Le tabac tue 36 Québécois par jour

Même si le tabagisme a sensiblement régressé au Québec depuis cinq ans, l’évaluation courante des décès causés par cette dépendance est à la hausse.

Dans son édition de janvier-février 2004, la Revue canadienne de santé publique présente un estimé du nombre de personnes mortes en 1998 de maladies attribuables à l’usage du tabac. Les chercheurs Eva Illing et Murray Kaiserman, de Santé Canada, ont évalué cette hécatombe à 47 581 Canadiens (dont 13 295 Québécois, soit une moyenne de 36,4 par jour). Les chiffres cités régulièrement depuis quelques années, Tirés de la version antérieure de cette recherche (basée sur l’année 1996), étaient respectivement de 45 215 et 12 329 décès.

En raison du temps de latence entre la réduction de l’usage du tabac et l’impact sur la mortalité, les progrès récents de la lutte antitabac canadienne et québécoise ne transparaissent pas dans les résultats de l’étude actuelle. Les chercheurs ne prévoient d’ailleurs pas de baisse prochaine, à cause du vieillissement de la population, et du tabagisme féminin qui perdure.

À partir des données de l’Enquête nationale sur la santé de la population et de la Base canadienne de données sur la mortalité, Illing et Kaiserman ont utilisé la méthode de « calcul de la mortalité, de la morbidité et du coût économique liés au tabagisme », appelée SAMMEC en anglais, pour établir leurs estimés. Ce procédé leur a permis de relier le tabagisme à 22 maladies chez l’adulte et à quatre chez l’enfant. « L’usage de la cigarette demeure la première cause évitable de mortalité au Canada, et ses répercussions sur la santé des Canadiens représentent encore un fardeau inacceptable », ont-il conclu.

Plus d’hommes que de femmes

En 1998, l’usage du tabac fut responsable de 22 % de tous les décès survenus au Canada, fauchant 30 230 hommes, 17 351 femmes et 96 enfants de moins d’un an. Environ 2 % des victimes (1 107) étaient des non-fumeurs exposés à la fumée de tabac dans l’environnement (FTE).

Ces fumeurs (ou ex-fumeurs) sont surtout emportés par le cancer (39 %), les maladies cardiovasculaires (37 %) et les problèmes respiratoires (22 %). Alors que l’obstruction chronique des voies respiratoires provoque un nombre croissant de décès (6 457), le cancer du poumon demeure la principale cause de mortalité attribuable au tabagisme (13 951 cas). Entre 1989 et 1998, seules les maladies cardiovasculaires fatales chez les hommes ont régressé – grâce à l’arrêt tabagique dont les effets sont rapidement bénéfiques dans ce domaine.

Même si les hommes sont encore plus nombreux que les femmes à périr suite au tabagisme, la mortalité masculine demeure plutôt stable tandis que celle des femmes s’accroît promptement. Alors qu’on observait un ratio des décès homme/femme de 2,6 en 1989, l’écart s’est réduit à 1,8 en 1998.

Les chercheurs ont estimé que le tabac avait tué 9 224 Canadiens de plus en 1998 qu’en 1989. Comme d’autres recherches l’avaient fait auparavant, la présente étude atteste que les produits du tabac tuent six fois plus que les meurtres, l’alcoolisme, les accidents de voitures et les suicides combinés ensemble.

Parmi toutes les régions canadiennes, c’est au Québec que le ratio des victimes du tabac est le plus élevé. Dans notre belle province en 1998, le tabagisme était à lui seul responsable de 25 % des décès enregistrés. Dans les provinces atlantiques, 23 % de la mortalité était attribuable à l’usage du tabac alors qu’en Ontario et dans l’ouest du pays c’était environ 20 %.

Au Québec, les produits de l’industrie du tabac ont fait 13 295 victimes en 1998, en hausse de 704 depuis 1996. Environ deux fois plus d’hommes (8 656) que de femmes (4 639) meurent du tabagisme; la FTE est responsable de 359 morts. Les pathologies fatales liées au tabac sont les mêmes qu’ailleurs au Canada, soit les cancers (5 566 décès), les maladies cardiovasculaires (4 463) et les troubles respiratoires (2 880).

Josée Hamelin et Denis Côté