Montréal sans tabac

La Direction de santé publique de Montréal poursuit sa lutte contre le tabagisme avec un rapport qui engage et mobilise plus de 80 partenaires.

Pour certains, le tabac est une chose du passé. Or, c’est une fausse impression : à Montréal, 20 % des citoyens de plus de 15 ans fument encore la cigarette. À Vancouver, c’est « seulement » 12 %. À Montréal, le tabac cause encore un décès sur six. Il est aussi responsable de bien des maladies : à elles seules, les maladies pulmonaires obstructives chroniques chez les Montréalais de 35 ans et plus ont entraîné plus de 27 000 visites aux urgences et 12 000 hospitalisations en 2010!

En décembre, la Direction de santé publique (DSP) de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (ASSSM) a détaillé comment elle s’attaquerait à ce fléau dans Montréal sans tabac : pour une génération de non-fumeurs. Ce rapport du directeur de santé publique de Montréal est le premier qui porte exclusivement sur le tabac. Sans compter qu’il confirme dans cette lutte l’engagement ferme d’à peu près tous les acteurs montréalais impliqués de près ou de loin dans les actions contre le tabac.

Nombre et proportion (%) de fumeurs actuels de 15 ans et plus par territoire de CSSS, île de Montréal
Carte Montréal
Les 311 000 fumeurs qui habitent à Montréal sont répartis inégalement sur l’île. Proportionnellement, ils sont plus nombreux dans certains territoires défavorisés, comme Jeanne-Mance, que dans les territoires mieux nantis comme l’Ouest-de-l’île. Alors que Montréal compte environ 20 % de fumeurs, Jeanne-mance en héberge 25 % et l’Ouest-de-l’île, 13 %. L’un des objectifs de Montréal sans tabac est de réduire ces inégalités grâce, entre autres, à des actions plus intensives auprès des personnes vulnérables.

Ce rapport, qui fait suite au Plan de lutte contre le tabagisme 2012-2015  de la DSP de Montréal, positionne le tabagisme comme un facteur d’aggravation des inégalités sociales de santé. Il divise aussi les actions à prendre en quatre grandes catégories : prévention du tabagisme chez les jeunes, protection de la population contre la fumée secondaire, soutien à la cessation tabagique et encadrement de la cigarette électronique (pour la cigarette électronique, voir l’article en page 11). Pour chacune de ces catégories, la DSP de Montréal présente des données et des constats pour définir le problème, puis certaines initiatives méritant d’être mieux connues. Enfin, la DSP a obtenu de la part d’environ 80 partenaires – incluant la Ville de Montréal, toutes les commissions scolaires, tous les hôpitaux et tous les centres jeunesse – un engagement à mener 41 actions. L’objectif : mobiliser tout ce beau monde afin que Montréal devienne l’une des villes les plus dynamiques dans la lutte contre le tabac au Canada. « Le plan d’action et des objectifs de la DSP de Montréal sont très clairs, et cela mérite d’être souligné et d’être repris par d’autres directions de santé publique », commente Mario Bujold, directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé.

Prévenir le tabagisme chez les jeunes

À Montréal, 8 % des élèves du secondaire fument la cigarette, selon une étude de 2014 de la DSP de Montréal – sans compter tous les adolescents qui optent pour le cigarillo ou la chicha. Ce chiffre grimpe même à 18 % parmi les élèves qui ont un risque élevé de décrochage scolaire. Heureusement, des organismes innovent pour contrer cette épidémie. Par exemple, une vingtaine d’entre eux participent à l’Opération Fais-toi entendre! : un projet qui amène des jeunes de 14 à 17 ans à modifier leur environnement afin qu’il favorise les saines habitudes de vie . D’autres bûchent sur le projet communautaire Zéro nico pour mon Ado, qui vise à prévenir le tabagisme. Pour amener encore plus d’adolescents à écraser – ou à ne jamais allumer – la DSP et ses partenaires s’engagent notamment à recommander au gouvernement du Québec de mettre rapidement à jour la Loi sur le tabac pour :

  • interdire les produits du tabac aromatisés, incluant ceux au menthol, pour tous les produits du tabac, dont la cigarette électronique;
  • imposer un emballage neutre pour tous les produits du tabac vendus au Québec;
  • interdire tous les salons de chicha, même ceux possédant actuellement un permis;
  • imposer un moratoire sur la vente de nouveaux produits du tabac.

La DSP et ses partenaires s’engagent aussi à recommander :

  • l’augmentation de la taxe de façon à égaler la moyenne canadienne;
  • la mise en place d’un système de surveillance et de gestion des points de vente;
  • l’intensification de la lutte contre le tabagisme auprès des jeunes âgés de 11 à 24 ans.
En finir avec la fumée des autres

La protection contre la fumée secondaire est le deuxième grand dossier dans lequel s’engage Montréal sans tabac. Les effluves du tabac contiennent plus de 7000 produits chimiques, dont 70 sont carcinogènes. « Avec l’adoption récente de la loi ontarienne, Montréal deviendra la seule grande ville canadienne à ne pas offrir d’environnement sans fumée sur toutes les terrasses et tous les patios », note ce rapport. En attendant une révision de la Loi sur le tabac québécoise, plusieurs organismes limitent l’exposition des Montréalais à la fumée secondaire. Par exemple, plusieurs centres hospitaliers, le Centre jeunesse de Montréal –Institut universitaire et tous les établissements de détention du Québec sont désormais des établissements sans fumée, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Pour poursuivre sur cette lancée, la DSP de Montréal et ses partenaires s’engagent notamment à agir pour interdire l’usage du tabac :

  • dans les automobiles en présence d’enfants de moins de 16 ans;
  • à l’intérieur et dans le périmètre des établissements de santé et de services sociaux;
  • sur les terrasses et les patios des bars et des restaurants.
Aider les fumeurs à se libérer du tabac

Richard Massé
« La prochaine étape, c’est la révision de Loi sur le tabac. C’est essentiel pour réduire les taux de tabagisme […] » – Dr Richard Massé, Directeur de santé publique de l’ASSSM
Montréal sans tabac, enfin, s’engage à aider les fumeurs à se libérer du tabac. De fait, le quart d’entre eux seraient prêts à essayer d’arrêter dans les 30 prochains jours. Cependant, moins de 10 % des fumeurs montréalais ont effectivement cessé de fumer au cours des 12 derniers mois. Ce taux chute même à 5,4 % dans les quartiers les plus défavorisés.

Pour augmenter ces pourcentages, la DSP et ses partenaires s’engagent notamment à :

  • réviser les services d’aide à la cessation tabagique et leur financement selon, entre autres, la prévalence tabagique et les inégalités sociales de santé;
  • offrir systématiquement des services de cessation tabagique dans les établissements de santé et de services sociaux;
  • encourager plus de pharmaciens à amorcer une thérapie de remplacement de la nicotine (TRN) avec leurs clients fumeurs.

À l’heure actuelle, chacun des partenaires a commencé à mettre ses engagements en branle. « La prochaine étape, c’est la révision de la Loi sur le tabac, dit le Dr Richard Massé, directeur de santé publique de l’ASSSM. C’est essentiel pour réduire les taux de tabagisme. L’autre grand dossier, c’est l’évaluation et l’encadrement de la cigarette électronique. » À suivre!

Anick Labelle