L’Organisation des Nations Unies appelle la charge contre les maladies non transmissibles

L’usage du tabac est pointé du doigt comme un facteur de risque majeur
Au tout premier sommet sur la santé tenu par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 2001, l’Assemblée générale sonnait l’alarme sur l’épidémie mondiale de VIH/sida.

Dix ans plus tard et pour la deuxième fois dans l’histoire de l’ONU, les dirigeants, les délégués et les responsables de la santé du monde se sont réunis à New York en septembre, dans le cadre d’une session extraordinaire de l’Assemblée générale sur les maladies non transmissibles, pour discuter d’un autre risque de pandémie.

Lui-même le plus généreux philanthrope au monde en contrôle du tabac, le maire de New York, M. Michael Bloomberg, a félicité les chefs d’État pour leur intérêt à l’égard de la santé des peuples.

« Il ne fait aucun doute, a affirmé le président de l’Assemblée générale Nassir Abdulaziz Al-Nasser, que les maladies non transmissibles ont atteint des proportions épidémiques », précisant que ces maladies altèrent la situation démographique de nombreux pays et nuisent au développement comme à la croissance économique dans le monde entier.

Que sont les maladies non transmissibles?

Les maladies non transmissibles ou MNT sont des pathologies ou des maladies non infectieuses. Ce sont des affections de longue durée à évolution lente et progressive. Elles englobent, entre autres, les maladies du cœur, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer, l’asthme, le diabète, l’ostéoporose, la maladie d’Alzheimer et les cataractes. Bien qu’elles soient souvent appelées « maladies chroniques », les MNT se distinguent par leur caractère non infectieux; selon l’OMS, elles représentent la principale cause de mortalité dans le monde, comptant pour plus de 63 % des décès.

Quatre types de MNT – les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les maladies respiratoires chroniques – sont à l’origine de la plupart des décès dans plusieurs pays. Ces maladies peuvent être évitées en intervenant sur les quatre facteurs de risque des MNT : le tabagisme, la mauvaise alimentation, la sédentarisation et l’usage nocif de l’alcool, qui sont à l’origine du décès de personnes âgées, en moyenne, de moins de 60 ans, et qui sont responsables de plus de 80 % de tous les décès associés aux MNT.

L’OMS affirme que le taux de mortalité des MNT augmentera de 17 % au cours des 10 prochaines années. En Afrique, ce taux bondira de 24 %.

Selon une étude de l’Université Harvard, les MNT coûteront à l’économie mondiale, sur 20 ans, plus de 30 billions de dollars, soit l’équivalent de 48 % du produit intérieur brut mondial de 2010.

La princesse Dina Mired de Jordanie, directrice générale de la Fondation Roi Hussein pour la lutte contre le cancer et oratrice principale à l’assemblée générale, s’est exprimée en sa qualité de représentante de l’Union internationale pour la lutte contre le cancer en soulignant que 360 millions de personnes allaient mourir de ces maladies pendant cette décennie et qu’un milliard de personnes décéderont de maux liés au tabagisme au cours de ce siècle. 

« Chaque année 36 millions de personnes meurent [de ces maladies] – ce n’est ni une probabilité, ni une supposition, a-t-elle déclaré. L’ONU a la responsabilité de livrer un message percutant pour renverser cette situation. » 

Rapport du secrétaire général

L’Assemblée générale, à laquelle participaient plus de 30 chefs d’État et de gouvernement ainsi qu’une centaine de ministres et un nombre encore plus grand d’experts de premier plan, avait reçu le rapport du secrétaire général sur la prévention et la lutte contre les maladies non transmissibles qui fait état de la progression des MNT dont l’impact éclipse celui des maladies transmissibles dans toutes les régions du monde, sauf en Afrique où le taux des maladies transmissibles augmente rapidement (les maladies transmissibles ou infectieuses sont causées par des agents infectieux qui pénètrent dans l’organisme, s’y multiplient et provoquent les symptômes qui caractérisent ces maladies, comme le VIH/sida). Il est prévu que d’ici 2030, les MNT seront à l’origine de cinq fois plus de décès dans le monde que les maladies transmissibles.

Selon le rapport, le fardeau de ces maladies ne se limite pas au fait que les pays les plus touchés sont les pays les plus peuplés. L’urbanisation sauvage, le vieillissement des populations ainsi que la mondialisation du commerce et de la mise en marché de produits comme le tabac, l’alcool et les aliments, ont entraîné une hausse des facteurs de risque de ces maladies. De plus, le rapport estime qu’en l’absence de systèmes de soins de santé et de protection sociale, les MNT atteindront et emporteront des personnes à un âge plus précoce.

Le rapport suggère aussi que ces maladies chroniques peuvent être évitées et qu’il est possible de réduire considérablement leur incidence, de sauver des millions de vies et d’épargner d’indicibles souffrances en adoptant des mesures éprouvées, peu coûteuses et souvent complémentaires aux efforts mondiaux de santé publique déjà en place.

Déclaration politique
En plus des sessions dans la grande salle de l’ONU, les délégués ont pris part à des échanges parallèles sur les maladies non transmissibles.

