Québec et Ottawa accusés de ne pas intervenir en territoire autochtone

Un petit fabricant de cigarettes de Berthierville (Lanaudière) poursuit les gouvernements fédéral et provincial pour un peu plus de 4,5 millions $ en pertes de revenus qu’il attribue à la contrebande autochtone. Les Entreprises Steve Lépine reprochent à Québec et Ottawa de ne pas intervenir en territoire amérindien pour y faire respecter les lois.

Également connue sous le nom de Tabac Lépine, la compagnie fondée en 1999 fabrique des cigarettes « bon marché » qu’elle vend à un prix inférieur à celui des « premium ». L’entreprise, qui a déjà fait parler d’elle pour ses produits « sans additif », manufacture les marques Lépine, Match 1 et Match 2.

Tabac Lépine affirme que ses ventes, qui s’élevaient à 3,2 millions $ en 2002, ont baissé à 915 024 $ en 2003. Leur diminution se serait poursuivie en 2004 et 2005 alors qu’elles ne rapportaient plus que 402 426 $ et 362 590 $. Selon la compagnie, cette chute –qui a « sérieusement affecté la rentabilité de l’entreprise » –aurait été causée par une importante reprise de la contrebande sur les réserves amérindiennes et découlerait directement de l’inaction des gouvernements.

« Cette inertie constitue une véritable politique discriminatoire de la part des gouvernements fédéral et provincial envers des entreprises qui respectent la loi et qui font l’objet de vérifications régulières », déplore-t-elle dans sa requête.

Si elle admet que les forces policières ont réalisé plusieurs saisies de cigarettes, notamment dans des dépanneurs, la compagnie soutient qu’aucun inspecteur ne s’est rendu dans les réserves autochtones depuis plusieurs années. Les Entreprises Steve Lépine prétendent également que le nombre de manufacturiers de cigarettes n’a cessé d’y croître, si bien qu’on dénombrerait plus de 175 points de vente seulement sur le territoire de Kahnawake. Ceux-ci auraient d’ailleurs déjà vendu leurs cartouches de cigarettes pour aussi peu que 12 ou 15 $, sans percevoir la moindre redevance, alors que la taxe fédérale est de 15,75 $ et que celle du Québec s’élève à 20,60 $.

De leur côté, les procureurs généraux du Québec et du Canada ont déposé des requêtes en irrecevabilité. Ils estiment que la poursuite est mal fondée puisqu’il n’existe aucun lien de droit entre eux et la compagnie. Ils soutiennent également qu’elle cache une demande de mandamus (ordonnance de la Cour) qui vise à les forcer à intervenir sur les réserves.

Le Procureur général du Québec précise que l’entreprise ne peut pas attribuer aux autorités gouvernementales et policières une responsabilité pour les pertes de profits qu’elle allègue avoir subies, puisqu’elles n’ont commis aucune faute.

Pour sa part, le Procureur général du Canada indique que même s’il a le devoir de faire respecter les lois, le ministère du Revenu peut exercer son pouvoir discrétionnaire, s’il considère que c’est ce qu’il y a de mieux à faire pour l’intérêt de l’ensemble des Canadiens. Il juge, en outre, que les Entreprises Steve Lépine n’ont pas à lui dicter, par l’entremise des tribunaux, les moyens qu’il doit utiliser pour faire respecter les lois.

Suite des procédures

D’ici quelques semaines, des audiences visant à déterminer la recevabilité de la requête de Tabac Lépine auront lieu. Si le juge donne raison à la compagnie, un procès s’en suivra, sinon, la victoire des gouvernements dans ce dossier signifiera la fin des procédures.

Josée Hamelin