Le Québec s’est doté d’une réglementation originale pour débanaliser encore plus le tabac

Depuis le 24 juillet 2008, un règlement du gouvernement du Québec interdit de vendre un cigarillo ou un cigare autrement qu’à l’intérieur d’un emballage de 10 unités ou plus, à moins que cet article ou l’emballage en question se vende 5 dollars ou plus. Le 1er juin 2009, ce plancher passera à 10 dollars. La nouvelle règle des dix unités et plus s’applique à tout ce qui se fume, à part les cigarettes, lesquelles continuent de devoir être vendues en paquets de 20 unités ou plus, conformément à la Loi sur le tabac.

Quant aux annonces de produits du tabac dans les journaux et les magazines, elles doivent, depuis le 7 septembre 2008, être regroupées dans les mêmes pages de chaque publication; elles sont exclues de la première, de la deuxième et de la dernière page.

De plus, depuis le 21 septembre, chaque annonce (dont la superficie ne peut excéder 400 cm2) doit être accompagnée d’une mise en garde du ministre de la Santé qui peut être téléchargée du site internautique du Ministère. L’avertissement se décline en quatre versions également univoques : « fumer tue », « le tabac tue », « le tabac tue 10 000 personnes par année au Québec » et « le tabac cause le tiers des cancers ».

Dans ses règlements publiés cet été, le gouvernement du Québec a toutefois reculé sur certains points par rapport à ses projets originaux du 5 mars 2008: l’usage des couleurs, du relief et d’une variété de caractères d’imprimerie continue d’être autorisé dans la publicité des produits du tabac.

À l’inverse, en ce qui a trait à la publicité sur les panneaux d’affichage dans les points de vente, le gouvernement de Jean Charest s’est fait plus tranchant dans son règlement de juillet que dans son projet de mars: les textes publicitaires ne sont autorisés qu’en caractères noirs sur fond blanc, mais pas le contraire.

Initiation au tabagisme moins facile

La nouvelle règle visant à empêcher la vente des produits du tabac à l’unité ou en très petites quantités pourrait avoir pour effet de diminuer l’attrait des petits cigares aromatisés ou des « cigarettes brunes », par rapport aux cigarettes blanches. C’est ce qu’espèrent les groupes de lutte contre le tabagisme, qui ont maintes fois présenté les cigarillos et les petits cigares comme des produits grâce auxquels le tabac recrutait de nouveaux adeptes. Dans des revues telles que Your convenience manager ou Votre dépanneur, on a vu ces dernières années des annonces, destinées aux exploitants de dépanneur, faisant directement valoir la disponibilité d’un produit « en paquets de 8 ou à l’unité, pour générer encore plus d’expérimentation et d’achats impulsifs ».

Réglementation d’avant-garde

Le Québec est la seule province canadienne avec la Saskatchewan à fixer un nombre minimal d’unités d’un produit du tabac pouvant être légalement vendu à un consommateur, selon Rob Cunningham, analyste principal des politiques de santé pour la Société canadienne du cancer. « Avant le gouvernement du Québec, aucun gouvernement au pays n’avait adopté de règlement pour obliger l’apposition de mises en garde sanitaires sur les annonces de produits du tabac dans des journaux ou les magazines », mentionne aussi M. Cunningham. Au Nouveau-Brunswick, la Loi sur les ventes de tabac impose aux commerces de détail d’afficher dans les points de vente des produits du tabac une mise en garde sur les dangers de l’usage de ces produits, mais aucune loi ne fait mention de la publicité dans les médias.

Depuis l’année 2000, les fumeurs sont familiers avec la présence de mises en garde écrites et illustrées de Santé Canada sur les paquets de cigarettes. Ailleurs que sur les paquets de cigarettes eux-mêmes, la législation fédérale canadienne n’a cependant jamais forcé l’apposition de mises en garde sanitaires, bien qu’une consultation sur la possibilité d’en apposer sur les annonces avait été lancée en novembre 2004. Des avertissements de santé écrits, sans illustrations, sont souvent apparus sur les annonces de cigarettes au Canada, depuis les années 1980, mais seulement parce que les grands fabricants ont choisi d’agir ainsi.

La loi fédérale canadienne interdit la publicité des produits du tabac à la radio, à la télévision, sur des affiches placées dans des lieux où les personnes mineures sont admises, et dans des publications dont plus de 15 % du lectorat a moins de 18 ans. Elle interdit aussi d’utiliser des allusions à un style de vie pour mousser la vente du tabac.

Pierre Croteau