Le nombre d’ordonnances de varénicline a baissé en 2009 après l’emballement de 2008

En 2009, la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ), en vertu du régime général d’assurance-médicaments, a remboursé 91 735 prescriptions médicales de tartrate de varénicline (vendue au Canada sous la marque brevetée Champix) à des personnes qui tentaient d’arrêter de fumer. Ce chiffre, huit fois supérieur aux 11 425 prescriptions de 2007, l’année où le programme de remboursement a été étendu au Champix, est cependant de 29 % inférieur au résultat de 2008, lequel était de 128 757 prescriptions.

L’ensemble des ordonnances médicales de Champix honorées par les pharmacies au Québec est passé, selon les données de l’agence IMS Health, de 323 346 prescriptions en 2008 à 226 145 en 2009, soit une chute comparable de 30 %. Qu’ils soient couverts par l’assurance-médicaments de la RAMQ, ou qu’ils jouissent d’un plan d’assurance-santé privée couvrant leurs achats de médicaments, les candidats québécois à l’arrêt tabagique ont donc avalé moins de comprimés de varénicline que l’année précédente.

Dans l’ensemble du Canada, un phénomène comparable a été observé :  1 163 013 ordonnances de varénicline avaient été délivrées par les pharmacies en 2008, alors que 883 564 l’ont été en 2009, soit 24 % de moins.

Les médecins canadiens ont émis moins de 900 000 ordonnances de Champix en 2009.
Regain d’intérêt pour les TRN

Bien que les timbres transdermiques de nicotine et la gomme de nicotine soient des produits de désaccoutumance au tabac qui sont disponibles sans ordonnance, contrairement à la varé­ni­cline, ils font toutefois partie de l’éventail d’aides pharmacologiques qu’un médecin peut prescrire à son patient qui veut arrêter de fumer. Et il semble bien que les médecins et leurs patients fumeurs s’en sont souvenus. Certes, au Québec, le nombre des prescriptions de thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) délivrées par les pharmacies est aujourd’hui de moitié inférieur à ce qu’il était à son sommet de popularité en 2002, mais il est tout de même repassé de 399 523 en 2008 à 473 526 en 2009, ce qui correspond à 18,5 % d’augmentation en un an. L’année 2009 marque donc une première augmentation depuis le discret rebond de 2006.

Dans l’ensemble du Canada, toujours selon les données d’IMS Health, les ordonnances de nicotine médicinale ont aussi connu récemment un certain retour en vogue, croissant de 17,7 % en nombre, entre 2008 et 2009.

Pourquoi ce basculement

Yves Campbell, un intervenant en arrêt tabagique à l’Hôpital du Sacré-Cœur, à Montréal, estime que les « pres­crip­teurs pourraient avoir reçu comme une douche froide » l’avis de Santé Cana­da émis en janvier 2009 invitant à un surcroît de précautions avec le Champix. Chez une infime fraction des utilisa­teurs, on a observé en 2007 et 2008 des dépressions et des suicides, qui pour­raient avoir été causés par le simple fait d’être sevrés du tabac, mais dont on ne peut pas encore exclure qu’ils soient aussi en partie dus à la varénicline. Le médecin doit s’assurer que le patient et son entourage immédiat sont prévenus, recommande la monographie de mai 2008 du Cham­pix. Par comparaison, les effets secondaires des TRN ont pu paraître plus prévisibles.

Pneumologue clinicien et professeur de médecine de l’Université de Montréal, Alain Desjardins croit aussi qu’une certaine « peur des problèmes » a tiré vers le bas le nombre des prescriptions de varénicline en 2009. Le Dr Desjardins ajoute cependant que la découverte de la plus grande efficacité antitabagique des combinaisons de TRN, lorsque la cure est suivie méthodiquement, peut aussi expliquer un certain rééquilibrage des prescriptions d’aide pharmacologique en faveur des TRN.

Le Dr André Gervais, médecin-conseil à la Direction de santé publique de la région de Montréal, juge normal qu’un médicament comme le Champix, approuvé au Canada durant l’année 2007, ait connu en 2008 un engouement associé à sa nouveauté, et redescende, avant de se stabiliser.

Son de cloche similaire du côté de Lyne Simoneau, de chez Pfizer, le fournisseur du Champix, qui croit qu’une fois retombée la poussière soulevée par le geste de Santé Canada, qui a joué son rôle normal, le Champix tiendra une place de choix dans l’arsenal thérapeutique à la disposition des cliniciens. Le retour en grâce du Champix pourrait même s’être amorcé durant la deuxième moitié de 2009.

TRN ou Champix : cela vaut le coup

Une méta-analyse d’études cliniques, réalisée en 2008 sous la direction du Dr Michael Fiore pour le compte du ministère de la Santé des États-Unis, et figurant dans un document de références et de directives destinées aux thérapeutes, révèle que les taux de réussite des tentatives de sevrage sont encore plus élevés avec la combinaison timbres + gomme de nicotine, ou la combinaison timbres + vaporisations nasales de nicotine, qu’avec la varénicline, dont l’efficacité attire aussi l’attention.

C’est ainsi qu’un fumeur traité avec une dose de deux milligrammes de varénicline par jour durant le temps prévu multiplie par 3,1 fois ses chances d’être non-fumeur six mois après la cure, par comparaison avec un fumeur armé de sa seule volonté (puisqu’il utilisait un placebo à son insu et à l’insu du thérapeute). En combinant timbres et gomme de nicotine, ou timbres et vaporisations nasales de nicotine, pendant au moins quatorze semaines, les chances que notre fumeur soit encore abstinent du tabac, six mois après la cure, sont 3,6 fois supérieures à celles du fumeur qui a reçu le placebo.

Au niveau pancanadien, également du 17 au 23 janvier, une « Semaine nationale sans fumée » était animée par le Conseil canadien pour le contrôle du tabac. Clin d’oeil à la grippe H1N1, qui retenait l’attention des médias, cette campagne avait pour slogan C’est contagieux d’arrêter de fumer.

Le Dr André Gervais souligne que les directives données par le ministère américain de la Santé aux cliniciens font une place très grande au counseling en tant que ressource pour faciliter l’arrêt tabagique. Les drogues sont un atout pour réussir à cesser de fumer; mais additionnées aux conseils d’intervenantes spécialisées en arrêt tabagique, qui aident le fumeur à rompre avec sa dépendance psychologique au tabac, elles constituent une approche encore plus efficace.

Pierre Croteau