L’aide aux commandites protabac passe du ministère de la Santé à Tourisme Québec

À l’étonnement des organismes impliqués dans la lutte au tabagisme, c’est le nouveau ministre délégué au Tourisme, au Loisir et au Sport, Richard Legendre, qui a dévoilé les premières subventions du « Programme de soutien aux manifestations touristiques ayant renoncé aux commandites protabac », selon sa nouvelle appellation.

Ce programme québécois était, jusqu’à récemment, sous la responsabilité du Service de lutte contre le tabagisme, au ministère de la Santé; son budget est de 11,5 millions $, répartis sur 2001, 2002 et 2003. Tourisme Québec a reporté la limite d’inscription, échue au 1er octobre, à une date encore indéterminée.

Lors de conférences de presse tenues en mai, le ministre Legendre a annoncé des contributions pouvant atteindre 1,8 million $ au Festival d’été de Québec, 2,5 millions $ au Festival Juste pour rire et 1,5 million $ au Concours d’art pyrotechnique, ces deux derniers étant de Montréal. La subvention au Grand Prix de Trois-Rivières reste à confirmer. Ces quatre événements étaient autrefois respectivement associés aux marques de cigarettes du Maurier, Craven‘A’, Benson & Hedges et Player’s.

Le ministre était en terrain de connaissance puisqu’il fit équipe, de 1996 à 1998, avec les dirigeants de ces événements pour s’opposer à l’interdiction des commandites de tabac. M. Legendre fut cadre à Tennis Canada de 1988 à février 2001, à la tête des Internationaux Player’s, Matinée et du Maurier, trois marques d’Imperial Tobacco. Recruté par le premier ministre Bernard Landry et son collègue Gilles Baril, alors responsable de la lutte au tabagisme, M. Legendre a accédé au cabinet des ministres le 8 mars dernier, sans toutefois avoir encore été élu député.

À ce jour, trois autres grands événements montréalais s’étaient déjà départis de leurs commandites tabagiques principales sans faire appel au programme d’aide provincial, à savoir le Festival de Jazz, les Internationaux de tennis et le Grand Prix de Formule 1. General Motors est commanditaire principal du Festival de jazz depuis l’an dernier. Le site Internet du Festival révèle toutefois qu’Imperial Tobacco vient de s’engager pour trois étés additionnels à présenter des activités extérieures gratuites, à titre de commanditaire secondaire. « Du Maurier nous réserve d’ailleurs bien des surprises » lit-on sur le web.

Encore le Stade du Maurier

Ayant déniché de nouveaux commanditaires, les organisateurs des Internationaux de tennis n’avaient pas fait, eux non plus, de demande au fonds d’aide. Par contre, Tennis Canada a annoncé, le 8 mai, avoir reçu une subvention de 2,1 millions $ de la Société des événements majeurs internationaux du Québec pour l’agrandissement de son Stade du Maurier. Cette société est totalement financée par le gouvernement du Québec.

Rappelons qu’il y a cinq ans, les paliers gouvernementaux avaient déjà déboursé 20 millions $ pour la construction du Centre de tennis du Parc Jarry, soit 83 % des coûts, pour voir ensuite son élément principal, le court central, être baptisé « Stade du Maurier ». En vertu de la Loi sur le tabac, le stade de tennis ne pourra plus être affublé du nom d’une marque de cigarettes à compter d’octobre 2003.

Au Grand Prix de Formule 1 de Montréal, Air Canada a succédé à Player’s à titre de commanditaire principal dès 1999. Pour l’été 2001, Imperial Tobacco a aussi mis fin à sa commandite secondaire, sans doute par simple calcul commercial, l’affichage de sa marque canadienne n’étant guère rentable sur une dispendieuse vitrine internationale. En revanche, les promoteurs du Grand Prix cherchent à présenter une seconde manifestation sur l’Île Notre-Dame dès 2002, à savoir une course de la série CART, laquelle mettrait notamment en vedette des pilotes de l’équipe Player’s.

Loto-Québec et SAQ

Le Festival Juste pour rire a déjà un nouveau commanditaire principal depuis 1999, Loto-Québec ayant remplacé Craven‘A’. L’édition de 2000, dotée d’un budget de 23 millions $, s’était soldée par un surplus de 80 000 $, similaire à celui de 1999. Il semble que la très rentable société d’État n’a pas été en mesure de succéder adéquatement à la marque de cigarettes, puisque le Festival demande une compensation, de 2,5 millions $ au maximum.

Du côté du Concours d’art pyrotechnique de La Ronde, on remplacera cet été la commandite de Benson & Hedges par celle de la Société des alcools du Québec (SAQ), dont le siège social est situé aux premières loges des feux. Dans son communiqué du 4 mai, La Ronde révèle que la SAQ a négocié sa commandite à rabais pour les trois premières années d’un contrat de cinq ans, de manière à profiter de la formulation du programme de compensation.

Pour sa part, une semaine après avoir obtenu une subvention de remplacement pouvant atteindre 1,8 million $ sur trois ans, le Festival d’été de Québec a annoncé que Bell Canada accédait au titre de présentateur officiel de l’événement pour une durée de cinq ans.

De la santé au tourisme

Ayant éprouvé « quelques difficultés d’application » au Service de lutte contre le tabagisme, le programme fut transféré en mars dernier au ministère du Tourisme, lequel subventionnait déjà le type de manifestations touchées par l’interdiction des commandites du tabac, a indiqué Suzanne Watson, chef de produit à Tourisme Québec. Il est probable que certains organisateurs d’événements s’impatientaient de voir leurs subventions confirmées, plus de trois années après la première annonce du programme par Bernard Landry, alors ministre des Finances.

Pas de message antitabac

En contrepartie des subventions de remplacement, les événements devront tous afficher ou publier le message de santé suivant : « Le plaisir d’être actif au Québec ». Illustré par un couple en vélo, ce slogan fait la promotion de l’exercice physique. Ainsi, aucun événement ne transmettra de messages antitabac, au grand dam de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. La Coalition avait proposé que le programme de compensation soit totalement associé à la réduction du tabagisme, puisqu’il découle de la Loi sur le tabac.

D’ailleurs, ce sont les groupes antitabac qui avaient le plus milité, de 1996 à 1998, pour la création d’un fonds d’aide aux événements touchés par la loi. Ils avaient notamment initié un mouvement, fort de plus de cent organismes, lequel réclamait la création d’une fondation qui aurait financé des commandites prosanté.

Denis Côté