souligne cependant les dangers potentiels liés à la promotion de la diminution de la consommation de cigarettes plutôt que l’arrêt complet. Les auteurs évoquent, en effet, la possibilité que les fumeurs qui cherchent à vaincre complètement leur dépendance voient leur détermination sapée par toute promotion de la diminution, ou qu’un message soit envoyé aux adolescents ou aux ex-fumeurs à l’effet qu’il est sécuritaire de fumer à petites doses.

Objectif ultime : la cessation complète

Le docteur André Gervais, pneumologue et médecin-conseil à la Direction de santé publique de Montréal, indique que les résultats de l’étude semblent encourageants, car la diminution de consommation n’a, dans aucune des études, découragé les fumeurs à cesser complètement. Cependant, il estime que ceux-ci ne devraient pas considérer la diminution comme un objectif acceptable en lui-même.

Loin d’être certain que la diminution de la consommation mène à une réduction des risques liés au tabagisme, le Dr Gervais mentionne que ce n’est pas parce que le nombre de cigarettes consommées est moindre que la quantité de fumée inhalée est proportionnellement inférieure. « Les fumeurs peuvent prendre des bouffées plus profondes, ou plus de bouffées », explique-t-il. À son avis, les études existantes sur ce sujet sont imparfaites et n’incluent aucun paramètre biologique qui pourrait faire la lumière sur les risques réels. Il ne recommande la diminution que dans les cas de personnes qui ne peuvent arrêter complètement, mais sans jamais perdre de vue l’objectif ultime de la cessation complète.

Alexandre Paquin