Le tabagisme : un enjeu de santé publique important

Lors de la campagne électorale québécoise, qui s’est soldée par l’élection de Jean Charest à la tête d’un gouvernement minoritaire libéral le 26 mars, plusieurs organismes ont sollicité la position des partis politiques sur différents enjeux sociaux.

C’est le cas de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac qui – au nom des 650 groupes qu’elle représente – s’est attardée aux engagements des aspirants dirigeants en matière de tabagisme. Au terme de son sondage, elle constate, satisfaite, que la dépendance à la nicotine est considérée par la plupart des organisations politiques comme un grave problème de santé publique contre lequel il faut lutter.

Les quatre questions posées aux libéraux, péquistes, adéquistes, solidaires et aux verts cherchaient à savoir si, une fois élus, ils défendraient la Loi sur le tabac contre tout assaut politique ou juridique; complèteraient, par réglementation, l’encadrement de la promotion aux points de ventes; considèreraient la possibilité de faire pression sur le fédéral pour qu’il adopte des mesures plus efficaces en matière de contrebande et hausseraient les taxes sur le tabac au niveau des autres provinces (le Québec est toujours bon dernier) si le commerce illicite était mieux maîtrisé.

Action démocratique

Tous les partis ont répondu à l’appel, sauf l’ADQ qui avait « adopté comme politique de ne pas compléter les questionnaires transmis au cours de la campagne électorale ». Directrice de campagne à la Coalition, Heidi Rathjen trouve inquiétant que la première cause de décès évitable ne soit pas une question assez importante pour que le parti, qui forme maintenant l’opposition officielle, prenne position. Rappelons que Mario Dumont était absent de l’Assemblée nationale lors de l’adoption de la Loi sur le tabac de 1998 et de son renforcement en juin 2005. Reste à voir si son député responsable de la santé, Éric Caire, sera plus volubile, maintenant que la campagne est terminée.

Parti québécois

S’il avait été élu, le Parti québécois – qui a été relégué au troisième rang – aurait poursuivi les initiatives québécoises en matière de lutte au tabagisme et préservé les législations existantes, en plus de miser sur la prévention et l’éducation pour sensibiliser jeunes et adultes aux méfaits du tabac. L’ancien journaliste Bernard Drainville, maintenant député de Marie-Victorin, tient le rôle de critique en matière de santé.

Parti libéral

Considérant le tabagisme comme « la principale cause de décès évitable au Québec », le Parti libéral, qui est à la tête du gouvernement pour un second mandat, continuera la mise en œuvre du Plan québécois de lutte contre le tabagisme qui prévoit notamment adopter un règlement sur la promotion aux points de vente. Quant au ministre Philippe Couillard, qui est toujours en charge de la Santé et des Services sociaux, on peut supposer qu’il défendra avec vigueur la loi qu’il a lui-même édictée.

Québec solidaire

D’accord avec la législation antitabac, Québec solidaire voit le tabagisme comme un « enjeu majeur », mais avoue ne pas avoir pris position sur des questions précises comme la réglementation de l’industrie et la vente de tabac. Si ces sujets sont soumis par ses membres, l’organisation n’écarte pas la possibilité de se prononcer au cours des prochaines années…

Parti vert

D’avis que la population supporte la loi et qu’elle doit être défendue, un gouvernement formé par le Parti vert aurait assuré l’encadrement de la promotion aux points de ventes et supporté les efforts du fédéral en matière de contrebande. Plutôt novateur en matière de taxation, ce parti – qui, comme Québec solidaire, n’a fait élire aucun député – appliquerait le principe de « l’écofiscalité » en augmentant la TVQ sur les produits nocifs pour la santé et l’environnement et en l’abaissant sur les services et produits considérés comme sains.

Le « contrat social » de monchoix.ca

Le groupe monchoix.ca – qui est financé par l’industrie du tabac mais qui prétend représenter les fumeurs québécois – a aussi interpellé les différents chefs de partis par le biais d’une requête qui ressemblait davantage à du marchandage qu’à un questionnaire…

En échange d’engagements difficilement vérifiables de la part des fumeurs (respecter les droits des non-fumeurs, observer les lois et règlements qui régissent l’usage du tabac dans les lieux public et de travail, éviter de fumer en présence d’enfants et préserver la propreté de l’environnement), il souhaitait obtenir « des établissements à l’usage exclusifs des fumeurs qui ne gêneront pas les non-fumeurs et le maintien des fumoirs en milieu de travail au-delà de mai 2008 ».

Signe de la crédibilité, somme toute relative, que les politiciens accordent à cette organisation, aucun des partis ne lui a directement répondu. Les propos du premier ministre Jean Charest, qui ont été affichés sur son site Web, provenaient d’un reportage diffusé par TQS, le 5 mars : « On ne changera pas la loi. On est sympathique aux gens qui ont un problème d’accoutumance au tabac, mais comme société il faut qu’on fasse tout ce qui est possible humainement pour éviter la maladie ».

L’UTBQ condamne les libéraux

Amère que la Loi sur le tabac n’ait pas été affaiblie, l’Union des tenanciers de bars du Québec (UTBQ) de Peter Sergakis a carrément incité « les tenanciers de bars, leurs clients, leurs employés et les fumeurs » à voter contre le Parti libéral, dans un communiqué daté du 17 mars ; ce qui est plutôt rare, surtout pour un groupe de pression qui dit vouloir dialoguer avec le gouvernement.

Josée Hamelin