Le retour des gangs allumées

Les gangs allumées sont des pionnières dans la sensibilisation au tabagisme chez les jeunes. Depuis deux ans, elles gagnent de nouveaux adeptes. Aperçu d’une petite révolution.

La prévention est un aspect essentiel de la lutte contre le tabagisme. Si tous les adolescents refusaient leur première bouffée, le tabagisme disparaîtrait en quelques années, le temps que les fumeurs d’aujourd’hui écrasent leur dernière cigarette ou décèdent.

Au Québec, les gangs allumées sont des pionnières dans la sensibilisation des jeunes à l’industrie du tabac et au tabagisme. Après une baisse marquée de leurs activités, ces groupes de jeunes trouvent un deuxième souffle. La clé? Des projets clés en main et un soutien taillé sur mesure pour les intervenants.

Un travail essentiel

Depuis près de 20 ans, les adolescents des gangs allumées sensibilisent leurs camarades des écoles secondaires et des organismes jeunesse aux méfaits du tabagisme. Ce ne sont pas encore des notions acquises puisque, chaque année, quelque 30 000 mineurs aspirent leur première bouffée. En 5e secondaire, pas moins de 16 % des élèves fument, selon l’Institut national de santé publique. Au tout début de la vingtaine, ils sont encore 22 %, selon l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada. En somme, les jeunes impliqués dans les gangs allumées réalisent un travail essentiel.

Ils perdaient toutefois du terrain depuis quelques années. Ils avaient organisé seulement 136 projets en 2011-2012 contre 350 six ans plus tôt. La tendance semble cependant s’inverser puisque 219 projets ont été réalisés cette année. Ces activités ont touché au minimum plus de 40 000 jeunes et adultes. En un an, l’achalandage de lagangallumee.com a augmenté de 17 %.

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Organiser une activité sur le tabac dans une école secondaire ou un organisme jeunesse n’a pas besoin d’être compliqué. Cela peut même se faire… sans gang allumée! En effet, ce sont de plus en plus des projets clés en main que propose le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), l’organisme coordonnateur de La gang allumée. « Nous fournissons aux intervenants un cadre et des outils que les élèves utilisent à leur guise », explique Christine Demers, coordonnatrice de la prévention. En novembre 2013, par exemple, dans le cadre de la Semaine de prévention de la toxicomanie, le CQTS leur a proposé des Post-it colorés sur lesquels étaient imprimés « Sans fumer, je… ». Les élèves devaient compléter la phrase, puis, avec leurs Post-it, créer une mosaïque sur le thème de la dépendance au tabac.

Post-it
À la demande des gangs allumées, des centaines de jeunes ont noté sur des Post-it les avantages d’une vie sans fumée. Ils ont ensuite créé des mosaïques sur le thème de la lutte contre le tabagisme. On voit ici, dans l’ordre habituel, les oeuvres de : la Maison des jeunes Mercierois, la Polyvalente Sainte-Thérèse, le Centre de Portage, l’École Aux-Quatre-Vents, la Maison des jeunes La Porte Ouverte et l’École secondaire Curé-Hébert.
Opération Fais-toi entendre! : l’action sociale pour prévenir le tabagisme

Issue de La gang allumée, l’Opération Fais-toi entendre! (OFTE) offre de nouveaux outils de prévention aux adolescents et aux adultes qui les accompagnent. « L’OFTE vise d’abord à accroître l’engagement des jeunes dans l’action sociale », précise Christine Demers, coordinatrice de la prévention au Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS). Par exemple, dans le cadre de la Journée mondiale sans tabac 2014, des adolescents de l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal, ont remis à leur mairie une pétition réclamant l’interdiction de fumer dans l’ensemble des parcs de l’arrondissement.

L’OFTE ne concerne pas seulement le tabagisme, mais l’ensemble des habitudes de vie (alimentation, activité physique, image corporelle, etc.). Chaque activité requiert une vingtaine d’heures. Concrètement, un jeu de table aide les jeunes à :

• réfléchir à un aspect de leur environnement ne favorisant pas les saines habitudes de vie;
• définir leur environnement idéal;
• décider comment l’obtenir;
• passer à l’action.

