Le tabac sans fumée n’est pas une alternative sécuritaire à l’arrêt tabagique

Les personnes tentées de substituer leur consommation de cigarettes par celle de tabac à chiquer ou à priser, dans le but de diminuer les risques du tabagisme sur leur santé, devraient peut-être y penser à deux fois. En effet, une étude longitudinale publiée dans l’édition de février 2007 de la revue Tobacco Control conclut que les fumeurs qui se sont « convertis » au tabac sans fumée sont beaucoup plus nombreux que ceux qui ont complètement renoncé à la nicotine à mourir de maladies généralement attribuées au tabagisme.

Réalisée par des chercheurs de l’Americain Cancer Society et du National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, l’analyse a comparé les causes de mortalité de 11 952 anciens fumeurs masculins ayant complètement abandonné la nicotine à celle de 4 443 hommes qui ont troqué leur consommation de cigarettes par celle de tabac administré oralement. Les femmes ont dû être exclues de l’analyse puisque l’enquête (Cancer prevention Study II) qui a servi de point de départ ne les interrogeait pas sur l’usage de ce type de tabac. (De nos jours, on estime que seulement 0,4 % des Américaines en consomment.)

Alors que plusieurs ouvrages scientifiques ont établi que l’usage de tabac sans fumée peut causer certains types de cancers – notamment de la bouche, de la gorge et du pancréas, en plus d’être responsable de sérieuses irritations buccales et de problèmes de gencives – cette étude (Tobacco-related disease mortality among men who switched from cigarettes to spit tobacco, Henley et coll.) révèle que les anciens fumeurs ayant opté pour ces produits augmentent également leurs risques de mourir d’un cancer du poumon, de maladies cardiaques et de troubles pulmonaires.

Un rapport de causalité entre l’usage de tabac à chiquer et le cancer du poumon est biologiquement plausible, selon ses auteurs, en raison du haut niveau de nitrosamines (une substance cancérigène) que contenaient ces produits à l’époque où les données de l’enquête ont été recueillies. En 2000, on en retrouvait de 4,6 à 37,6 microgrammes par gramme de tabac dans les différentes marques vendues aux États-Unis. Or, en 1986, le médecin hygiéniste en chef américain (US Surgeon General) a déterminé que la quantité quotidienne absorbée par les utilisateurs de tabac à chiquer était plus de 100 fois supérieure au niveau de nitrosamines jugé admissible dans les produits approuvés par la Food and Drug Administration.

Ils ont aussi jugé possible que le tabac à chiquer augmente les risques de maladies cardiovasculaires, puisque ce type de produit est reconnu pour avoir des effets nuisibles importants sur la tension artérielle et la fréquence cardiaque. Le tabac à chiquer contient plusieurs composantes, comme la nicotine, le sodium et la réglisse, qui affectent les fonctions cardiovasculaires.

Finalement, le statut socio-économique et les habitudes de vie des utilisateurs de tabac à chiquer ou à priser pourraient également avoir un rôle à jouer dans l’augmentation des risques de certaines maladies. Généralement moins scolarisés que les personnes qui ont renoncé au tabac, ces derniers consommaient moins de fruits et de légumes et absorbaient plus de gras sur une base hebdomadaire.

Privilégier des moyens éprouvés

À la lumière de leur investigation, les chercheurs qui ont contribué à l’étude indiquent qu’au lieu de se tourner vers le tabac sans fumée, les fumeurs qui souhaitent se libérer de leur dépendance à la nicotine devraient être orientés vers des moyens plus sécuritaires et cliniquement éprouvés tels que le counselling, les lignes téléphoniques de soutien, les aides pharmacologiques et les antidépresseurs.

Snus exempt de l’étude

Notons que le snus (voir article de la page précédente), qui a subi plus de procédé de raffinage que les traditionnels produits sans fumée, ne faisait pas partie de l’étude de Henley et coll.

Josée Hamelin