Pour la plupart des fumeurs, la cessation est une démarche individuelle

Dans sa vaste enquête de 1994 sur le tabagisme, Santé Canada s’était penché sur la volonté de cesser de fumer. On a demandé à 12 800 répondants de préciser leur intention à ce sujet.

Parmi les fumeurs actuels (30 p. 100 des répondants), 54 p. 100 ne songeaient même pas à cesser de fumer, 34 p. 100 y songeaient mais pas dans un proche avenir, alors que 12 p. 100 songeaient à le faire au cours des 30 prochains jours.

Santé Canada a découvert une différence marquée dans la volonté des fumeurs selon le niveau de taxation des provinces. Au Québec et en Ontario où le prix des paquets de 25 cigarettes avaient chuté à environ à 3,20 $, 42 p. 100 des fumeurs songeaient ou se préparaient à cesser de fumer. Dans les quatre provinces de l’Ouest, où les paquets étaient demeurés à environ 6 $, 54 p. 100 des fumeurs voulaient rompre avec leur habitude.

Cet écart confirme ce que beaucoup de spécialistes disent depuis longtemps : c’est en modifiant l’environnement social – taxation, interdictions de fumer dans les lieux publics, publicité, etc. – qu’on favorise le plus la cessation.

Au Québec, 43 p. 100 des fumeurs songeaient à écraser, ce qui fait environ 900 000 personnes. De quoi remplir 85 fois le Stade Du Maurier. Il y a donc une bonne clientèle en perspective.

Comment expliquer que les services de cessation, déjà peu nombreux, attirent si peu de fumeurs repentants? Selon Louise Labrie, spécialiste en intervention tabagique à la DSP de Montréal-Centre, cesser de fumer est un geste intime. « La plupart des fumeurs ont déjà essayé de cesser de fumer. Ils savent que c’est difficile et n’ont pas envie de s’exposer à un autre échec devant un groupe. Ils préfèrent essayer seuls. D’ailleurs, environ 90 p. 100 des anciens fumeurs ont réussi à se débarrasser de leur habitude par leur simple volonté. »

Le rôle des professionnels de la santé semble surtout être de donner un coup de pouce en rappelant systématiquement les effets nocifs de la cigarette aux fumeurs qui viennent les consulter pour quelque raison que ce soit. Ce genre d’intervention peut amener de 5 à 10 p. 100 des fumeurs à cesser, ce qui est déjà énorme.

Jocelyn Cormier, directeur de la prévention à l’Association pulmonaire du Québec, confirme que le sevrage reste tout de même une démarche surtout personnelle. « À l’APQ, nous proposons d’abord la cessation individuelle. Nous offrons des conseils et des encouragements sous forme de brochures et de certificats. Si la personne demande un suivi plus personnalisé, nous la référons alors à des services de cessation reconnus, comme le YMCA ou le Centre Vivre mieux sans fumer. »

L’APQ dispose d’un choix impressionnant de brochures, de certificats, d’affiches, de macarons, d’autocollants, de guides et de vidéos antitabac. Son nouveau catalogue illustré comprend 67 articles dont plusieurs favorisent la cessation individuelle.

Sur simple appel téléphonique, le fumeur reçoit un diplôme progressif d’ex-fumeur, avec un test sur sa dépendance et des trucs simples pour l’aider. S’il réussit sa démarche, il a droit à un autre diplôme au bout d’un an! S’il veut investir 2,50 $, il a droit au très joli guide Montez à bord; si son budget est limité à 0,75 $, on lui enverra alors le dépliant Cessez de fumer et restez mince. On peut demander le catalogue de l’APQ au (514) 596-0805 ou au 1-800-295-8111.

Emprise sur le tabac

La DSP de Montréal-Centre a collaboré l’année dernière à la conception du guide Emprise sur le tabac, publié en 20 000 copies par le Groupe Acti-menu. Bien illustré et facile d’accès, ce bulletin de 16 pages est complété par une grille d’échéanciers répartis sur huit semaines.

D’abord distribué dans le cadre des émissions de télévision Change donc d’air et Écoute-moi, Emprise sur le tabac a été envoyé aux membres de l’Association des médecins de langue française du Canada. On peut se le procurer au coût de 2,80 $ (100 pour 240 $) au (514) 844-9747. Associée à ce projet, Mme Labrie souligne que, parmi les gens ayant utilisé ce guide, nombreux sont ceux qui auraient apprécié avoir en plus un accès à une ligne téléphonique d’appui. « Les fumeurs sont laissés à eux-mêmes. Ils devraient avoir davantage de support dans le milieu de la santé », a-t-elle déploré.

Denis Côté