L’usage du tabac diminue

Le nombre de fumeurs a chuté de plus d’un million depuis 1994 et les jeunes font de moins en moins l’expérience du tabac. C’est ce que concluent l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) et l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes, deux études de Statistique Canada rendues publiques à la mi-juin. Elles indiquent que le tabagisme a régressé de manière significative au cours des dernières années.

Bien qu’il se réjouisse de ces nouvelles données, le directeur du bureau québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), François Damphousse, est prudent. « Le tabagisme a diminué au cours des dernières années, mais ça ne veut pas dire que la lutte est pour autant terminée et que l’on peut crier victoire, affirme-t-il. Il faut que les gouvernements continuent d’avoir recours à des méthodes démontrées efficaces pour dissuader les gens de fumer, comme par exemple la dénormalisation et l’augmentation des taxes sur le tabac. »

Enquête sur les collectivités canadiennes

Portant sur 135 000 Canadiens de 12 ans et plus, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes est une étude biennale qui a été réalisée pour la première fois en 1994. Les résultats actuels découlent de données recueillies entre janvier et décembre 2003.

Selon le Dr Bernard Heneman, médecin-conseil à la Direction de santé publique de Montréal, l’ESCC est l’une des plus fiables études canadiennes sur le tabac, en raison de sa rigueur méthodologique et de son large échantillonnage.

Résultats canadiens et québécois

À l’échelle canadienne, le taux de tabagisme a reculé de 6,4 points de pourcentage, passant de 29,3 % en 1994 à 22,9 % en 2003. Cette baisse est principalement attribuable aux fumeurs quotidiens, le nombre de fumeurs occasionnels étant demeuré inchangé. « Certaines des réductions les plus importantes, en ce qui concerne l’usage quotidien du tabac, ont été constatées chez les adolescents et chez les jeunes adultes, soit les cibles des nombreuses campagnes antitabac fédérales, provinciales et municipales des dernières années », pouvait-on lire le 15 juin dans Le Quotidien, bulletin officiel de Statistique Canada.

Même si plusieurs d’entre eux cessent de fumer, les jeunes adultes représentent toujours le noyau dur des consommateurs de tabac. Le tiers des Canadiens de 20 à 24 ans fumaient quotidiennement ou occasionnellement en 2003, ce qui est comparable à la situation de 1994. Ce groupe d’âge constitue la tranche de la population comptant le plus grand nombre de fumeurs dans ses rangs.

Les trois provinces affichant les plus bas taux de fumeurs quotidiens sont la Colombie-Britannique (14 %), l’Ontario (16,7 %) et l’Alberta (17,5 %). Après avoir longtemps détenu le titre de la région canadienne la plus fumeuse, le Québec est maintenant dépassé par le Nouveau-Brunswick. Le podium des provinces où l’usage du tabac est le plus répandu est donc occupé par le Nouveau-Brunswick (21,6 %), le Québec (20,7 %) et l’Île-du-Prince-Édouard (20,3 %).

Au cours de la dernière décennie, la Nouvelle-Écosse, qui a intensifié ses mesures antitabac, s’est démarquée avec un déclin de 7,6 points (pour atteindre 19,7 % en 2004) de son taux de fumeurs quotidiens. Toutefois, le taux québécois est celui qui a connu la plus spectaculaire diminution en chutant de 8,4 points de pourcentage. Bien que le statut tabagique du Québec se soit considérablement amélioré, la situation est un peu moins reluisante du côté des jeunes.

Enquête sur le tabagisme chez les jeunes

Conduite pour la première fois en 1994, l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes a été répétée à l’automne 2002. Quelque 19 000 jeunes, âgés pour la plupart de 10 à 14 ans, ont répondu à un questionnaire écrit, administré par un interviewer de Statistique Canada. En plus de recueillir des données sur l’usage du tabac, une partie de la recherche sur les élèves plus âgés portait également sur la consommation d’alcool et de drogues.

Résultats

Seulement 25 % des adolescents 10 à 14 ans ont déclaré avoir déjà expérimenté le tabac en 2002, au lieu de 42 % en 1994. De plus, pour la même période (1994-2002), le taux de tabagisme quotidien des jeunes interrogés a baissé de moitié, passant de 7 % à 3 %. Comme c’était le cas en 1994, le Québec compte encore le plus grand nombre d’adeptes de la cigarette. Bien que l’usage du tabac ait diminué dans la belle province, plus de la moitié de tous les jeunes fumeurs (10 à 14 ans) canadiens vivent au Québec.

L’âge moyen auquel ces adolescents fument leur première cigarette complète est demeuré onze ans. Le tabagisme s’accroît en même temps que le niveau scolaire et les filles fument encore légèrement plus que les garçons. Ces dernières représentent 56 % de la population des jeunes fumeurs, ce qui est comparable au ratio de 1994.

Connus de la plupart des élèves, les avertissements de santé, apposés sur les paquets de cigarettes, ont été jugés crédibles par 75 % des fumeurs. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont appréciés de tous. Seulement 30 % des jeunes fumeurs sondés approuvent le fait qu’ils figurent sur les paquets de cigarettes, contre 83 % de leurs pairs n’ayant jamais expérimenté le tabac. Surtout informés des conséquences du tabagisme dans leur milieu scolaire, 96 % des répondants savent que le tabac crée une dépendance et la même proportion estime que la fumée peut nuire à la santé des non-fumeurs.

Pourquoi fumer?

C’est principalement pour imiter leurs amis fumeurs que les jeunes essaient le tabac. Ceux qui n’allument pas pour cette raison disent le faire par « curiosité », « pour être populaire » ou parce qu’ils trouvent que « c’est cool de fumer ». Bien qu’une part de blâme lui revienne, le cercle d’amis n’est pas le seul responsable du statut tabagique des adolescents fumeurs. En effet, les deux tiers ont affirmé que leur père ou leur mère fumait, une situation partagée par seulement le tiers des non-fumeurs.

D’ailleurs, une proportion importante de parents (18 %) acceptent de fournir des cigarettes à leur enfant. Lorsqu’ils refusent, ces derniers s’approvisionnent auprès d’autres membres de leur famille ou de camarades. Plus les jeunes avancent en âge et plus ils vont tenter eux-mêmes de se procurer du tabac auprès des détaillants.

S’ils sont plus curieux à l’égard des nouvelles expérimentations, les jeunes adolescents, qui consomment des cigarettes sur une base régulière, semblent moins avides de connaissances théoriques que leurs compagnons de classe non-fumeurs. En plus d’afficher un rendement scolaire inférieur, les jeunes fumeurs lisent moins; 40 % ont indiqué ne lire jamais ou presque pour le plaisir, contre 13 % chez les élèves n’ayant jamais porté de cigarette à leur bouche.

Drogues et alcool

En outre, la majorité des élèves fumeurs et de ceux qui ont déjà expérimenté le tabac ont déjà consommé de la drogue ou de l’alcool. 75 % d’entre eux ont fumé du « pot », contre 3 % chez les non-fumeurs et 92 % ont déjà bu de l’alcool, comparativement à 40 % des non-fumeurs.

« Même si ces deux recherches sont encourageantes, encore trop de jeunes mordent à l’hameçon qui leur est fixé par l’industrie du tabac, commente François Damphousse de l’ADNF. Le Québec doit poursuivre la lutte s’il veut réussir à contrer l’effet des campagnes de marketing du tabac qui ont toujours été plus nombreuses dans cette province que dans les autres. »

Josée Hamelin