Les méfaits insoupçonnés du tabac sur la santé

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En plus de nuire au système respiratoire et au cœur, l’usage du tabac est associé à une foule de méfaits aussi méconnus qu’inquiétants, du cancer du sein au diabète.

Il est bien connu, désormais, que l’usage du tabac nuit à la santé. Toutefois, l’ampleur réelle de ces méfaits demeure méconnue. En effet, consommer du tabac est associé à de nombreux problèmes de santé bien au-delà de la quinzaine de cancers, des accidents vasculaires cérébraux ou des maladies cardiaques tels que répertoriés par le Surgeon General américain, en 2014. C’est ce que dévoilent des études rigoureuses examinées par Info-tabac. Même si ces recherches établissent rarement des liens de cause à effet, les associations qu’elles dévoilent entre le tabagisme et différentes maladies représentent autant de raisons additionnelles de se libérer du tabac.

Conséquences à long terme pour les descendants

Aujourd’hui, il est bien documenté que fumer pendant la grossesse nuit aux nourrissons. Daniele Fallin et son équipe ont toutefois découvert récemment que, lorsque les femmes enceintes fument, les toxines du tabac restent dans le sang de leurs enfants jusqu’à cinq ans après leur naissance. C’est ce que les chercheurs rapportent dans l’édition de janvier 2016 d’Environmental Research, après avoir examiné le génome de 572 enfants âgés de 3 à 5 ans. Leurs analyses montrent que, dans le génome de ces derniers, 26 sections trahissaient avec une grande exactitude une exposition prénatale à la fumée de tabac.

Risque accru d’obésité chez les enfants

Fumer dans l’entourage des enfants après leur naissance entraîne aussi bien des conséquences. À l’aide des données sur environ 2000 enfants, tirées de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec, Linda Pagani et son équipe de l’Université de Montréal ont démontré que, lorsqu’ils sont exposés entre 1 et 7 ans à de la fumée de tabac secondaire (FTS), les enfants ont, à 10 ans, un tour de taille de 0,93 cm à 1,56 cm plus large. Ces résultats tiennent compte de plusieurs variables, dont l’indice de masse corporelle de la mère et le nombre d’heures que les enfants passent devant la télévision chaque semaine. Ces résultats sont loin d’être banals puisqu’un tour de taille plus large dans l’enfance est « un important facteur de risque pour [le développement] de maladies liées à l’obésité à l’âge adulte », écrivent les chercheurs dans l’édition de mai 2016 de Nicotine & Tobacco Research (notre traduction).

Problèmes de peau

De leur côté, Ann Sophie Lønnberg et son équipe ont trouvé un lien entre une exposition à la FTS pendant l’enfance et le psoriasis après avoir collecté des données sur environ 35 000 jumeaux. Ces chercheurs ont aussi trouvé que, à l’âge adulte, les jumeaux qui avaient fumé 20 cigarettes par jour pendant au moins cinq ans (ou plus de cinq paquets-année) doublaient leurs probabilités de développer cette maladie, écrivent-ils dans l’édition de février 2016 de l’International Journal of Dermatology.

Des hommes moins fertiles

La FTS pendant la grossesse nuit aussi à la fertilité des rejetons masculins. En effet, une recherche menée par le laboratoire d’Eileen McLaughlin sur des souris montre que les femelles exposées à la FTS pendant leur grossesse engendrent des souriceaux moins fertiles. Dans l’édition de décembre 2014 de Human Reprodution, les chercheurs rapportent que ces bébés avaient des spermatozoïdes moins nombreux et plus susceptibles d’être difformes. Bien que l’étude n’ait porté que sur une seule espèce, « elle renforce les conclusions des études suggérant que l’exposition maternelle [au tabac] nuit à la fertilité de ses descendants masculins », écrivent les chercheurs (notre traduction).

Les hommes qui fument nuisent eux aussi à leur fertilité. Telle est la conclusion d’une méta-analyse qui a examiné 20 études regroupant près de 6000 participants. En effet, les spermatozoïdes des fumeurs étaient moins mobiles, moins nombreux et plus difformes, constatent Reecha Sharma et ses collègues dans l’édition d’octobre 2016 d’European Urology. L’effet était encore plus prononcé chez les gros fumeurs.

