Les cigarettes seront moins incendiaires dès l’automne

À compter du 1er octobre 2005, les cigarettes produites ou vendues au Canada devront s’éteindre d’elles-mêmes lorsqu’elles ne seront pas fumées. Le gouvernement canadien adoptera sous peu un règlement sur leur potentiel d’allumage qui obligera fabricants et importateurs à effectuer des tests d’inflammabilité. Selon la norme sélectionnée, ces derniers devront s’assurer que, lorsqu’elles sont couchées sur 10 couches de papier filtre, pas plus de 25 % des cigarettes ne se consument au complet.

Le ministre fédéral de la Santé, Ujjal Dosanjh, a présenté son projet de règlement à la Chambre des communes le 30 novembre. Une fois entériné, le Canada sera le premier pays à s’être doté d’une norme nationale pour réduire les risques d’incendie liés à la cigarette.

« Il est évident que la cigarette à potentiel incendiaire réduit n’est pas totalement sans risque, a rappelé le ministre Dosanjh, puisqu’un objet qui brûle n’est jamais totalement sécuritaire. Toutefois, si nous réduisons le potentiel incendiaire, nous croyons pouvoir diminuer le nombre d’incendies allumés par la cigarette et sauver des vies. »

Selon le gouvernement, le projet de règlement sauvera entre 18 et 36 vies par an, permettra d’éviter que de 77 à 155 personnes ne soient blessées et réduira le coût annuel des dommages d’à peu près 9,5 millions $. Principale cause de décès provoqués par les incendies résidentiels au Canada, les feux allumés par la cigarette font en moyenne 70 victimes par an. Ils occasionnent également plus de 40 millions $ en pertes matérielles et blessent quelque 300 personnes.

Après avoir entendu plusieurs témoins, le Comité permanent de la santé – composé d’une douzaine de députés de divers partis – à qui la Chambre des communes a référé le dossier pour examen, a recommandé que le règlement soit adopté sans amendement.

Seul fabricant de cigarettes à avoir témoigné devant le Comité, Imperial Tobacco Canada ne s’oppose plus à la réduction du potentiel d’allumage, même si ses représentants ont refusé de reconnaître que cette mesure permettra d’épargner vies, souffrances et argent. Affirmant que leur compagnie tentera de rendre ses cigarettes conformes pour le 1er octobre, ceux-ci ont indiqué qu’elle ne possède pas encore le savoir-faire nécessaire et qu’elle refuse de l’acheter au prix demandé par son concurrent américain Philip Morris.

Plusieurs petits fabricants québécois de marques économiques ont confirmé à Info-tabac qu’ils font actuellement des essais pour s’adapter à la nouvelle norme. S’il déplore les coûts supplémentaires engendrés par la modification de son produit, le président et directeur général d’ADL Tobacco (qui fabrique entre autres les Suprême), Alain Paul, concède que « La cause en elle-même est fort louable et qu’on peut difficilement s’y opposer ».

De son côté, le directeur général de la compagnie Bastos du Canada, Gilbert Cantin, est plutôt mécontent que cette mesure s’applique aux cigarettes destinées à l’exportation. « Si nous voudrions prendre de l’expansion, il faudrait fabriquer nos cigarettes ailleurs afin qu’elles soient acceptables pour les consommateurs américains », car selon lui, la moitié des fumeurs de l’État de New York s’approvisionnent dans les États voisins.

L’exemple new yorkais

Oeuvrant pour une organisation sans but lucratif et non partisane qui milite pour la protection et la sécurité des consommateurs de l’État de New York, Russ Haven a une vision différente de la chose. Ce conseiller législatif du New York Public Interest Research Group a d’ailleurs témoigné devant le Comité permanent de la santé.

Dans l’État de New York, où la future norme canadienne est en vigueur depuis le 28 juin 2004, les fabricants disposaient de six mois pour modifier leurs produits. Ceux-ci se sont pratiquement tous ajustés, si bien que 746 marques de cigarettes ont été certifiées conformes. Selon M. Haven, le changement du niveau d’inflammabilité des cigarettes ne semble pas avoir eu d’impact ni sur les ventes, ni sur les prix. De plus, aucune plainte sur le sujet n’a été reçue par le Bureau de la réglementation de l’État de New York.

Règlement sur la toxicité

Puisque certains intervenants (et notamment l’industrie) se sont inquiétés de l’augmentation des émissions toxiques générées par les fréquents allumages des cigarettes moins incendiaires, le gouvernement canadien a introduit, le 14 décembre dernier, un règlement d’accompagnement sur la nocivité. S’il est adopté, le Règlement sur les rapports relatifs au tabac obligera les fabricants à faire des essais annuels de toxicité sur leurs cigarettes vendues au Canada, avant et après l’entrée en vigueur de la norme sur le potentiel incendiaire, et à soumettre les résultats à Santé Canada.

Josée Hamelin