Recours collectif en Ontario contre les fabricants de cigarettes

La stratégie américaine de poursuites civiles contre l’industrie du tabac a été jusqu’ici peu imitée au Canada, et pas du tout au Québec.

En Colombie Britannique, le gouvernement néo-démocrate a annoncé lors du discours du trône du 24 mars qu’il tentera de se faire rembourser les coûts de santé associés au tabagisme. Mais la ministre de la santé de cette province a refusé de dévoiler le moindre détail sur la stratégie que son gouvernement entend adopter à cet égard.

En Ontario, le cabinet torontois Sommers & Roth a intenté un recours collectif contre les trois principaux fabricants en janvier 1995 au nom de quatre plaignants représentatifs et de l’ensemble des fumeurs ontariens.

Deux des plaignants souffrent de problèmes respiratoires aigus, dont l’emphysème; un autre a été opéré pour un cancer de la langue en 1988. Tous les quatre ont commencé à fumer avant l’âge adulte, et tous ont essayé à plusieurs reprises de cesser de fumer, toujours sans succès.

Dans la demande introductive des plaignants, les avocats reprennent les principales accusations mises de l’avant dans divers procès américains : les fabricants auraient comploté pour tromper leurs clients au sujet des effets de santé de la cigarette et auraient fait preuve de négligence dans la représentation qu’ils ont faite de leur produit.

« Les défendeurs ont caché à la population leurs propres recherches concernant le caractère addictif et les effets de la nicotine et ont mal renseigné la population au sujet de ces recherches… (Ils) ont nié la justesse des recherches scientifiques et médicales menées par les agences gouvernementales et privées qui établissent le caractère addictif de la nicotine et le lien entre ce dernier et le comportement tabagique. »

Après plus d’un an de travail, les avocats de la poursuite en sont encore à convaincre la cour que la cause devrait faire l’objet d’un recours collectif plutôt que de recours individuels pour chaque victime, une étape qui sera vraisemblablement franchie avant la fin de 1997.

Les fabricants n’ont pas encore répliqué formellement aux accusations lancées contre eux. Néanmoins, la société Imperial Tobacco semble prendre l’affaire très au sérieux. Elle poursuit à son tour sa compagnie d’assurance pour plus de 1,3 millions $, ce qui représenterait les coûts encourus relatifs à cette cause au cours des neuf premiers mois des procédures.

« Cela montre à quel point les compagnies de tabac ont des ressources à mettre là-dessus », constate Andreas Seibert, l’un des principaux avocats des victimes.

Me Seibert suit avec grande attention les développements aux États-Unis. « Les sociétés canadiennes appartiennent, ou sont contrôlées ou liées avec les défendeurs américains Philip Morris, British American Tobacco et RJ Reynolds, fait-il remarquer. La question sera donc de savoir si les défendeurs dans notre cause à nous étaient au courant des faits allégués contre les défendeurs américains. »

Par exemple, on accuse les conglomérats américains d’avoir passé sous silence leurs propres recherches sur les effets cancérogènes de la cigarette; Me Seibert aura à prouver que les cigarettiers canadiens étaient ou bien au courant de ces recherches internes des maisons-mères américaines, ou bien qu’ils ont fait faire des recherches similaires au Canada.

Francis Thompson