Les 18-24 ans : une cible à atteindre

Peu réceptifs aux campagnes d’arrêt tabagique, les 18-24 ans constituent la tranche de la population qui renferme la plus grande proportion de fumeurs au Canada. À peine sortis de l’adolescence, ils n’aiment pas qu’on leur dicte la conduite à adopter, ni qu’on leur fasse la morale. Cela s’avère parfois difficile, mais il est possible d’intervenir efficacement auprès de cette jeune clientèle, tel qu’en a témoigné Jennifer Duncan, dans le cadre de la 4e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé.

Plutôt rebelles les 18-24 ans? « En fait, il suffit qu’on leur suggère quelque chose pour qu’ils fassent le contraire, a indiqué la coordonnatrice du projet « Urthetarget », à l’Alberta Cancer Board. Et ça, l’industrie du tabac l’a vite compris! ». Que ce soit par des partys-tabac dans les bars, de jolies cigarettes-girls, des magazines tels que Rev, Pursuit et 360, ou encore le financement d’événements sportifs ou musicaux (en dépit des interdictions de commandites), les compagnies de cigarettes mettent le paquet quand vient le temps de promouvoir leurs produits. En Alberta, l’industrie du tabac dépense un peu plus d’un million $ par année pour inciter « les plus jeunes clients qu’elle a légalement le droit de cibler » à fumer.

Urthetarget

Financée par l’Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission et la Young Adult Tobacco Reduction Strategy, « Urthetarget », une contraction de « You are the target » (vous êtes la cible) est une campagne de contre-marketing qui a vu le jour en janvier 2004. Un peu à l’exemple du projet-pilote De Facto, qui a connu un véritable succès dans la région de Québec, elle a pour mission de dire la vérité sur les produits du tabac et l’industrie qui les manufacture.

Pas besoin de gants blancs pour s’adresser aux jeunes de 18 à 24 ans. Selon Jennifer Duncan, plus le message sera percutant, voire choquant, plus ils se sentiront interpellés. « Ne leur parlez pas non plus d’acide cyanhydrique, a-t-elle averti. Votre discours aura beaucoup plus d’impact si vous leur dites qu’on retrouve, dans la cigarette, les mêmes ingrédients que dans les produits qui servent à récurer la toilette. »

Alors que l’industrie du tabac joue souvent la carte de la virilité pour vendre son produit, il appert que le fait de lier la cigarette à l’impuissance a un effet particulièrement dissuasif auprès des jeunes hommes. Par ailleurs, des cas vécus captivent davantage leur attention qu’une série de faits, aussi crédibles soient-ils. « Il est donc inutile de les bombarder d’avertissements sur les effets du tabagisme ou de leur dire que fumer n’a rien de cool, a déclaré Mme Duncan, vous risquez de les ennuyer… »

Si combattre le feu par le feu est parfois efficace, dans le cas du tabac, il faut être extrêmement prudent lorsqu’on utilise l’image de la cigarette, a prévenu l’intervenante. D’anciens fumeurs ont indiqué qu’une cigarette, même lorsqu’elle est employée pour réprouver l’usage du tabac, peut susciter chez eux une forte envie de fumer.

Au cours des prochaines années, sensibiliser les jeunes adultes aux méfaits du tabagisme devra être une priorité. « La plupart des fumeurs ont allumé leur première cigarette avant l’âge de 18 ans, a rappelé la coordonnatrice de Urthetarget, et les années qui suivent le passage de l’adolescence à l’âge adulte sont déterminantes, parce que c’est au cours de celles-ci que leur dépendance se consolide. »

À l’Université de Lethbridge, où un groupe d’étudiants a lancé une campagne antitabac à l’aide d’affiches de Urthetarget, l’appui envers les restrictions sur l’usage du tabac à l’intérieur du campus s’est nettement accentué. Aux personnes qui souhaitent organiser une campagne similaire à la sienne, Jennifer Duncan conseille de tester le matériel qu’elles prévoient utiliser auprès de la clientèle cible et de le renouveler souvent.

Josée Hamelin