Une association claire avec le diabète

Du côté des adultes, il est désormais bien établi que l’usage du tabac augmente le risque de développer un diabète de type 2. Le professeur An Pan et son équipe ont mené une méta-analyse regroupant 88 études et plus de cinq millions de participants. Selon leurs analyses, la probabilité de souffrir du diabète est 37 % plus élevée chez les fumeurs que chez les non-fumeurs tandis que le risque de développer la maladie augmentait avec la quantité de tabac fumé quotidiennement. Enfin, les non-fumeurs exposés à la FTS avaient un risque 22 % plus élevé de devenir diabétique, comparativement à ceux qui avaient échappé à cette exposition. Bizarrement, dans cette étude publiée dans l’édition de décembre 2015 de Lancet Diabetes & Endocrinology, ceux avec le risque le plus élevé de souffrir de cette maladie étaient… les ex-fumeurs récents. Selon les chercheurs, le fait que les fumeurs prennent généralement quelques kilos en cessant de fumer pourrait expliquer partiellement ce résultat. Toutefois, « l’effet à court et à long terme de la cessation tabagique sur la réduction des risques de maladies cardiovasculaires et la mortalité a été bien documenté […], ce qui compense largement le risque accru de diabète à court terme », écrivent les chercheurs (notre traduction).

Cancer du sein

De plus en plus d’études démontrent également une association entre le tabagisme et le cancer du sein. Après avoir examiné les données de l’Étude nationale sur le dépistage du cancer du sein, qui a suivi près de 89 900 Canadiennes pendant une moyenne de 22 ans, Chelsea Catsburg et son équipe rapportent que les fumeuses étaient plus susceptibles de souffrir d’un cancer du sein. Ce risque augmentait avec le nombre de cigarettes quotidiennes et les années de tabagisme. Par exemple, comparativement aux non-fumeuses, les fumeuses augmentaient leur risque d’avoir un cancer du sein de 21 % si elles fumaient 40 cigarettes par jour ou de 57 % si elles fumaient depuis 40 ans, écrivent les chercheurs dans l’édition du 23 octobre 2014 de l’International Journal on Cancer.

L’usage du tabac réduirait aussi considérablement l’efficacité des inhibiteurs d’aromatase, un traitement très commun pour soigner le cancer su sein, surtout chez les femmes ménopausées. C’est ce que démontrent Mia Persson et ses collègues dans l’édition du 26 juillet 2016 du British Journal of Cancer. Leur étude menée auprès d’environ 1000 femmes montre que les fumeuses de plus de 50 ans traitées avec des inhibiteurs d’aromatase étaient plus susceptibles d’avoir une récidive de cancer et des métastases, et de mourir.

Un impact marqué sur la flore bactérienne

Le tabagisme a aussi des effets moins dramatiques, du moins à court terme : il modifie notamment les bactéries naturellement présentes dans la bouche. C’est ce que confirme une étude d’envergure réalisée par Jing Wu et son équipe, publiée le 25 mars 2016 dans l’International Society for Microbial Ecology Journal. Parmi les 1204 adultes étudiés par le laboratoire, les chercheurs ont noté des différences pour un peu plus de 200 bactéries buccales entre fumeurs et non-fumeurs. Les fumeurs avaient, de manière statistiquement significative, moins de bactéries potentiellement impliquées dans la dégradation de certains composés toxiques et davantage de bactéries connues pour leur implication dans la formation de caries.

Le groupe de Laura Crotty Alexander a découvert, quant à lui, que la fumée de cigarette a un effet sur la virulence du Staphylococcus aureus résistant à la méticilline ou SARM, une bactérie responsable des pneumonies résistantes à certains antibiotiques. On sait déjà que fumer affaiblit le corps face aux infections, rappellent les chercheurs. Leurs résultats montrent que les toxines du tabac rendent aussi les bactéries plus résistantes aux attaques du système immunitaire, rapportent-ils dans l’édition de juin 2015 d’Infection and Immunity. En effet, en laboratoire, des SARM dopées à la fumée de tabac ont tué quatre fois plus de souris que leurs cousines « naturelles ». Comme quoi, fumer du tabac entraîne bien plus que des cancers du poumon!

Anick Labelle