New York célèbre son premier anniversaire de ville sans fumée

Le 29 mars, des dirigeants de New York ont célébré le premier anniversaire de leur règlement municipal antitabac, en compagnie de représentants d’organismes de santé, de barmans, de serveurs et de tenanciers. Réunis au Blind Tiger Ale House, ils se sont réjouis que les bars et les restaurants soient totalement exempts de fumée de tabac, sans que cela n’ait causé de préjudices à leurs affaires.

Quatre services municipaux, rattachés à la santé, aux finances, à la petite entreprise et au développement économique, ont dévoilé ensemble un rapport louangeur sur l’impact du règlement. « Un an plus tard, les données sont claires. Le secteur des bars et des restaurants est florissant à New York, tandis que ses travailleurs respirent un air plus sain, plus propre », résument-ils. Le rapport révèle notamment que les revenus de taxation du secteur visé ont monté de 8,7 % et que 97 % des restaurants et des bars respectent le règlement. De surcroît, les niveaux de cotinine (métabolite de la nicotine qui indique le degré d’exposition à la fumée de tabac) ont chuté de 85 % chez les employés non-fumeurs des établissements, alors que 150 000 travailleurs additionnels profitent de lieux sans fumée.

Le propriétaire du club hôte de la célébration, David Brodrick, a lui aussi témoigné de son appui à la mesure sanitaire : « La nouvelle loi n’a rien changé à notre succès. Les mêmes clients, et beaucoup de nouveaux, viennent à notre bar. Aussi, je tousse moins qu’avant, et lorsque j’arrive à la maison, mes cheveux et mes vêtements ne sentent plus la fumée. »

Depuis un an, le département municipal de la santé a inspecté plus de 20 000 bars et restaurants. La presque totalité d’entre eux, soit 97 %, respectait le règlement, incluant l’affichage de l’interdiction, le retrait des cendriers et l’absence de fumeurs en infraction. Quant à l’appui du public pour la mesure new-yorkaise, il était évalué à 69 % en juin 2003 selon un sondage Zogby, et à 62 % en octobre 2003 selon un sondage Quinnipiac.

« Cet anniversaire devrait enchanter tous les New-yorkais, a déclaré Hector Batista, de la Société américaine du cancer. Au cours de la dernière année, nous n’avons pas seulement dégusté de meilleurs repas et passé de bons moments, mais nous avons aussi sauvé des vies, et c’est surtout ça que nous devons célébrer. L’exposition à la fumée des autres tue des dizaines de milliers d’Américains chaque année. Grâce à ce règlement, les New-yorkais ne s’ajoutent plus à ces statistiques. »

Depuis juillet 2003, l’ensemble de l’État de New York a emboîté le pas à la métropole. La loi de l’État a même supprimé les quelques assouplissements que le maire de New York, Michael Bloomberg, avait dû concéder en faveur des bars à cigares et des petits bars sans employés, opérés par un seul propriétaire.

Au cours des dernières semaines, deux États de la Nouvelle-Angleterre ont quasiment finalisé les étapes pour adopter des lois similaires. Au Rhode Island, les élus des deux principaux partis, issus des deux entités législatives (la chambre et le sénat), ont convenu d’interdire de fumer dans les restaurants et les bars à compter de mars 2005. Après des mois de délais, le Massachusetts devrait mettre en vigueur une loi antitabac complète dès cet été.

Plus près de nous, rappelons que le Maine bannit le tabac des bars depuis janvier, tandis que le Connecticut a franchi cette étape en avril. Au Vermont, les bars de la métropole Burlington sont eux aussi sans fumée depuis le 1er mai, et les restaurants de tout l’État proscrivent l’usage du tabac depuis juillet 1995.

Risques cardiaques diminués

Les partisans des lieux sans fumée viennent d’obtenir un bon coup de main aux États-Unis. Le réputé CDC (Centers for Disease Control), connu à travers le monde pour ses recherches et interventions en prévention des épidémies, a émis, le 22 avril, un avis selon lequel les personnes propices aux troubles cardiaques devraient éviter les endroits enfumés. En effet, le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies estime qu’une exposition de 30 minutes peut avoir un impact sérieux, et même mortel, sur ces personnes.