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Les intervenants et les jeunes qui participent à ces projets en retirent énormément puisqu’ils sont formés, entre autres, sur la mobilisation, l’organisation d’un événement médiatique et les grands enjeux de la lutte contre le tabagisme. En tant que projet pilote, l’OFTE n’implique pour l’instant que quelques régions, mais des développements sont attendus pour l’automne. Histoire de continuer à mobiliser la jeunesse autour des saines habitudes de vie.

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Des jeunes de Ville Saint-Laurent, à Montréal, ont mené une campagne en faveur d’une interdiction de fumer dans les parcs de leur arrondissement.
Des projets, grands et petits

Certains milieux organisent leurs propres événements. L’hiver passé, des élèves de Gaspésie ont fait du ski alpin en portant des flambeaux et des banderoles avec des messages clés sur le tabagisme. Ce projet de grande ampleur a attiré les médias locaux. « Mais une polyvalente peut simplement distribuer des autocollants ou des dépliants aux automobilistes pour les sensibiliser à la fumée secondaire en voiture lorsque des enfants sont à bord », suggère Anny Doyon, agente régionale de La gang allumée au CQTS. Ces divers projets n’ont qu’un but : rappeler aux jeunes, de manière ludique, les nombreux enjeux et dangers du tabagisme (marketing trompeur, dépendance, présence du tabac au cinéma et à la télévision, etc.).

Au fil des ans, Johanne Crevier a organisé plus d’une vingtaine d’activités sur le tabac avec ses élèves. « Intégrer ces activités dans un cours facilite la tâche! » dit la professeure de 3e secondaire qui enseigne depuis 25 ans au Collège Charlemagne, à Montréal. Ses élèves ont notamment composé une ritournelle publicitaire contre le tabac en collaboration avec l’enseignant de musique. Avec le prof de français, ils ont rédigé une lettre qui demandait aux réalisateurs de mettre moins de fumeurs dans leurs films.

Qu’importe l’activité choisie, les intervenants peuvent toujours compter sur l’aide du CQTS. Concrètement, ils reçoivent de la documentation sur le tabagisme spécifique à leur région, du soutien logistique et, au besoin, quelques centaines de dollars. Le CQTS leur fournit aussi des conseils sur la médiatisation d’une action, le recrutement des élèves ou le maintien de la mobilisation. « Ceux qui le souhaitent peuvent approfondir ces concepts au cours d’une formation de deux heures en vidéoconférence », ajoute Mme Doyon.

Derrière les décors

Les actions des gangs allumées débutent à l’automne. Sous l’impulsion du CQTS, les agents régionaux appellent quelque 1500 écoles secondaires et organismes jeunesse du Québec intéressés par ce programme. Habituellement, les agents parlent aux intervenants en toxicomanie, aux infirmières scolaires ou aux animateurs de la vie étudiante. « On détermine quels thèmes auraient le plus de chance d’accrocher les jeunes de ce milieu », explique Mme Doyon. Par exemple, les élèves qui fument sur le terrain de l’école, les conducteurs qui fument dans leur véhicule en présence d’enfants, les dépanneurs qui vendent du tabac à des mineurs, etc. Par la suite, l’agent régional et l’intervenant scolaire s’efforcent d’intégrer ce thème à une autre activité, comme le journal étudiant ou un spectacle de fin d’année. Enfin, l’agent régional assure le suivi du projet jusqu’à sa fin. « On regarde comment les jeunes se sont emparés de leur activité et on leur donne un coup de pouce s’ils rencontrent des difficultés », dit Anny Doyon.

« Profitez-en! dit Johanne Crevier. Faites ces projets, mais ne les organisez pas tout seuls. Impliquez votre direction, vos collègues et le CQTS. » Parce que convaincre les jeunes que le tabac est un piège dans lequel il ne faut pas tomber reste toujours d’actualité.

Anick Perreault-Labelle