Le cartel de la nicotine

Parmi les opposants à une Convention-cadre internationale forte se trouvent principalement les multinationales du tabac.

Après avoir tenté d’infiltrer les instances de l’Organisation mondiale de la santé en vue d’en détourner les travaux (1), les compagnies de cigarettes ont prétendu que la convention était une forme d’ingérence indue et inutile dans la souveraineté des nations. Leurs représentants soutenaient que les pays en développement avaient bien d’autres problèmes plus urgents à résoudre, et ne devaient pas se voir imposer l’agenda antitabac d’impérialistes américains!

Face à la volonté implacable de l’OMS et de ses États membres, les multinationales du tabac ont modifié leur stratégie. Elles veulent maintenant coopérer à la conception du traité, souhaitant manifestement en réduire la portée. Les organismes de santé considèrent toutefois que ces compagnies devraient être écartées des travaux en cours.

Quels sont donc les principaux membres du cartel mondial de la nicotine? Quels sont leurs intérêts et leurs marques au Canada?

No 1 : China Tobacco

1700 milliards de cigarettes (premier fabricant, avec 25 % de la production mondiale). Activités concentrées en Chine, où 63 % des hommes et 4 % des femmes fument.

Chacune des trois multinationales suivantes a des manufactures dans au moins 40 pays:

No 2 : Philip Morris

926 milliards de cigarettes (14 % de la production mondiale). De 1989 à 1999, ses revenus non-américains en tabac ont augmenté de 226 %, atteignant 41 milliards $ CAN, alors que ses profits ont grossi de 400 %, dépassant 7,5 milliards $ CAN. Présent dans plus de 180 pays. Siège social à Rye Brook, en banlieue de New York. Fabrique notamment les Marlboro (première marque mondiale), Virginia Slims, L&M, Merit, Freeport, Basic et Chesterfield. Détient au Canada 40 % de Rothmans, Benson & Hedges (RBH), qui commercialise aussi les Craven ‘A’, Belvedere et Mark Ten. RBH a son usine à Québec.

« Nous en sommes seulement aux premiers pas dans l’exploration de nos nombreux nouveaux marchés. » – Geoffrey Bible, président, Philip Morris, rapport annuel de 1996.

No 3 : British American Tobacco

807 milliards de cigarettes (12 % de la production mondiale). Bénéfices d’exploitation de 5,7 milliards $ CAN en 2000. Fabrique notamment les Lucky Strike, Dunhill, Kent, Pall Mall et 555. Possède 97 manufactures et a des bureaux dans 66 pays. A englobé Rothmans International en janvier 1999. Siège social à Londres. A acquis, début 2000, la totalité du géant canadien Imperial Tobacco (marques du Maurier, Player’s et Matinée), lequel atteint 900 millions $ CAN en bénéfices d’exploitation annuels. Imperial a ses usines à Montréal et à Guelph, en Ontario.

« Notre stratégie est d’être le numéro 1 du marché dans ce qu’il est convenu d’appeler les pays en développement. » – Martin Broughton, président, BAT (SRC, 3/8/99)

No 4 : Japan Tobacco

386 milliards de cigarettes (6 % de la production mondiale). S’est imposé sur la scène mondiale en acquérant, en mai 1999, les opérations non-américaines de RJR Nabisco. Principales marques : Mild Seven, Winston et Camel. Ventes dans 170 pays. Détenu à 67 % par le gouvernement japonais. Au Canada, possède 100 % de JTI-Macdonald, qui fabrique ses Export‘A’à Montréal.

« Nous invitons l’OMS et les autres autorités sanitaires à travailler avec nous, et avec les gouvernements élus, pour protéger la santé publique dans un monde où au moins 25 % des adultes continueront à fumer parce qu’ils le veulent bien. Merci. » – Axel Gietz, vice-président, JTI, audiences de l’OMS, 13/10/00

Le Canada, une vraie mine d’or!

Le Canada constitue un marché extrêmement lucratif pour les multinationales du tabac, grâce aux prix de gros très élevés et uniformes des cigarettes.

Il n’y a aucune concurrence sur ces prix, lesquels augmentent fréquemment. Les trois principaux fabricants contrôlent 98 % du marché, soit Imperial Tobacco avec 69 %, RBH avec 18 % et JTI-Macdonald avec 11 %.

Denis Côté

Note [1]: Voir l’enquête Les stratégies utilisées par l’industrie du tabac pour contrer les activités de lutte antitabac à l’Organisation mondiale de la Santé. Principales sources : sites Internet des fabricants et Tobacco Fact Sheet, publié par la 11e Conférence mondiale sur le tabac OU la santé.