« Nous avions déjà indiqué que la fumée de tabac ambiante augmentait les risques d’attaques cardiaques chez les non-fumeurs, a déclaré Terry Pechacek, directeur scientifique associé au département du CDC qui se consacre au tabac. Mais ceci est notre première recommandation aux médecins, à l’effet qu’ils avisent leurs patients, aux prises avec des troubles du cœur, des dangers des lieux intérieurs où il est permis de fumer. »

L’intervention du CDC coïncide avec la publication, dans le British Medical Journal, d’une recommandation similaire à l’intention des médecins. Le journal anglais présentait les résultats d’une étude réalisée à Helena, au Montana, où le nombre d’attaques cardiaques avait sensiblement chuté après l’instauration, en 2002, d’une interdiction totale de fumer dans les lieux publics.

Le CDC estime que la fumée des autres est responsable de 35 000 décès par maladies cardiaques aux États-Unis chaque année. Le Dr Pechacek a déclaré au Washington Post que cette évaluation allait probablement être révisée à la hausse.

À la mi-mars, le maire de New York, Michael Bloomberg, s’est prêté à une entrevue de la journaliste Stephanie Gaskell, attachée à l’Hôtel de ville pour le New York Post, concernant l’avant-gardiste règlement antitabac.

En voici des extraits :

Q : Comment se porte New York, une année après l’adoption du règlement municipal en faveur des lieux sans fumée?

R : À part un air plus propre, des serveurs et des barmans plus en santé, un secteur de l’hospitalité (NDLR : terme désignant l’hôtellerie, la restauration et les bars) qui prend de l’expansion, New York demeure la même ville financière et culturelle très active.

Q : Est-ce que le règlement fonctionne bien?

R : Absolument. La protection des employés s’est accrue. Les bars et les restaurants sont maintenant sans fumée. Le respect fut observé automatiquement. Nous avons des inspecteurs qui mènent des vérifications au hasard et répondent aux plaintes, mais la population respecte le règlement.

Q : Les gens ne rouspètent-ils pas?

R : Les adversaires du règlement pensaient que le ciel allait leur tomber sur la tête, mais les fumeurs s’y plient. Aussi, les sondages indiquent qu’une vaste majorité de la population l’appuie et mange plus souvent au restaurant qu’avant, grâce à l’interdiction. Des personnes semblent ennuyées, je comprends cela. Mais nous avons dû accorder priorité à des considérations sanitaires et aux droits des non-fumeurs, qui sont nettement majoritaires.

Q : Les gens sont-ils en meilleure santé?

R : C’est évident. Les employés de restaurant ne sont plus exposés à la fumée cancérigène de cigarette et les New-yorkais profitent d’un air plus sain lorsqu’ils vont boire et manger dans les endroits publics.

Q : Comment réagissez-vous face aux attroupements de fumeurs sur les trottoirs?

R : Il y a eu une période d’ajustement au début, mais cela semble aller beaucoup mieux aujourd’hui. Remarquez qu’il y a toujours des plaintes contre des clients aux portes des bars, pour du bruit ou autres choses, alors il n’y a rien de nouveau. Ceci étant dit, seulement une plainte à propos du bruit sur 500 concerne les bars.

Q : Les restaurants et les bars vont-ils bien?

R : L’emploi dans les bars et les restaurants s’est accru de 8 %. Ainsi, le domaine de l’hospitalité a pris une expansion notable depuis l’an dernier. Cela ne signifie pas que tous les bars vont bien, mais dans l’ensemble le domaine se porte bien et poursuivra dans cette voie. En passant, vous seriez surprise du nombre de propriétaires de bars et de restaurants qui m’ont dit que leur entreprise était plus florissante.

Q : Que répondez-vous à ceux qui disent que la ville est devenue ennuyante, comme une banlieue?

R : New York est le centre du monde, et les gens y viennent de partout. D’autres États, villes et juridictions ont adopté des lois similaires. Cela s’avère la voie de l’avenir. Alors, je ne m’inquiète pas des retombées négatives, ni financières, ni touristiques. Notre vie nocturne, qui a toujours été réputée, prend de l’ampleur. Il semble qu’un nouveau bar ou club ouvre à chaque semaine, s’il faut en croire le New York Post.

Denis Côté