L’espoir d’une vie sans fumée se porte bien chez les jeunes

À contempler les affiches anti-contrebande des commerçants de tabac ou à écouter ces derniers maugréer dans un micro de reporter, on pourrait finir par croire que les adolescents du Québec n’offrent aucune résistance aux herbes et à la fumée, particulièrement si cette dernière sort de cigarettes acquises sur le marché noir. Or, le refus des toxicomanies et de la fumée a aussi de nombreux partisans chez les jeunes. Depuis toujours.

Ce qui est aujourd’hui différent pour les jeunes d’entre 11 et 17 ans, c’est peut-être l’existence d’un programme de prévention et de réduction du tabagisme qui s’appelle La gang allumée pour une vie sans fumée. Grâce à ce programme lancé en 1996 et coordonné par le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), les jeunes apprennent à s’unir, le temps d’un projet, pour se faire entendre et écouter dans leur milieu, au lieu de réagir isolément et de finir par se croire dépourvus d’influence.

Des exemples

Durant l’année scolaire 2007-08, une cinquantaine d’élèves de la Polyvalente de Normandin, au Lac-St-Jean, ont développé leur aptitude au travail en équipe en participant à la conception, aux préparatifs et à la présentation d’un spectacle contre le tabagisme et sur les saines habitudes de vie, un spectacle que plus de 200 jeunes, le personnel de l’école et plusieurs parents ont applaudi. Sans compter qu’une équipe de télévision du canal MusiquePlus est venue filmer les élèves. Le spectacle parodiait l’émission de télévision Le Banquier. Le banquier était incarné par un garçon de 13 ans, Jimmy, et ses valises ne contenaient pas de billets de banque. Au jeu animé par ce banquier-là, on gagne ou on perd des années de sa vie.

De l’autre côté du grand lac, au village de St-André, se tient chaque année un carnaval d’hiver. L’hiver dernier, à la maison de jeunes, près de la patinoire publique, les gens qui rentraient se réchauffer ou manger un hot-dog pouvaient voir sur un téléviseur un bulletin de nouvelles humoristiques d’une dizaine de minutes, animé, scénarisé et entièrement réalisé par huit filles et garçons qui fréquentent la maison de jeunes. Dans ce bulletin, au lieu de raconter le plus récent match de hockey professionnel ou les plus récentes violences au Proche-Orient, on parlait de la fumée de tabac et de ses effets.

Dans la région de Chaudière-Appalaches, à l’école Dina-Bélanger de St-Michel-de-Bellechasse, un groupe de jeunes a réalisé des affiches sous forme de bandes dessinées. L’idée d’une vie sans fumée cancérogène a inspiré des élans créatifs.

À l’École Courval, à Neuville, dans la région de la Capitale-Nationale, une vingtaine d’élèves ont conçu des slogans et des dessins anti-tabac pour être imprimés sur des tee-shirts, ont fabriqué les prototypes, pris les commandes et distribué plus d’une centaine de tee-shirts dans leur milieu.

Ailleurs encore, dans différentes régions du Québec, pour faire partager leur désir d’un avenir sans boucane, des groupes d’adolescents dégourdis ont conçu, réalisé et distribué un photo-roman; réalisé des courts documentaires sur support vidéo; animé des tournois d’improvisation; tenu des kiosques d’information; organisé le visionnement public de documentaires; produit un napperon de restaurant; conçu des affiches à exposer dans les autobus scolaires, les couloirs de l’école ou de la maison de jeunes; et cetera.

Dans chacune des dix-huit régions du Québec, des projets sont réalisés à chaque année. Près de 2000 projets ont été montés depuis 1996. Plus de 30 000 filles et garçons auraient participé aux activités d’une Gang allumée depuis le début du programme, selon André Bourgeois et Josée Daoust du CQTS. Et pour stimuler et encadrer les initiatives de garçons et de filles de 11 à 17 ans, dans des écoles secondaires et des maisons de jeunes, il a fallu qu’environ 2000 adultes prennent part aux projets.

Des résistants avec une cause

À la Polyvalente de Normandin, Annick Boily, éducatrice en prévention des toxicomanies, ainsi que l’infirmière Diane Tremblay et la psychoéducatrice Nancy Bilodeau ont trouvé leur compte à dépenser beaucoup d’énergie chaque année, depuis 2000, à titre de personnes-ressources auprès des jeunes de la Gang allumée (GA) : les adolescents apprennent quantité de choses sur le tabac et des connaissances pratiques, en s’amusant, et le phénomène du tabagisme devient de plus en plus rare. Sur environ cinq cents élèves à la polyvalente, Annick Boily estime qu’il ne reste qu’une quinzaine de fumeurs. Et de ce nombre, il y en a deux que cela n’empêche pas de se mêler des activités de la GA, où leur participation est la bienvenue, comme dans toutes les Gangs allumées du Québec. En voyant le Banquier en santé, un parent d’élève a même déclaré qu’il allait arrêter de fumer à la fin de l’année scolaire, note l’infirmière Tremblay, avec le ton de celle qui en a vu d’autres, mais ne désespère pas.

Partout au Québec, les projets des Gangs allumées s’appuient sur le dynamisme et la conviction, ici d’une animatrice de maison de jeunes, là d’une institutrice, ailleurs d’un entraîneur d’équipes sportives, bref de personnes adultes ayant déjà découvert ce que le tabac apporte de dépendance et de souffrance… et qui aimeraient que cela s’arrête avec la génération qui pousse.

Et le reporter d’Info-tabac a senti qu’elles aussi, elles se sentent plus fortes grâce aux jeunes « allumés ».

Pierre Croteau