Pas si élémentaire, la prévention au primaire

« Pour réduire le tabagisme, il suffirait d’informer les enfants des écoles primaires des méfaits de la cigarette, avant qu’ils ne commencent à fumer. Ainsi, en quelques décennies, de futures générations de non-fumeurs mettraient les compagnies de tabac en faillite. »

Ce genre de raisonnement souvent entendu, fort simple, a toutefois un défaut majeur : il ne correspond pas à la réalité. C’est ce qu’ont constaté des chercheurs de la Direction de la Santé publique de Montréal-Centre, après avoir suivi des groupes témoins d’enfants de la 4e, la 5e et la 6e année, certains ayant été sensibilisés en classe aux ravages du tabac, et les autres n’ayant pas reçu ces informations. Or, au bout d’un an, les garçons renseignés étaient trois fois plus nombreux à fumer que leurs camarades n’ayant pas suivi les cours antitabac. Chez les filles, le paradoxe s’est avéré encore plus étonnant : les informées étaient cinq fois plus nombreuses à se laisser tenter par la cigarette!

Devant ces résultats pour le moins navrants, les responsables du programme Coeur en santé – Saint-Louis-du-Parc ont décidé de retirer le volet tabac de l’horaire, pour se concentrer sur l’alimentation et l’activité physique, deux volets ayant amélioré les habitudes de vie chez les enfants.

La DSP de Montréal-Centre a aussi organisé un colloque sur la question, les 17 et 18 avril, réunissant des spécialistes de la prévention du tabagisme auprès des enfants, afin de déterminer quelles seraient les options les plus favorables.

Des experts venus d’Ontario, de Californie, du Vermont et de Floride, ont partagé leur savoir-faire avec une centaine de délégués provenant du monde scolaire et de la santé publique du Québec. Les responsables du programme montréalais aux résultats inusités, Lise Renaud et Véronique Déry, ont été réconfortées par les propos de leurs collègues.

Des différences environnementales ayant été remarquées entre les groupes de comparaison, les experts n’ont pu conclure avec certitude que les cours de sensibilisation au méfaits du tabac avaient poussé les enfants à fumer.

Toutefois, ils considèrent que le tabagisme juvénile ne peut être prévenu et diminué qu’au moyen d’un contexte global favorable et cohérent, soit une hausse du prix des cigarettes, l’interdiction stricte de la vente aux mineurs, de même que le bon exemple des professeurs, des parents et des aînés. L’intervention dans les écoles n’est qu’un outil complémentaire, pouvant prendre aussi la forme de programmes d’abandon pour les enfants déjà accrochés, les professeurs et les parents, ont-ils convenu.

Pour obtenir une copie du rapport du colloque, ou pour plus de renseignements, on peut communiquer avec Lise Renaud, au (514) 528-2400, poste 3447.

Denis Côté