L’ADA tient aux étalages de cigarettes

Le 28 avril à Montréal, devant une vingtaine de journalistes, l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) a prévenu Santé Canada que le gouvernement ne devrait pas réglementer l’étalage des cigarettes dans les points de vente, invoquant des pertes financières importantes dans les dépanneurs.

L’ADA estime que l’obligation de n’exposer à la vue du public qu’un côté étroit des paquets de cigarettes, et ce derrière le comptoir, engendrera des pertes considérables. Selon l’association, c’est près de 100 millions $ et au moins 2 000 emplois qui disparaîtraient. À l’appui de ces prétentions, elle indique que les 5 000 dépanneurs québécois perçoivent 32 millions $ par année des fabricants pour exposer leurs produits en vedette, soit en moyenne 6 400 $ par commerce. Aucun secteur de l’alimentation n’est aussi « généreux » que les fabricants de cigarettes, soutient l’ADA.

De plus, l’ADA prévoit un bouleversement dans l’industrie des dépanneurs du fait que des commerces spécialisés, tels les tabagies exclusives, ne puissent être touchés par cette réglementation et conserveraient donc des étalages commandités par les fabricants. Profitant ainsi de l’apport financier des cigarettiers, ces tabagies pourraient alors vendre leurs produits moins chers, ce qui aurait pour effet, prétend l’ADA, de leur transférer un hypothétique volume de vente atteignant pas moins de 40 millions $.

La conférence de presse était animée par le président de l’ADA, Michel Gadbois, qui s’est fait connaître au début de la décennie lors de la crise de la contrebande du tabac. M. Gadbois ne proposait alors qu’une solution à la contrebande, soit la baisse des taxes, laquelle fut concédée en février 1994. Auparavant, M. Gadbois a été relationniste pendant deux ans chez Benson & Hedges et deux autres années chez Imasco, la compagnie mère d’Imperial Tobacco.

« Les appréhensions des dépanneurs face à cette réglementation sur l’étalage sont-elles exagérées? », a questionné un journaliste, en citant en exemple le succès financier des pharmacies Jean Coutu malgré leur abandon total du commerce du tabac. Le ministre de la Santé du Canada, Allan Rock, a toutefois tenu à préciser que la réglementation décriée par l’ADA n’était qu’une des options à l’étude.

Pour sa part, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, par le biais d’un communiqué, estime que les effets négatifs escomptés par l’ADA sont irréalistes, parce que fondés sur des données qui ne correspondent pas à la réalité. « Les revenus supplémentaires associés à la promotion aux points de vente représentent en moyenne 1 500 $ par année pour chaque détaillant. Ce manque à gagner pourrait être aisément compensé par une hausse de trois cents du paquet de cigarettes », a suggéré son coordonnateur Louis Gauvin.

M. Gauvin signale, en outre, que l’ADA omet de mentionner que depuis l’automne dernier, les commerces jumelés aux pharmacies ne sont plus autorisés à vendre des cigarettes, ce qui représente un transfert de 28 millions $ de ventes, en grande partie en faveur des dépanneurs.

Le président de l’ADA soutient également que les étalages discrets ne susciteraient pas de baisse du tabagisme chez les adolescents, ce qui serait, selon lui, le but de la réglementation. Il propose plutôt de rendre illégal l’usage du tabac en public pour les mineurs.

Interrogé sur l’intérêt que son association porte à la santé des clients adultes et sur le message de banalisation du tabac qu’implique sa mise en marché actuelle, M. Gadbois a simplement répondu que le tabac est encore un produit légal.

Denis Côté