Ottawa et sept provinces poursuivent JTI-Macdonald

Alors que le gouvernement du Canada a intenté une poursuite de 1,5 milliard $ contre JTI-Macdonald (JTI) en 2003 et que Revenu Québec lui réclame 1,36 milliard $ depuis août 2004, six provinces ont elles aussi décidé d’entreprendre une action juridique contre le troisième cigarettier au pays. Ce dernier est accusé d’avoir alimenté la contrebande du début des années 1990 afin de se soustraire à ses obligations fiscales.

En vertu d’une ordonnance de la Cour supérieure de l’Ontario, les provinces avaient jusqu’au 27 juin pour manifester leur intention de poursuivre JTI-Macdonald. Afin de les encourager à le faire, la Coalition contre l’évasion fiscale liée au tabac a envoyé une lettre aux premiers ministres de chaque province au début de juin. Ce regroupement de professionnels de la santé et d’organismes antitabac a fait valoir que la contrebande, que JTI est accusée d’avoir alimentée, entraînera le décès de milliers de Canadiens. Selon une évaluation de Santé Canada, l’augmentation du tabagisme juvénile, enregistrée au cours des cinq années qui ont suivi la baisse des taxes sur le tabac, causera la mort de quelque 45 000 fumeurs ou anciens fumeurs.

10 milliards $ en réclamations

À l’exception de la Saskatchewan, de l’Alberta et de Terre-Neuve, toutes les provinces considèrent avoir été lésées par le fabricant de cigarettes. Alors que Revenu Québec exige toujours 1,36 milliard $, le gouvernement fédéral a haussé le montant de sa réclamation à 4,5 milliards $. L’Île-du-Prince-Édouard demande 75 millions $  le Nouveau-Brunswick, 1,45 milliard $; la Nouvelle-Écosse, 326 millions $; la Colombie-Britannique, 450 millions $; le Manitoba, 23 millions $ et l’Ontario, 1,5 milliard $.

En tout, le manufacturier pourrait devoir verser près de 10 milliards $, sans compter les dommages susceptibles d’être consentis aux victimes des deux recours collectifs québécois, advenant un verdict de culpabilité. Notons que la compagnie fait également l’objet d’accusations criminelles engagées par la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) en février 2003. Dans ce dossier, un procès débutera possiblement cet automne.

Rappel des accusations

Selon la requête déposée par Revenu Québec en août 2004, JTI-Macdonald aurait modifié sa structure corporative afin d’échapper aux conséquences de la contrebande. Elle aurait ainsi transféré plus de 2 milliards $ dans certaines de ses filiales, en plus de fournir d’importants dividendes à sa corporation-mère. Propriété de la multinationale Japan Tobacco, JTI-Macdonald (anciennement RJR-Macdonald) appartenait alors à RJ Reynolds.

À la fin du mois d’août 2004, lorsque le fisc québécois a commencé à se rembourser auprès des grossistes, JTI-Macdonald a reçu la protection de la Cour, en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Reconduite à quelques reprises, cette protection lui est garantie jusqu’à la fin novembre 2005.

« Ce qui est très particulier dans ce cas-ci, c’est que JTI-Macdonald puisse poursuivre ses opérations et continuer à faire des profits alors qu’habituellement, les entreprises qui se placent sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies perdent des sommes considérables de semaine en semaine », indique l’avocat Rob Cunningham, analyste des politiques à la Société canadienne du cancer.

Niant toute implication dans la contrebande, le directeur des affaires corporatives de JTI-Macdonald, John Wildgust, a indiqué au Globe and Mail que la compagnie n’a rien à se reprocher et que c’est assurément à cette conclusion qu’en arriveront les tribunaux.

Règlement à l’amiable

Selon Rob Cunningham, il est trop tôt pour se prononcer sur les possibilités d’un règlement à l’amiable. « Aux États-Unis, ce n’est qu’une fois les procès sur le mérite enclenchés, que les gouvernements en sont arrivés à une entente avec les cigarettiers », précise-t-il, en citant l’exemple du Master Settlement Agreement qui a permis à 46 États américains d’obtenir 206 milliards $ sur 25 ans.

Josée Hamelin