Le fédéral entend bannir les « légères » par réglementation

C’est par l’adoption d’un règlement complémentaire à sa Loi sur le tabac que le gouvernement canadien interdira vraisemblablement les termes trompeurs des cigarettes, comme « douces » et « légères ».

Le ministre de la Santé Allan Rock a lancé, fin novembre, une brève période de consultations ouverte à toutes les parties, dont l’industrie du tabac. La réglementation laisserait aux fabricants le soin de remplacer leurs qualificatifs de marques, en éliminant toute impression rassurante quant à la nocivité des produits.

Au printemps dernier, le ministre Rock avait demandé au « Conseil consultatif ministériel sur la lutte contre le tabagisme », qu’il venait de former, de lui soumettre des recommandations concernant le problème de ces cigarettes dites légères. Le Conseil consultatif est composé d’une quinzaine de personnalités issues des milieux universitaires et des domaines de la santé et d’intervention antitabac, dont les Québécois Louis Gauvin, président du Conseil, et Heidi Rathjen, de la Coalition québécoise, Louis Brisson, de l’Association pulmonaire, et Gilles Lépine, du Sport Étudiant de Québec. À la suite de journées d’étude tenues à Hull, réunissant un panel de douze experts internationaux, le groupe a remis en septembre son rapport au ministre, qui à son tour l’a rendu public le 1er novembre.

Le Conseil a convenu que les appellations telles que « douces » et « légères » constituent effectivement un problème de santé publique majeur ayant déjà contribué au décès de milliers de Canadiens. Les experts consultés sont d’avis que les cigarettes de type « légères » n’atténuent pas le risque pour la santé, et qu’une intervention forte, efficace et rapide du gouvernement est justifiée. En conclusion, le Conseil suggère ce qui est aujourd’hui envisagé, à savoir l’adoption d’une nouvelle réglementation dans le cadre de la loi actuelle. Il insiste aussi pour que le mécanisme qui remplacera les termes trompeurs ne permette pas d’insinuations similaires.

Le Conseil consultatif est peu enclin à une poursuite contre les fabricants, que cela soit en vertu de la Loi sur le tabac ou d’autres lois de protection du consommateur. Il aurait été possible de poursuivre, car l’article 20 de la loi interdit « de faire la promotion d’un produit du tabac, y compris sur l’emballage de celui-ci, d’une manière fausse ou trompeuse ». Mais une telle aventure aurait pu perdurer des années, surtout si la Cour décidait d’attendre la conclusion de la saga judiciaire qui oppose présentement le gouvernement et l’industrie sur l’ensemble de la loi.

L’option la plus simple et la plus rapide était donc d’émettre un règlement, en vertu de l’article 23 de la Loi sur le tabac qui édicte : « Il est interdit d’emballer un produit du tabac d’une manière non conforme à la présente loi et aux règlements. » Cette procédure fut utilisée avec succès pour l’instauration énergique des avertissements illustrés.

« Douces et légères? Trompeuses et dangereuses. »

Santé Canada n’a pas tardé à mettre en pratique une autre recommandation du Comité consultatif, qui lui suggère d’axer ses campagnes courantes antitabac sur les appellations trompeuses. Déjà, les Canadiens peuvent voir à la télévision et dans les journaux des annonces sensibilisant les fumeurs sur le sujet, et préparant le terrain pour l’adoption de la réglementation. Les quelque 30 millions $ dédiés aux campagnes médias en 2001-02 seraient essentiellement consacrés à ce thème. On a pu notamment revoir l’annonce télé où des contenants de produits toxiques portent, en dérision, des qualificatifs de type « léger » et « doux ». Ces messages se terminent par le slogan « Douces et légères? Trompeuses et dangereuses ». Il est stratégique de mettre l’accent sur ce dossier, car si Allan Rock est déterminé à agir, son poste de ministre de la Santé n’est pas coulé dans le béton. Après autant d’efforts déjà déployés contre les cigarettes « légères », un éventuel successeur complètera certainement la tâche.

Denis Côté