Après avoir examiné le rapport, les participants à cette réunion de deux jours ont adopté une Déclaration politique réclamant une campagne à volets multiples des gouvernements, de l’industrie et de la société civile en vue d’établir les moyens à prendre d’ici 2013 pour réduire les facteurs de risque associés aux quatre grands groupes de MNT.

Les moyens vont de mesures fiscales pour réduire la consommation de tabac, jusqu’à un contrôle du marketing destiné aux enfants, des aliments et boissons à forte teneur en gras saturés, en sucre ou en sel.

« Notre collaboration est plus qu’une nécessité sur le plan de la santé publique. Les maladies non transmissibles menacent le développement, touchent particulièrement les personnes démunies et vulnérables, et contribuent à les enliser davantage dans la pauvreté », a déclaré le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon durant son discours à l’Assemblée générale, rappelant que des millions de familles sont réduites à la pauvreté chaque année lorsqu’un membre devient trop faible pour travailler ou que le coût des médicaments ou des traitements engloutit le budget familial.

Il a également invité les entreprises à faire leur part, affirmant sa conviction profonde que le pouvoir du secteur industriel peut améliorer le monde.

« L’histoire honteuse de certains acteurs de l’industrie est bien documentée.  Ignorant les données scientifiques et parfois même celles de leurs propres recherches, ils ont mis à risque la santé pour protéger leurs propres intérêts », a dit le secrétaire général.

Monsieur Ki-moon a ensuite rappelé que de nombreux géants de l’industrie ont cependant agi de façon responsable et que chacun doit s’employer à éradiquer les effets des actes scandaleux d’une poignée d’individus.

La déclaration politique souligne que les taux accrus de morbidité et de mortalité associées aux MNT peuvent être réduits et maîtrisés avec l’application de méthodes concertées et multisectorielles par les pays membres et les autres parties prenantes, et met en évidence la nécessité d’un système universel de soins de santé et d’une coopération internationale d’aide aux pays en développement. Enfin, la déclaration invite l’OMS, en sa qualité d’organisme spécialisé de l’ONU et d’instrument principal de l’effort mondial, à établir un cadre planétaire de surveillance et à recommander des objectifs volontaires avant la fin de 2012.

Lutte contre le tabagisme

La lutte contre le tabagisme marque plusieurs avancées dans la déclaration politique, notamment la mise en œuvre accélérée de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac – bien que les principes directeurs du traité n’y soient pas mentionnés –, la reconnaissance du « conflit d’intérêts fondamental » entre l’industrie du tabac et la santé publique, la référence à la taxation du tabac et aux hausses de prix comme moyens efficaces pour réduire la consommation de tabac, la reconnaissance du rôle important de la prévention et son lien avec les programmes de développement, les nombreuses mentions de l’impact des MNT sur le développement et la reconnaissance de l’insuffisance des ressources.

« La référence à la Convention-cadre dans la déclaration politique aidera les gouvernements à déterminer comment affecter leurs ressources, et il en va de même pour les entreprises privées », a affirmé Rob Cunningham, présent à New York pour la Société canadienne du cancer. « La Convention-cadre est une force motrice révolutionnaire de la lutte antitabac dans les pays en développement », a-t-il dit, en précisant qu’en raison du lien direct entre le tabagisme et les quatre principales maladies chroniques, la lutte antitabac constitue la stratégie la plus rentable et la plus efficace pour les combattre, grâce à la possibilité qu’elle offre d’accroître les revenus en haussant les taxes.

La directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, Margaret Chan, a cité la déclaration du secrétaire général de l’ONU sur l’absence de scrupules de quelques grandes entreprises, et notamment des géants de l’industrie du tabac. Elle a demandé aux chefs de gouvernement de se montrer inébranlables devant les efforts odieux et les tactiques très agressives de l’industrie du tabac, et d’augmenter les taxes sur le tabac et les prix des produits du tabac pour réduire la quantité demandée, protéger la santé et générer des revenus considérables pour les gouvernements. Elle a ajouté que les revenus provenant des ventes de tabac et de produits alimentaires malsains peuvent sembler indispensables à la stabilité économique pendant un ralentissement, mais que la situation doit être examinée dans son ensemble pour comprendre l’ampleur des coûts à long terme qui lui sont associés.

Les gestes sont plus éloquents que les paroles

Rudyard Spencer, ministre de la Santé de la Jamaïque s’est dit un peu déçu de la déclaration, estimant qu’elle offre un bon cadre de discussion sur les MNT, sans toutefois préconiser de mesures plus fermes qui amèneraient la communauté internationale à investir les ressources durables nécessaires pour réaliser son objectif.

Ban Ki-moon a mis les états membres au défi d’assumer leur responsabilité dans la mise en oeuvre de la déclaration politique, en suggérant que « si les mesures préconisées dans ce document restent à l’état de bonnes intentions, nous aurons failli à nos obligations envers les générations futures. Mais si nous donnons un sens à cette déclaration politique en mettant en oeuvre de nombreuses mesures concertées et énergiques, nous honorons notre responsabilité de protéger notre avenir. »

Joey Strizzi