La sensibilisation, toujours nécessaire

Les campagnes sociétales figurent en bonne place dans l’arsenal de la lutte contre le tabagisme. Certains sondages montrent que le message passe.

Malgré des lois de plus en plus sévères sur le tabagisme, il y a encore des jeunes qui s’initient au tabac et des fumeurs qui ont peine à cesser. Ce n’est pas parce qu’ils sont insouciants; le tabagisme est un comportement complexe faisant intervenir des facteurs à la fois biologiques, psychologiques et sociologiques. C’est pourquoi les gouvernements et les organismes de santé publique, par l’entremise de campagnes de publicité, continuent à sensibiliser la population aux méfaits du tabac. « Ces efforts de sensibilisation sont importants, analyse Mario Bujold, directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé. Avec de nouvelles images ou un nouveau slogan, ils rappellent les risques associés à l’usage du tabac aux fumeurs et aux non-fumeurs, tout en mettant parfois en lumière les aides à la cessation qui existent. » Aperçu de quelques-unes de ces campagnes et de leur impact.

Pour les jeunes : Magane pas tes organes

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Magane pas tes organes avec la boucane est la plus récente campagne du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) visant la prévention du tabagisme chez les jeunes. Diffusée ce printemps, cette campagne destinée aux jeunes de 11 à 14 ans mettait en scène Boucane : une cigarette aux cheveux bouclés et au sourire hypocrite qui séduit les jeunes en se déguisant en fruit ou en bonbon. La campagne comprend notamment une animation vidéo dont la trame sonore rappelle que « Boucane magane les organes » et qu’« il suffit d’une seule fois/d’une seule permission/pour qu’il répande en toi/des traces de poison ». En effet, bien des jeunes croient que fumer de temps à autre n’est pas nocif, note le MSSS. C’est pourquoi la campagne visait à leur rappeler que chaque cigarette ou cigarillo est dangereux.

Diffusée notamment à la télévision, sur Facebook et dans 50 % des autobus des services de transport des municipalités du Québec, Magane pas tes organes! a laissé une trace dans l’esprit des écoliers. Un sondage SOM mené auprès d’environ 400 jeunes montre que, après avoir visionné la vidéo, la proportion qui acquiesce à l’idée qu’une seule cigarette nuit à la santé grimpe de 58 % à 72 %. Le même sondage montre que 85 % des jeunes de 11 à 15 ans ont été exposés à cette campagne et que, parmi eux, environ la moitié en ont parlé avec leur entourage. Enfin, la page Facebook de la campagne a récolté environ 13 000 nouveaux « J’aime » au cours du printemps ainsi que plus de 8000 commentaires. La page, active depuis la première campagne Y’a rien de plus dégueu, en 2011, rassemble désormais 48 000 adeptes.

Peut-on faire mieux?

Les bonnes campagnes antitabac partagent certaines caractéristiques, que résume la Coalition canadienne pour l’action sur le tabac (CCAT) dans un document de 2007. « Les publicités centrées sur les comportements individuels peuvent être utiles […], mais des messages plus généraux sur les normes sociales, le renforcement législatif et les actions des cigarettiers demeurent plus efficaces », souligne notamment la CCAT.

Les campagnes réussies montrent l’ampleur des dommages causés par le tabac, « particulièrement en comparaison d’autres risques, comme […] le virus du Nil, le sida ou les accidents de voiture ». Enfin, les meilleures publicités sont assez fortes pour générer des discussions. En clair, elles « seront inévitablement critiquées par certains comme ‘allant trop loin’ », écrit la CCAT (notre traduction). Bref, les campagnes actuelles pourraient sûrement avoir un peu plus de mordant!

Pour les adultes : trouver leur raison pour devenir non-fumeur

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En 2013, le MSSS a également lancé la campagne Ex-fumeur, nouveau bonheur. Étalée sur trois ans, celle-ci vise à promouvoir les services j’Arrête. Ses cibles principales? Les fumeurs de plus 35 ans avec un emploi manuel ou un revenu familial inférieur à 40 000 dollars. Pour des raisons à la fois historiques et sociologiques, le taux de tabagisme de ces Québécois est généralement plus élevé que celui du reste de la population.

Dans les publicités d’Ex-fumeur, nouveau bonheur, des personnages parlent de leur raison pour arrêter de fumer. Pour une femme bientôt grand-mère, c’est une raquette de tennis retrouvée à l’occasion d’un déménagement. En arrêtant de fumer, elle pourra retrouver la santé et jouer une partie avec ses petits-enfants. Pour un autre personnage, c’est une nouvelle blonde en forme et non-fumeuse qui le motive. Un sondage Léger mené en 2014 auprès d’environ 600 fumeurs appartenant aux deux groupes cibles montre que, grosso modo, 85 % d’entre eux avaient entendu parler de la campagne tandis que leurs motivations pour cesser de fumer correspondaient à peu près à celles de ces personnages. Au final, plus du quart des sondés affirment que la campagne les a encouragés à décider d’arrêter de fumer. Enfin, entre 5 et 10 % d’entre eux ont aussi affirmé que cette campagne les avait incités à utiliser les services j’Arrête.

Pour tous : la Semaine pour un Québec sans tabac

Enfin, diffusée chaque année en janvier, la Semaine pour un Québec sans tabac (SQST) aura 40 ans en 2017. Créé à l’origine par l’Association pulmonaire du Québec, cet événement a changé de nom au fil des années afin de mieux refléter son objectif. Baptisé d’abord Semaine nationale sans fumer, l’événement est devenu la Semaine pour un avenir sans tabac en 1995 puis Semaine pour un Québec sans tabac en 2014. En 2015, la SQST a rappelé aux Québécois que « le tabac fait souffrir ses victimes avant de les tuer ». Une publicité choc a été diffusée à la télévision tandis que les trois vidéos (www.mondesansfumee.ca) de la campagne ont été vues 1,2 million de fois. Selon un sondage Léger mené auprès de 1000 personnes, pas moins de 83 % des Québécois ont entendu parler de la SQST en 2015. Parmi eux, 58 % en ont discuté avec un adulte tandis que 39 % ont encouragé quelqu’un à ne pas commencer à fumer. Un plus pour le Québec tout entier.

Un défi qui fait ses preuves

Encore cette année, le Défi J’arrête, j’y gagne! a séduit 19 500 Québécois qui se sont engagés à ne pas fumer du 1er mars au 11 avril. Depuis 16 ans, grâce à ce concours, pas moins de 70 000 Québécois auraient réussi à se libérer du tabac, selon Capsana, l’organisme qui gère cet événement. Certes, moins de 2 % des fumeurs québécois s’y inscrivent chaque année. Comparativement aux autres services de soutien à la cessation, cela représente néanmoins un bon taux de participation. En effet, les programmes de cessation tabagique obtiennent un taux de participation médian de 2 %, selon une étude de l’Université de Waterloo, publiée en 1998, et encore citée par le MSSS. Concrètement, 20 % des fumeurs qui relèvent le Défi sont encore non-fumeurs un an plus tard. Un succès spectaculaire, sachant que moins de 10 % de ceux qui essaient de se libérer du tabac par leurs propres moyens parviennent à leurs fins, selon une étude américaine.

Anick Perreault-Labelle

Correction : Une version précédente de cet article attribuait erronément à l’Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario des résultats sur le taux de participation aux programmes de cessation tabagique. En réalité, ces résultats proviennent du départements d’études sur la santé et la gérontologie de l’Université de Waterloo.