Le Sénat adopte le projet de fondation pour une 3e fois

Le projet de « Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes », lancé par le sénateur Colin Kenny, poursuit son chemin malgré l’importante hausse des budgets antitabac de Santé Canada.

Le sénateur ontarien, les groupes de santé et même deux des trois grands fabricants de cigarettes, maintiennent leur croisade en faveur du projet de loi S-15, lequel a été adopté au Sénat le 15 mai, pour ensuite être soumis à la Chambre des Communes deux semaines plus tard.

C’est le troisième projet de loi de ce type à être proposé par les sénateurs, le premier ayant été jugé irrecevable par le président de la Chambre des Communes en 1998, et le second ayant avorté à l’automne dernier à cause du déclenchement des élections fédérales. La fondation souhaitée serait financée par un prélèvement de 3/4 de cent par cigarette, et de 7,5 cents par cigare, pour un budget dépassant 360 millions $ par année.

Une commission sénatoriale a parcouru le pays, en avril et mai, échangeant avec des témoins presque toujours favorables au projet de loi. De leur côté, les fabricants Imperial Tobacco et JTI-Macdonald ont publié des annonces conjointes invitant la population à appuyer l’initiative du Sénat. Ils ont aussi proposé aux détaillants de cigarettes d’écrire à leurs députés, en soutien à la fondation.

Trois atouts de la fondation

Lors de l’étape montréalaise de la commission sénatoriale itinérante, le 3 mai, le directeur québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs, François Damphousse, a expliqué en quoi les programmes fédéraux demeurent insuffisants. Trois besoins essentiels restent à combler.

Premièrement, la hauteur du financement n’est pas encore adéquate. Même en atteignant 3 $ par année par habitant, l’investissement canadien reste bien inférieur à ce qui est nécessaire pour se comparer aux endroits qui ont connu des résultats intéressants; le Centre de contrôle des maladies d’Atlanta recommande un ratio allant de 9 à 24 $ CAN par habitant.

Deuxièmement, les nouveaux crédits ne comportent aucune garantie à moyen ou long terme. En 1994, le même gouvernement libéral avait déjà annoncé des investissements importants dans la lutte antitabac, qui ne s’étaient pas concrétisés. Une fondation, avec financement garanti par la loi, serait imperméable aux reculs politiques.

Troisièmement, la fondation pourrait retenir des campagnes publicitaires ou des programmes audacieux, une fois à l’abri des hésitations politiques ou des influences de l’industrie du tabac.

M. Damphousse avait débuté son exposé en remerciant les sénateurs, principalement Colin Kenny et Pierre Claude Nolin, pour leur ténacité à promouvoir le projet de fondation; la hausse substantielle du budget fédéral antitabac leur est grandement redevable, a-t-il déclaré.

Témoignant aux côtés de François Damphousse, le coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Louis Gauvin, a tenté d’expliquer l’appui enthousiaste mais suspect des deux fabricants de cigarettes. Il s’agirait en fait d’une campagne de relations publiques de l’industrie, pour redorer son blason. Aussi, bien que cela soit exclu dans le projet de loi, les fabricants voudront influencer les activités de l’éventuelle fondation, en rappelant avoir contribué à sa création. Cette présence pourrait empêcher la mise en place de campagnes axées sur les activités répréhensibles de l’industrie, ou rejoignant les adultes de plus de 17 ans, lesquels ne sont pas visés par la fondation.

C’est le député libéral de Lac-Saint-Louis, Clifford Lincoln, qui présentera le projet de loi à la Chambre des Communes. Souhaitons que Paul Martin, député d’un comté adjacent, écoutera ses propos avec attention.

Denis Côté